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Liban - Législation

Roukoz propose une loi sur la réparation du préjudice dû à la détention provisoire

« L’État est responsable de l’indemnisation, les abus de pouvoir étant commis à travers les pouvoirs judiciaire et exécutif », affirme à « L’Orient-Le Jour » le député du Kesrouan.

Chamel Roukoz, lors de sa conférence au siège du Parlement. Photo ANI

Chamel Roukoz, député du Kesrouan (CPL), a présenté jeudi une proposition de loi sur l’indemnisation du dommage subi du fait d’une détention provisoire s’avérant injustifiée. Lors d’une conférence de presse tenue au siège du Parlement, M. Roukoz a motivé sa démarche par la recrudescence de « mesures édictées de manière injuste et arbitraire par des juges qui transgressent l’obligation d’impartialité et d’objectivité et utilisent leur pouvoir comme un outil de pression ou de diffamation ». Pour le député CPL, « la liberté et la présomption d’innocence sont les principes, et la détention provisoire est l’exception. Celle-ci doit donc être décidée dans des circonstances sérieuses et graves et sur base de considérations objectives, plutôt que pour des raisons d’humeur, de vengeance ou de despotisme ». M. Roukoz a affirmé que la loi proposée « vise à protéger le justiciable qui voit sa dignité et sa liberté bafouées lors d’une détention provisoire ayant dépassé les délais légaux ».

Le député du Kesrouan a cité en comparaison l’exemple du droit français qui « a ôté aux juges d’investigation le pouvoir de détention provisoire, l’attachant exclusivement aux juges des libertés et de la détention ». Il a affirmé que le Code français de procédure pénale dispose qu’« est en droit de demander réparation pour le préjudice moral et matériel subi tout individu détenu provisoirement dans le cadre d’un procès clos par un jugement de non-lieu ou d’acquittement ». M. Roukoz a également mentionné la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui édicte « le droit à la réparation pour toute arrestation arbitraire ou illégale ».

La proposition de loi présentée par le parlementaire revendique le droit pour les individus arrêtés puis acquittés à « intenter une action en dommages et intérêts contre l’État pour les décisions de détention provisoire rendues par les juges du parquet ou les juges d’investigation, tant auprès des tribunaux civils que militaires ». Le député du CPL a suggéré en outre la création de deux commissions judiciaires, l’une de première instance, l’autre d’appel, qui seraient chargées de statuer sur les demandes d’indemnisation, et dont les membres seraient désignés sur proposition du ministre de la Justice, avec l’approbation du Conseil supérieur de la magistrature.


(Lire aussi : Récupération d’enfants : Hammoud impose à la police de se faire accompagner d’une assistante sociale)


75 % des prisonniers attendent leur jugement

La proposition de loi fixe par ailleurs entre 50 000 LL et 100 000 LL par jour de détention le montant dû à une personne détenue injustement. « De telles sommes représentent le manque minimum à gagner subi par des justiciables qui auraient été contraints injustement de délaisser leur travail », affirme à L’Orient-Le Jour M. Roukoz, précisant qu’au-delà du dommage matériel, « le dommage moral est inestimable ». À la question de savoir d’où seraient puisés ces montants alors que les caisses de l’État sont vides, le député répond que « l’État est responsable de les procurer, sachant que les abus de pouvoir sont commis à travers les pouvoirs judiciaire et exécutif ». « D’ailleurs, si la loi est adoptée, elle constituerait un rempart pour empêcher les détentions provisoires arbitraires, ce qui éviterait les préjudices et, partant, les demandes en réparation », estime-t-il, déplorant en outre qu’« actuellement, seulement 25 % de la population carcérale a fait l’objet de condamnations judiciaires, alors que 75 % des prisonniers attendent leur jugement ».

Revenant sur la nécessité pour le gouvernement de prendre conscience de ses devoirs, M. Roukoz affirme qu’il lui a adressé deux questions écrites, « l’une sur les plans qu’il compte établir pour mettre fin au non-respect des limites légales de détention, l’autre sur la définition des responsabilités dans les retards de procès ».

Pour Nizar Saghieh, avocat et militant des droits de l’homme, une telle loi serait « la bienvenue ». « Au Liban, les délais de détention ne sont pas respectés », affirme-t-il à L’OLJ, précisant qu’« alors que la loi fixe à deux mois renouvelables une seule fois la limite maximale de la détention provisoire, des juges d’investigation se permettent souvent de prolonger cette période sans motif ». M. Saghieh critique également « le non-respect par la police judiciaire du délai maximal de quatre jours prévu par la loi pour les gardes à vue lors des enquêtes préliminaires », rappelant que « les personnes arrêtées sont pourtant présumées innocentes ».Interrogé sur l’opportunité de la création de commissions judiciaires pour statuer sur les demandes de réparation, M. Saghieh exprime par contre son opposition à une telle mesure. « Il faut s’en tenir aux tribunaux ordinaires », estime-t-il, notant que « si à chaque fois qu’il faut protéger un droit on doit procéder à la création de tribunaux spécialisés, cela reviendrait à établir un nouvel ordre judiciaire et compliquerait l’organisation de la justice ».


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commentaires (2)

Améliorer une democratie. Bravo

Sarkis Serge Tateossian

09 h 38, le 01 décembre 2018

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Commentaires (2)

  • Améliorer une democratie. Bravo

    Sarkis Serge Tateossian

    09 h 38, le 01 décembre 2018

  • Mieux vaut tard que jamais Bravo une lueur d espoir au pays des cèdres, ravi et étonné que ca émane d'un homme issus de l'académie militaire ! Bravo je suis fier de ce début tant sérieux.

    g.hayek

    01 h 47, le 01 décembre 2018

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