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Campus - ENTRETIEN

Au Liban, une nouvelle formation théâtrale avec des professionnels européens

Jeune comédienne libanaise diplômée en études théâtrales de l’Université Lumière Lyon II, Raghda Mouawad est enseignante de théâtre à l’International College (IC). Elle a pris une année sabbatique pour organiser une formation intensive en théâtre, la Yazan Professional Actors Training (YPAT).

La Yazan Professional Actors Training (YPAT) est une formation intensive en théâtre, désormais proposée au Liban.

Vous êtes cofondatrice et directrice de l’YPAT. D’où est venue l’idée de proposer une formation en théâtre au Liban ?

Il y a deux ans, j’avais envie de poursuivre ma formation en tant qu’actrice, de me gratter les méninges. J’avais envie d’apprendre de nouvelles techniques en théâtre, de découvrir des pièces internationales, de m’enrichir de toutes les nouvelles mises en scène présentées dans le monde. J’ai fait mes recherches pour trouver une formation à l’étranger. J’ai regardé les universités et ce qu’on proposait, et je me suis rendu compte qu’aller en Grande-Bretagne (c’est moins cher qu’ailleurs) et entrer dans une bonne institution coûtait une fortune : 40 000 dollars l’année… À l’époque, j’en avais parlé avec Caroline Hatem, présidente de Yazan – une plateforme artistique multidisciplinaire qui rassemble des artistes, techniciens et praticiens culturels – et cofondatrice de l’YPAT, et ensemble, nous avons constaté que mon envie d’apprendre la technique est partagée par de nombreux artistes. Malheureusement, nous n’avons pas de conservatoire de théâtre au Liban, et l’université survole un peu ce qui touche à la technique. C’est pourquoi nous nous sommes demandé : « Pourquoi ne pas inviter des artistes faisant partie des meilleures institutions en Europe à donner des cours ici ? » Les Libanais pourraient en bénéficier et cela reviendra à nettement moins cher.

Concrètement, que propose la formation ? Qu’y enseigne-t-on ?

Nous avons envie surtout de travailler le texte. Au Liban, plein de personnes font des pièces de théâtre, mais les reprises de texte du répertoire classique ou contemporain sont extrêmement rares. Ici, on a surtout des créations. Le peu de pièces basées sur des répertoires existants sont très médiocres. C’est à cause du système qui ne nous a pas appris à travailler le texte : le comédien libanais ne sait pas travailler le texte théâtral. Pour pallier ce problème, nous proposerons deux cycles. Le cycle hiver, qui sera en anglais, durera 180 heures et sera consacré à l’étude de textes de Shakespeare. On y travaillera surtout le jeu dramatique et la voix. Il sera assuré par Susan Worsfold, une metteuse en scène primée, très reconnue en Grande-Bretagne et enseignante au Royal Conservatoire of Scotland. Nous avons une chance en or de l’avoir. En ce qui concerne le cycle printemps, qui sera donné en français, il durera 120 heures et sera assuré par Émilie Incerti. Elle expliquera quelles sont les étapes qu’elle suit quand elle a un texte en main. L’expertise d’Émilie, qui a été nominée aux Molière en 2015 et est diplômée du Théâtre national de Strasbourg, permettra d’expliquer les démarches à suivre en ce qui concerne la compréhension du texte, du personnage…

Au terme de cette formation, un diplôme sera-t-il décerné ?

Nous donnerons un certificat attestant du suivi de la formation, avec le nombre d’heures et avec quel artiste. Nous nous adressons à des gens déjà diplômés a priori, mais il pourrait y avoir des amateurs aussi. Ça se met facilement sur un CV. La formation est de l’ordre de 120 à 180 heures, l’équivalent d’à peu près trois crédits dans une université.

Il manque énormément de soutien financier pour les artistes. Nous adorerions pouvoir donner cette formation à un prix minimal. Sauf que nous ne le pouvons pas car nous manquons de structures pour financer et produire. Les initiatives artistiques individuelles peinent à se concrétiser parce que les quelques structures existantes encouragent les personnes et les compagnies qu’elles connaissent déjà.

Ce manque de financement pourrait-il, selon vous, tuer le théâtre libanais un jour ?

Non. Le théâtre ne peut pas mourir. Dès qu’il y a une personne qui a envie de dire un texte pour faire passer un message ou des émotions, ou juste faire voir du beau, et que quelqu’un l’écoute, il y a théâtre. C’est juste que ce serait bien que le théâtre soit plus encouragé, soutenu sur le plan financier. Il faut encadrer les artistes pour qu’ils puissent s’exprimer.

Que pourrait apporter le théâtre à la société libanaise ?

Le théâtre est le reflet de la société. Quand cet art-là est faible, cela veut dire soit qu’il y a de la censure qui empêche la société de s’exprimer, soit que la société est tellement dépitée qu’elle n’a même plus envie de parler. Le théâtre donne de l’espoir, donne le beau, il permet de voir des choses avec un œil différent, un autre regard que celui que nous avons tous les jours, il permet de vivre des choses émotionnelles et cérébrales nouvelles, il nous pousse à sortir de notre zone de confort, de notre cadre, de notre boîte, il nous incite à penser autrement parce que nous découvrons à travers lui la pensée et la vision des autres. Que ce soit un théâtre politique, de la comédie ou un spectacle de marionnettes, cet art pousse forcément vers un autre monde. Ceci est nécessaire pour qu’une société grandisse, pour qu’une société soit riche, pour qu’elle s’épanouisse et garde espoir.

Pour en savoir plus, contacter le yazanbeirut@gmail.com ; par téléphone Caroline Hatem au 70/789906, ou Raghda Mouawad au 03/937048. Lieu de la formation : Art and Movement (Jal el-Dib).


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