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Moyen Orient et Monde - Golfe

À Bahreïn, des élections jouées d’avance

Alors que les législatives doivent se tenir aujourd’hui, les observateurs dénoncent l’absence de toute opposition sur les listes du scrutin.

Un panneau dans la ville d’Isa montrant l’image d’un candidat aux élections législatives à Bahreïn. Photo STR/AFP

L’événement est largement contesté depuis ces dernières semaines. Pour la seconde fois depuis le soulèvement de 2011, les Bahreïnis sont appelés à se rendre aux urnes aujourd’hui à l’occasion des élections législatives. Avec 293 candidats en lice, les habitants de ce petit royaume doivent élire 40 députés sur les 80 qui constituent l’Assemblée nationale bahreïnie, les 40 autres étant directement nommés par le roi, Hamed ben Issa al-Khalifa. Selon le comité exécutif des élections de 2018, plus de 365 000 Bahreïnis sont éligibles pour participer à ce vote, sur 1,5 million d’habitants au total.

De nombreuses voix se sont élevées sur les réseaux sociaux pour dénoncer le simulacre que représentent ces élections alors que les listes présentées comportent majoritairement des candidats progouvernementaux, conséquence de l’acharnement de Manama à réprimer toute opposition politique au cours de ces dernières années. « Dans le contexte actuel et l’attention internationale largement portée sur d’autres affaires – celle de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en premier lieu –, la pression est moindre sur le régime et ces élections qui prétendent à la normalité n’ont aucun enjeu véritable », explique à L’Orient-Le Jour Claire Beaugrand, professeure à l’université d’Exeter (Angleterre) et spécialiste du Golfe. Ces élections s’inscrivent dans « la suite du printemps arabe, de la vague d’arrestations et du bannissement des groupes d’opposition », explique à L’OLJ Sanam Vakil, chercheuse au sein du programme sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Chatham House. « Les gens espéraient que ces élections seraient une opportunité pour le gouvernement de rétablir un processus politique légitime, mais ce ne sera pas le cas », précise-t-elle.

Le 4 novembre, trois figures d’opposition chiites accusées d’avoir transmis des informations secrètes au Qatar ont été condamnées à la prison à perpétuité, dont le cheikh Ali Salmane, leader d’un des principaux mouvements d’opposition, al-Wefaq, dissous en 2016. À l’instar de l’Arabie saoudite, Bahreïn impose un blocus à l’émirat depuis juin 2017, accusé de financer le « terrorisme » et d’entretenir des liens trop étroits avec l’Iran. Après avoir décidé de la dissolution d’al-Wefaq, la justice bahreïnie a également ordonné la dissolution du mouvement Action nationale démocratique (Waad) en novembre 2017, accusant ce parti laïc de « plaider en faveur de la violence, de soutenir le terrorisme et d’inciter à l’encouragement de crimes ».


(Lire aussi : A Bahreïn, des législatives sans enjeu politique)


« Obstruction au processus électoral »

Les rênes de l’État bahreïni, petit royaume s’étendant sur une île de 765 km2, sont tenues par la dynastie sunnite des Khalifa tandis que la population du pays est à 65 % chiite.

Dans un communiqué publié hier, Amnesty International a dénoncé le fait que « les libertés d’expression, d’association et de réunion soient toutes absentes dans un contexte où la participation civique est limitée à ceux qui soutiennent déjà pleinement l’ordre politique existant ». Ainsi, « on peut s’attendre au même type de résultat que lors du dernier scrutin en 2014, c’est-à-dire une chambre très majoritairement composée d’élus dits indépendants (34 sur 40 en 2014) ou, en d’autres termes, prêts à soutenir la politique du gouvernement – les pouvoirs du Parlement étant déjà extrêmement limités », indique Mme Beaugrand. « En 2014, il y avait eu une surprise, le mauvais résultat des organisations sunnites issues du contre-mouvement de 2011, dont aucun candidat n’avait été élu. Rien de tel ne devrait se produire aujourd’hui. Et le gouvernement avait utilisé tous les moyens possibles de séduction et d’intimidation pour que le taux de participation, le vrai enjeu, soit important », poursuit-elle.


(Lire aussi : Le chef de l'opposition au Bahreïn condamné à la perpétuité pour "intelligence" avec le Qatar)


S’il est prévu que 231 observateurs issus de la société civile soient présents pour surveiller les bureaux de vote, « les seules institutions de la société civile en activité sont étroitement liées au gouvernement de Bahreïn », rapporte sur son site l’organisation Américains pour la démocratie et les droits de l’homme à Bahreïn. « Il est préoccupant de savoir que ces observateurs ne sont donc pas indépendants et ne garantissent pas des élections libres et équitables », ajoute-t-elle. « Sans surveillance électorale, il sera difficile d’évaluer la validité des résultats », remarque également Mme Vakil.

Des activistes de l’opposition ont multiplié les appels au boycottage de l’élection sur les réseaux sociaux, protestant contre une loi promulguée en juin dernier interdisant aux « dirigeants et membres d’associations politiques dissoutes pour violation de la Constitution ou des lois du royaume » de présenter leur candidature. Cinq personnes ont fait les frais de leur positionnement politique mercredi dernier après avoir été mises en détention et inculpées par le procureur général de Bahreïn pour « obstruction au processus électoral ».


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