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Lifestyle - Un peu plus

Ces mots difficiles

On ne dit pas assez aux gens qu’on aime, qu’on les aime. On leur confie rarement les sentiments que l’on éprouve à leur égard. On leur témoigne peu l’amour qu’on leur porte. Et pourtant, Dieu seul sait ce qui se cache à l’intérieur de nous. On a du mal à dire « je t’aime». On ne les dira qu’une fois peut-être, ces trois mots lourds de sens et pourtant si galvaudés. On les regrettera, les enfouira, les répétera. On les cachera en retirant le «je», en disant un pauvre « t’aime » pour diminuer leur profondeur. Ou un «love you » à peine murmuré, le « I» étant trop fort. On pense souvent, à tort, que ce sont les mots les plus difficiles à dire. Pourtant, il ne s’agit pas que d’eux. Ce n’est pas cette déclaration qui est la plus pénible à prononcer. Parce qu’elle est souvent le témoignage d’un instant. Un moment sincère, aussi bref fût-il.

Il en existe d’autres, des mots et des expressions difficiles à énoncer. Les « merci » et autres « pardon». Compliqué de les dompter, ces deux formules de politesse. De les rendre sincères, de les ressentir. Parfois, on les transforme en gestes, en actes. Mais ils sont si beaux ces mots-là. Merveilleux. Dénués d’ingratitude. Profonds. Ils sont les symboles de la force et non pas du contraire. Je te dis merci, je te demande pardon. Je te suis reconnaissant(e), j’admets mes erreurs.

On se cache (trop) souvent lorsqu’on s’exprime derrière des généralités. Des « tu nous manques» au lieu d’un « tu me manques » quand l’absence est cruelle, viscérale. Un «miss you» où le « I » s’inclinera une fois de plus. On a peur d’avouer ses sentiments. Peur qu’ils se retournent contre nous. Peur qu’ils nous affaiblissent, peur de montrer le flanc. Comme si mettre en lumière ses émotions briserait à jamais l’image que l’autre a de nous.

Avec le temps, on apprend à dire, à montrer. À ne plus marmonner. Mais il reste des phrases trop complexes à formuler. Des phrases douloureuses. « J’ai mal », « j’ai peur », « aide(z)-moi ». J’ai besoin de toi, de vous. J’ai besoin de soutien, d’une épaule sur laquelle pleurer, d’une main généreuse. J’ai peur de sombrer, de perdre pied, de me noyer. De me planter. J’ai le mal d’amour, j’ai le mal d’elle, de lui. J’ai mal. Et j’ai honte. Honte de te demander de m’aider, honte de te dire que je ne peux pas le faire seul(e). Honte parce que je ne veux pas mettre mon orgueil de côté. Parce que je ne veux pas que tu dises de moi « haram » ou que, tout du moins, tu le penses. Je ne veux pas de compassion, je veux ton empathie. Je ne veux pas de complaisance, je veux ton amitié, ton affection. Je veux ton écoute et ton silence. Je ne suis pas en échec, je suis juste humain(e).

Alors oui, je te demande de l’aide. D’être là. De me prêter main-forte. De me prêter de l’argent. Cette putain d’horrible demande, je te la fais. Et elle est effroyablement humiliante. Humiliante parce que je me mets à nu. Parce je prends le risque de me sentir redevable. Parce que quelles que soient les raisons, je le serai. Et je t’en voudrai de m’avoir aidé(e).

Il est terrible de demander de l’aide. Pourtant, nous le faisons tous, à un moment ou à un autre. Et nous (nous) devons (de) le faire. Demander de l’aide, quelle qu’elle soit, n’est pas dégradant. Ce n’est pas une mise à terre. C’est réaliser qu’à un moment, on a besoin des autres. De leur soutien, de leur amour, de leur amitié. Il y a tellement d’aides gratuites. Il y en a beaucoup. Ces aides qui viennent du cœur et des entrailles, ces aides qui soulagent et guérissent. Elles sont variées, différentes. Il y a les mains qu’on tient, les psys qu’on voit, les médicaments qui soignent les douleurs de l’âme, les prières du soir et celles du matin, les appels nocturnes, les tours en voiture à des heures indues et cet argent qu’on prête. Aide-moi, et le ciel je m’en charge. Aime-moi comme je t’aime. Pardon. Et encore merci.

On ne dit pas assez aux gens qu’on aime, qu’on les aime. On leur confie rarement les sentiments que l’on éprouve à leur égard. On leur témoigne peu l’amour qu’on leur porte. Et pourtant, Dieu seul sait ce qui se cache à l’intérieur de nous. On a du mal à dire « je t’aime». On ne les dira qu’une fois peut-être, ces trois mots lourds de sens et pourtant si galvaudés. On...

commentaires (1)

Cette fois, Madame Médéa Azoury, votre texte est tout simplement magnifique, merci de tout coeur ! Irène Saïd

Irene Said

14 h 30, le 24 novembre 2018

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Commentaires (1)

  • Cette fois, Madame Médéa Azoury, votre texte est tout simplement magnifique, merci de tout coeur ! Irène Saïd

    Irene Said

    14 h 30, le 24 novembre 2018

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