Star du jazz, lauréat de Victoires de la musique et d'un César, le trompettiste Ibrahim Maalouf a été condamné vendredi à quatre mois de prison avec sursis pour une agression sexuelle sur une collégienne de 14 ans, qu'il a toujours niée. L'artiste franco-libanais a également été condamné à une amende de 20.000 euros par le tribunal correctionnel de Créteil et il sera inscrit au fichier national des délinquants sexuels (FIJAIS).
"Quatre mois avec sursis pour un bisou que je n'ai pas fait c'est un peu +What the fuck?+ (c'est quoi ce délire?, NDLR)", a réagi auprès de l'AFP le musicien, qui a écouté l'annonce du jugement calme et le visage fermé. Son avocate Maud Sobel a annoncé son intention de faire appel.
Début novembre, six mois de prison avec sursis avaient été requis à son encontre lors de l'audience où deux versions s'étaient opposées: celle de la jeune femme, aujourd'hui âgée de 18 ans, qui avait raconté à la barre que le musicien l'aurait embrassée une première fois un soir à la sortie d'un cinéma en 2013. Et celle du trompettiste de jazz, âgé de 33 ans au moment des faits, qui soutenait avoir repoussé ses avances: "Je lui ai pris les poignets, je me suis éloigné d'elle, sans la brusquer".
Deux jours plus tard, selon la version de la plaignante, le musicien l'aurait à nouveau embrassée, cette fois dans son studio d'enregistrement d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), où elle faisait un stage. Il l'aurait "attrapée par le bassin", mimant un acte sexuel. "Je sentais son sexe derrière moi sur mes fesses", avait-elle déclaré aux enquêteurs. Cette deuxième séquence n'a jamais existé, avait maintenu à la barre le trompettiste, lauréat de quatre Victoires de la musique et César de la meilleure musique originale pour le film "Dans les forêts de Sibérie". "En aucun cas je n'ai eu d'attirance physique ou sexuelle" pour cette "adolescente", avait-t-il martelé, se sentant cependant "coupable" de "ne pas avoir su mettre des limites".
(En vidéo: La leçon de trompette d'Ibrahim Maalouf)
Après le jugement, M. Maalouf s'est dit "scandalisé". "Le tribunal part du part du principe qu'il n y a pas de raison que cette fille soit en train de mentir. Or nous avons amené toutes les preuves qui prouvent que tout ce qu'elle prétend n'est pas possible", a-t-il déclaré à l'AFP. "On m'accuse d'agressions sexuelles sur des dates où j'étais absent, on a des preuves de ça", a assuré le musicien sur Europe 1. "On a montré qu'elle mentait", a-t-il insisté, en précisant qu'il se "battra" en appel.
Ibrahim Maalouf a indiqué, toujours sur Europe 1, que "ce qui est très surprenant, c'est que la personne qui m'accuse de ces actes reconnaît elle-même avoir cherché à me manipuler et reconnaît elle-même qu'elle comptait se servir de moi, qu'elle voulait faire trompettiste comme métier". Et de poursuivre : "Est-ce qu'un artiste parce qu'il est connu, ou une personnalité parce qu'elle est connue, est forcément responsable des choses qu'on lui reproche?"
"Je comprends que cette personne ait des souffrances, n'aille pas bien, mais pourquoi on m'imputerait la responsabilité de ça?", a dénoncé le trompettiste.
"Ibrahim Maalouf a toujours contesté les prétendues agressions sexuelles et ce jugement ignore nos preuves de l'absence d'infractions", a renchéri son avocate Me Sobel.
Les parents de la jeune fille avaient signalé les faits un an plus tard, après qu'elle s'est confiée à un médecin. Elle avait commencé à se scarifier et à avoir des troubles alimentaires, et a depuis effectué plusieurs hospitalisations et thérapies. Une enquête avait été ouverte dans la foulée par le parquet de Créteil débouchant sur le placement en garde à vue en janvier 2017 d'Ibrahim Maalouf.
"Comment voulez-vous qu'une jeune fille dont l'état de santé s'est objectivement dégradé, mente, pour rien, juste parce qu'elle aurait été vexée d'avoir été éconduite ?", s'était énervé le procureur dans ses réquisitions. "Il faut plus que de l'aplomb pour imputer ça à une jeune fille de 14 ans", avait-il lancé.
Au contraire, Me Sobel, avait, elle, parlé de "dépit amoureux" d'une jeune fille qui "aurait souhaité que cette transgression continue".
Star au Moyen-Orient, Ibrahim maalouf, né à Beyrouth en 1980, est découvert par le grand public français en 2014 en remportant une première Victoire de la musique. Plusieurs fois disque d'or, son succès repose sur un mélange large des genres - jazz, classique, musique orientale, pop, rock, rap, qui fait grincer les dents de certains puristes. César de la Meilleure Musique de Film en 2017, il a joué avec Sting (lors du concert de réouverture du Bataclan après les attentats), Matthieu Chedid, Salif Keita, Oxmo Puccino... - et réussi à remplir, seul, Bercy (20.000 places) en 2016 pour fêter ses dix ans de concerts.
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