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À La Une - Repère

Une arrestation, des accusations et beaucoup de questions : on fait le point sur l’affaire Ghosn

Trois jours après l'arrestation, à Tokyo, de Carlos Ghosn, un véritable séisme dans le monde de l'industrie automobile qui dépasse largement les frontières de l'archipel nippon, nous faisons le point sur cette affaire.

La garde à vue de Carlos Ghosn, à Tokyo, a été prolongée de 10 jours mercredi matin. Arrêté le 19 novembre 2018 à Tokyo, M. Ghosn est accusé d'avoir "conspiré pour minimiser sa rétribution à cinq reprises entre juin 2011 et juin 2015", REUTERS/Regis Duvignau

L'arrestation

Carlos Ghosn, PDG de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, a été arrêté lundi à la descente de son jet privé sur le tarmac de l'aéroport de Haneda. Selon des images tournées par le quotidien Asahi Shimbun, des agents du bureau du procureur de Tokyo se sont précipités dans son jet privé, prenant de court le dirigeant de 64 ans. On voit alors les rideaux des hublots se refermer, puis la scène est coupée.

Depuis, M. Ghosn est détenu dans le centre de Katsushika, dans le nord de la capitale, sous la surveillance d'officiers du ministère de la Justice. "En principe, il est tout seul dans la cellule", souligne Ayano Kanezuka, avocate du barreau de Tokyo. "Il y a tout ce qu'il faut, du chauffage, un lit, mais les conditions sont très spartiates", loin de son train de vie habituel, poursuit son confrère Lionel Vincent, mentionnant aussi la présence d'une cour intérieure entourée de grillages.

La garde à vue a été prolongée mercredi matin de 10 jours. Au total, la garde à vue peut durer jusqu’à 44 jours. "Le procureur peut très bien considérer qu'il faut relancer un nouveau mandat d'arrêt sur les accusations d'abus de biens sociaux. Sa garde à vue pourrait alors durer 44 jours", jusqu'à fin décembre environ, selon Lionel Vincent.





Ce qu’on lui reproche

Le parquet japonais reproche au Franco-Libano-Brésilien d'avoir "conspiré pour minimiser sa rétribution à cinq reprises entre juin 2011 et juin 2015", en déclarant une somme totale de 4,9 milliards de yens (environ 37 millions d'euros) au lieu de près de 10 milliards de yens. (Pour aller plus loin : Rémunération de Carlos Ghosn : l'éternelle polémique)

Le conseil d'administration de Nissan doit se prononcer jeudi sur une proposition de limogeage de son président. Et Mitsubishi Motors (MMC) prévoit de le "démettre rapidement": un conseil doit se tenir la semaine prochaine, selon un porte-parole de la société.

Selon Nissan, Carlos Ghosn est aussi soupçonné d'abus de biens sociaux.

(Pour aller plus loin : L’acquisition de la maison de Carlos Ghosn à Beyrouth en question)


Quelle peine encourt-il?

"Pour ne pas avoir déclaré l'intégrité de ses revenus, il est passible de 10 millions de yens (près de 78.000 euros) d'amende et 10 ans de prison, mais c'est très souvent au maximum des peines de sursis", selon l'avocat. Peut-il sortir blanchi ? Au Japon, 99% des personnes renvoyées devant le tribunal sont jugées coupables, un taux qui atteste selon les organisations de défense des droits humains d'une tendance trop forte des tribunaux à suivre l'avis du parquet.


Une affaire qui menace de s’étendre ?

Le scandale menace de dépasser les malversations qui sont reprochées à Carlos Ghosn à titre individuel, pour remettre en cause toute la gouvernance de Nissan.

Mercredi matin, la presse japonaise a indiqué que l'actuel patron exécutif de Nissan, Hiroto Saikawa, ainsi que l'ex-numéro deux de Nissan Toshiyuki Suga devaient aussi être entendus par les enquêteurs. Le groupe Nissan pourrait également faire l'objet de poursuites judiciaires, en tant que personne morale. Le parquet estime, selon la presse, que si faute il y a, la responsabilité en incombe aussi à l'entreprise : c'est en effet elle qui a remis aux autorités les documents financiers inexacts dans lesquels M. Ghosn aurait dissimulé une partie importante de ses revenus.

Les personnes matériellement impliquées dans les éventuelles falsifications peuvent quant à elles voir leur peine allégée en cas de coopération avec la justice, ce en vertu d'une récente loi qui n'a pour le moment été utilisée que dans un autre cas.


Un timing particulier

L'affaire survient au moment où le patron de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors aux 10,6 millions de véhicules travaillait, selon le Financial Times, à une fusion entre Renault et Nissan, une opération que le constructeur japonais rejetait et cherchait à bloquer de crainte qu'elle ne grave dans le marbre son statut de "second ordre" dans la structure, toujours selon le quotidien. M. Ghosn voulait rendre les liens "irréversibles" entre Renault et Nissan, a commenté dans une note Kentaro Harada, analyste chez SMBC Nikko Securities.

Avec le coup de tonnerre de l’arrestation de Carlos Ghosn, c'est toute l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, dont il orchestrait le fragile équilibre, qui tangue. "Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que l'alliance se retrouve affaiblie". "Cela va-t-il changer l'équilibre du pouvoir (entre les parties française et japonaise), c'est la principale question", souligne-t-il.

(Pour aller plus loin : L'affaire Ghosn, un "coup d'Etat" interne fomenté par Nissan ?)


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Renault

Carlos Ghosn est également le PDG de Renault. Thierry Bolloré, le numéro deux du groupe, a ainsi été nommé directeur général délégué de Renault, disposant à ce titre des "mêmes pouvoirs" que Carlos Ghosn, qui reste PDG du groupe. Philippe Lagayette, administrateur référent, présidera le conseil d'administration sans avoir le titre formel de président. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a assuré mercredi qu'une gouvernance "solide" mais "provisoire" était en place chez Renault afin de permettre au groupe de poursuivre ses activités. La question clef pour le constructeur français est de "préserver les intérêts de Renault et d'assurer la pérennité de l'alliance" avec les constructeurs japonais Nissan et Mitsubishi Motors.


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L'arrestationCarlos Ghosn, PDG de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, a été arrêté lundi à la descente de son jet privé sur le tarmac de l'aéroport de Haneda. Selon des images tournées par le quotidien Asahi Shimbun, des agents du bureau du procureur de Tokyo se sont précipités dans son jet privé, prenant de court le dirigeant de 64 ans. On voit alors les rideaux des hublots...

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