Une étude soulignant la relation entre quatre gènes, les TBX2, 3, 4 et 5, et le cancer du poumon pourrait ouvrir la voie à une détection plus précoce de la maladie et, par conséquent, à une meilleure guérison. Publiée dans le magazine Oncotarget, l’étude est menée par une jeune doctorante en biochimie et génétique moléculaire à la faculté de médecine de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), Athar Khalil, sous la supervision de son tuteur et coauteur de l’étude, Georges Nemer, et en collaboration avec le centre de cancer de MD-Anderson aux États-Unis.
Les TBX sont des facteurs de transcription, c’est-à-dire des molécules indispensables dans le contrôle de l’expression des gènes. Ils jouent un rôle essentiel dans la différenciation, la prolifération et l’intégrité des tissus. Leur implication au niveau du cœur et des membres était déjà connue. « C’est la première fois toutefois que leur implication dans d’autres organes et tissus humains, notamment les poumons, a été démontrée », explique à L’Orient-Le Jour la jeune doctorante, soulignant que des études précédentes ont montré que ces molécules étaient fortement exprimées dans les poumons des souris. « C’est la première fois qu’on cherche à connaître leur fonction dans les tissus pulmonaires de l’homme », précise-t-elle.
Pour mener ses recherches, Athar Khalil a commencé par analyser les données publiques de 750 patients disponibles sur des sites scientifiques spécialisés. « Nous avons découvert que dans les biopsies prises des tumeurs pulmonaires, l’expression des gènes TBX2, 3, 4 et 5 au niveau de l’ARNm (molécule impliquée dans l’expression des protéines) est considérablement diminuée par rapport au tissu pulmonaire sain. Par conséquent, l’expression de tous les gènes qui se trouvent sous le contrôle de TBX2, 3, 4 et 5 est dérégulée, souligne-t-elle. Or ces gènes sont essentiels pour le maintien d’un cycle de division cellulaire normal. »
« En analysant les données publiques de 164 fumeurs chez qui on suspectait un cancer des poumons, nous avons découvert en étudiant l’expression des TBX2, 3, 4 et 5 sur une biopsie prélevée de la bronche principale qu’il était possible d’identifier ceux qui développeront un cancer du poumon », avance Athar Khalil. Elle note que « la dérégulation des TBX2, 3, 4 et 5 à une phase précancéreuse pourrait servir de biomarqueur pour détecter le cancer du poumon à un stade précoce et mettre en garde les fumeurs qui pourraient développer la maladie ». Or à ce jour, la majorité des tumeurs pulmonaires, qui restent la principale cause de décès par cancer, sont détectées à des stades avancés.
(Pour mémoire : Le Nobel de médecine à un duo d'immunologistes nippo-américain "tueur" de cancers)
Provoquer la mort des cellules
Dans une seconde étude, qui sera publiée prochainement dans la revue scientifique Frontiers of Oncology, la jeune doctorante a axé ses travaux sur les cellules dérivées de tumeurs pulmonaires humaines bien caractérisées génétiquement et utilisées par la plupart des chercheurs. « Les résultats ont conforté ceux publiés dans la revue Oncotarget, avance-t-elle. En effet, dans les cellules cancéreuses, l’expression des gènes TBX2, 3, 4 et 5 était diminuée par rapport aux cellules normales. »
L’équipe de chercheurs a essayé de relancer artificiellement l’expression des TBX2 en transférant, en surnombre, des gènes transitoires dans les cellules cancéreuses. « La division des cellules cancéreuses s’est arrêtée, constate-t-elle. Certaines de ces cellules sont même mortes en raison de l’apoptose ou mort cellulaire programmée. C’est un processus par lequel les cellules s’autodétruisent, empêchant ainsi une prolifération anormale. » Et Athar Khalil de préciser : « Pour comprendre la manière dont la réexpression des TBX2, 3, 4 et 5 était capable à elle seule de tuer les cellules cancéreuses et d’arrêter leur prolifération, nous avons étudié l’expression de plus de 25 000 gènes et nous connaissons désormais le mécanisme par lequel ces gènes fonctionnent au niveau des cellules cancéreuses. »
La prochaine étape consiste à « mener des recherches plus approfondies sur la manière d’exprimer de nouveau les TBX2 dans des cellules cancéreuses sur des souris en première étape et puis chez les hommes ». « Cela pourrait permettre sur le long terme de trouver des thérapies géniques pour le cancer du poumon, se félicite-t-elle. Malheureusement, je ne pourrai pas poursuivre mes recherches, faute de fonds. » À l’instar de nombreux jeunes Libanais, elle est poussée à l’émigration. La jeune femme s’apprête en effet à se rendre aux Émirats arabes unis où elle se lancera dans une carrière totalement différente.
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