Rien ne va vraiment plus entre l’État et les propriétaires de générateurs, ces exploitants illégaux, mais tolérés depuis des années parce qu’ils fournissent du courant pendant les heures de coupures imposées par Électricité du Liban (EDL). Les membres du « comité central » qui affirme les représenter ont en effet appelé lors d’une conférence de presse hier à Hadeth à éteindre tous les générateurs du pays entre 17h et 19h.
Objectif de cette initiative qui a laissé des milliers de Libanais dans le noir : protester contre le durcissement des contrôles du ministère de l’Économie qui vérifie si les propriétaires de générateurs ont bien installé des compteurs chez leurs clients pour les facturer selon leur consommation personnelle, au lieu des forfaits habituels. Instituée en mai 2017 par les ministères de l’Économie et de l’Énergie, cette mesure est appuyée depuis août par celui de l’Intérieur et des Municipalités. Les exploitants, qui avaient jusqu’à fin septembre pour appliquer cette décision – dont l’exécution avait échoué une première fois en 2017 –, sont toutefois rares à s’y être conformés dans le délai imparti.
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L’État ne reculera pas
Face à cette situation, la Direction de protection du consommateur (DPC), rattachée au ministère de l’Économie et dont l’une des missions est de contrôler l’application de la mesure, a commencé à mener ses inspections en compagnie d’agents de la Sécurité de l’État. En plus des procès-verbaux habituellement délivrés, ces équipes adressent désormais aux contrevenants des mises en demeure assorties de menaces de confiscation, voire de convocation par les services de police, à en juger les derniers rapports sur leur tournée au Liban-Sud cette semaine publiés par l’Agence nationale d’information (ANI). Des moyens de pression qui sont dénoncés par le comité central qui évoque des « traitements arbitraires » soutenant une mesure « injuste ».
« La majorité des propriétaires ne sont pas opposés aux compteurs, mais estiment que les modalités de mise en œuvre de la décision sont inadaptées à nos coûts », explique un exploitant anonyme, proche du comité central. L’argument a, en effet, déjà été invoqué à plusieurs reprises par les intéressés, mobilisés ces derniers mois contre la décision du ministre. Outre le prix du kilowattheure – fixé en octobre à 439 livres (0,29 dollar) par le ministère de l’Énergie –, les propriétaires contestent également le fait qu’ils doivent prendre en charge l’installation du compteur. Une critique qui semble exagérée, sinon injustifiée, dans la mesure où le ministre de l’Économie leur permet depuis octobre de demander à leurs clients des dépôts de garantie qui vont de l’équivalent en livres de 66 à 115 dollars pour les abonnements de 5 à 10 ampères (A), avec un supplément de 50 dollars par tranche de 5A supplémentaires.
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Tripolitains en colère
Le ministre de l’Économie, Raëd Khoury, a pour sa part réagi assez rapidement hier après-midi face aux menaces des représentants des générateurs en indiquant que l’État ne céderait pas. « (Il) est naturel que les propriétaires de moteurs soient mécontents et qu’ils l’expriment. Mais la loi est là pour éviter tout chantage à l’encontre des citoyens », a-t-il martelé dans les médias, ce qui n’a toutefois pas suffi à décourager les exploitants.
Il reste que l’appel du comité central n’a pas été suivi de façon uniforme sur tout le territoire pendant le créneau fixé. Selon des témoignages recueillis par L’Orient-Le Jour, plusieurs exploitants n’ont par exemple pas fait tourner leurs générateurs au moment des coupures d’EDL à Fanar ou Furn el-Chebback, Beit- Méry ou encore Adonis (Kesrouan). La situation était plus diffuse à Sin el-Fil ou à Kaslik où certains abonnés n’ont pas été lâchés par leurs fournisseurs. Dans certains cas, comme à Biaqout (Metn), EDL semble avoir été mis à contribution. Le fournisseur a en effet rétabli le courant au bout de 5 minutes après la coupure programmée de 18 heures, neutralisant ainsi l’effet de la grève des exploitants.
À Beyrouth, dans le quartier de Ras el-Nabeh, le courant a été maintenu. « Chaque région a sa logique et ses arrangements », lâche un usager, qui pense savoir que Beyrouth a été épargnée. L’appel du comité central n’a a priori pas non plus mobilisé les propriétaires d’immeubles résidentiels ou commerciaux qui possèdent leurs propres groupes électrogènes. À Baalbeck, en revanche, les propriétaires de générateurs ont carrément éteint leurs téléphones après avoir coupé leurs générateurs, a rapporté l’ANI. Toujours selon cette dernière, les exploitants de Saïda n’ont coupé le courant que pendant une heure, après s’être concertés avec la municipalité. À Tripoli, ce sont les riverains qui ont bloqué une route pour protester contre la décision des propriétaires de générateurs.
L’opération du comité central – dont on ignore si elle sera répétée aujourd’hui – a enfin été complètement indolore pour les usagers d’Électricité de Zahlé (EDZ) qui a remplacé les générateurs locaux en 2015 en commençant à produire – hors de tout cadre réglementaire – son propre courant pendant les coupures.
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commentaires (5)
Générateurs de conflits et de factures aux sommes souvent inexplicables. Et dire qu'on reste à leur merci. Merci qui?
Tina Chamoun
17 h 43, le 07 novembre 2018