La situation est-elle en train de s’envenimer entre le gouvernement sortant et les propriétaires de générateurs privés ?
Les représentants de ces exploitants illégaux mais tolérés depuis des années ont réitéré hier leur opposition au ministère de l’Économie et du Commerce qui les oblige à installer à leur charge des compteurs individuels chez leurs clients et les facturer en fonction de leur consommation personnelle – contre des forfaits actuellement.
Réunis lors d’une conférence de presse organisée au Hilton-Habtoor (Sin el-Fil), ils ont notamment dénoncé les modalités de mise en œuvre de la mesure, obligatoire depuis lundi, allant jusqu’à menacer de couper l’électricité à leurs abonnés en guise de protestation. « Nous n’allons pas le faire tout de suite, mais nous voulons négocier certains points avec le ministère. Nous pourrions toutefois mettre cette menace à exécution d’ici à fin octobre si la situation ne bouge pas d’ici là », a précisé à L’Orient-Le Jour un propriétaire de générateurs impliqué dans le mouvement, sous couvert d’anonymat.
Municipalités responsables
Le ministre de l’Intérieur et des Municipalités, Nouhad Machnouk, n’a pas tardé à réagir en déclarant que les équipements des exploitants qui se risqueraient à prendre leurs abonnés en otage seront « saisis ». S’exprimant en marge d’une réunion avec le ministère de l’Économie consacrée au sujet, M. Machnouk, qui avait affirmé en août sa détermination à faire appliquer la décision, a en outre déploré que « certains pensent pouvoir faire chanter l’État ».
Contacté par L’Orient-Le Jour, le ministre de l’Économie, Raëd Khoury, a lui affirmé que la plupart des « commissions » représentant les propriétaires de générateurs étaient « d’accord » pour installer des compteurs, mais réclamaient un ajustement du prix du kilowatt/heure (kWh). « Nous sommes prêts à discuter (avec ces derniers). Il n’y a en revanche aucune négociation possible avec ceux qui refusent d’installer des compteurs », a-t-il assuré.
De fait, c’est bien le prix au kWh, qui évolue chaque mois en fonction des cours du carburant, que les représentants des exploitants ont principalement attaqué lors de la conférence de presse. « Nous estimons, avis d’expert dépêché par le juge des référés à l’appui, que ce tarif doit être de 570 livres (0,39 dollar) au lieu des 410 (0,27 dollar) au kWh fixés pour le mois de septembre pour que notre activité soit rentable », estime la source précitée. Cela représente une différence de 48 dollars (170 contre 122) pour un foyer qui consommerait 450 kWh par mois (moyenne actuelle d’un foyer libanais fourni par plusieurs sources locales) et qui serait alimenté 24 heures sur 24 par un générateur privé. Ce calcul ne tient pas compte des frais supplémentaires (location du compteur, parties communes de l’immeuble, etc.).
Deux sujets différents
Des considérations qui ont laissé de glace le ministre de l’Intérieur, qui a estimé lors de son intervention que le débat sur les prix et l’obligation d’installer des compteurs étaient deux sujets différents. « Les propriétaires de générateurs ne sont pas habitués à voir l’État prendre des décisions et s’y tenir », a-t-il ironisé. « (Ces exploitants) ne constituent pas un organe juridique chargé de donner son avis et de faire appel à des experts pour déterminer les prix », a-t-il ajouté. Le tarif du kWh est fixé au début du mois suivant la période de facturation par le ministère de l’Énergie en tenant compte des cours du pétrole et des heures de rationnement. Il n’existe aucune donnée officielle qui permette de mesurer les coûts et les marges des propriétaires de générateurs.
M. Khoury a de son côté appelé les usagers à signaler à leur municipalité tout litige avec le propriétaire de générateurs dont ils dépendent, spécialement dans le cas où ce dernier venait à couper le courant sans raison. « La municipalité est responsable en premier recours (NDLR : suite à une décision du ministère de l’Intérieur), le ministère de l’Économie, via sa direction pour la protection du consommateur (DPC), en seconde instance, surtout si la municipalité est défaillante », a-t-il précisé. « La DPC est joignable via sa ligne verte (1739) qui dispose d’un service de messagerie activé la nuit », a ajouté le ministre, n’excluant pas la possibilité pour les citoyens « de contacter les Forces de sécurité intérieure (FSI) pour les cas extrêmes ». M. Khoury a enfin affirmé dans un communiqué avoir pris acte des plaintes de propriétaires de générateurs que certaines municipalités obligent à alimenter à leurs frais l’éclairage public « dans les rues ainsi que certains lieux de culte », soulignant que l’obligation d’installer des compteurs rendait ce type d’arrangement caduc.
Bien qu’illégaux, les propriétaires de générateurs se sont installés dans le paysage libanais, les capacités d’EDL ne suffisant pas à alimenter tout le Liban 24 heures sur 24. Il a fallu attendre le début des années 2010 pour que le gouvernement tente de réglementer leur activité, en fixant d’abord des tarifs indicatifs pour le prix des abonnements mensuels de base (à 5 et 10 ampères). Le ministère de l’Économie a lui essayé une première fois en 2017 d’obliger les propriétaires de générateurs à installer des compteurs individuels pour les obliger à facturer les abonnés en fonction de leur consommation personnelle, avant de revenir à la charge cet été, avec cette fois-ci le soutien affiché du ministère de l’Intérieur.
Le sort des propriétaires de générateurs fait partie des dossiers sensibles que le Liban devra traiter dans le cadre de la réforme du secteur de l’électricité.
Pour mémoire
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commentaires (8)
Le problème des compteurs n’en est pas un. Quand vous vendez un kilo de patates , vous pesez les patates devant le client ! Ça n’est pas au client d’apporter sa balance ! Depuis le début , les consommateurs libanais se font avoir par les producteurs illégaux tolèrés par les autorités. Qu’ils mettent à leur frais dés compteurs comme ils le font pour limiter le nombre d’ampères par foyer.
L’azuréen
21 h 33, le 06 octobre 2018