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À La Une - Liban

Violence conjugale: le mari de Roula Yacoub innocenté

L'association Kafa, qui dénonce le verdict, va se pourvoir en cassation.


Roula Yaacoub, 32 ans, succombe, le 7 juillet 2013, sous les coups de son mari dans le village de Halba (caza de Akkar) au Liban-Nord, dans sa maison parentale où elle vivait avec son mari, ses enfants et sa mère. Photo tirée de la page Facebook de Red Lips High Heels

La chambre criminelle du Liban Nord a innocenté mercredi pour absence de preuves le mari de Roula Yacoub, qui avait été tuée le 7 juillet 2013 sous les coups violents de l’époux. La mort de Roula Yacoub, mère de cinq filles, avait accéléré l'adoption au Parlement de la loi sur la violence domestique.

Brièvement arrêté puis libéré, peu après la mort de son épouse, Karam el-Bazi, avait fait l'objet d'un mandat d'arrêt le 13 mai 2016 qui n'a jamais été exécuté.

Réunie mardi, la chambre criminelle du Liban Nord a innocenté le mari violent, estimant que les preuves avancées n’étaient pas probantes. C’est à une majorité de deux voix contre une que le jugement a été rendu, les deux juges conseillers, Khaled Akari et Ziyad Dawalabi, ayant innocenté Karam el-Bazi, contre l’avis du président de la Cour, le juge Dani Chebli.

Contactée par L’Orient-Le Jour, l’association Kafa qui milite contre la violence domestique a dénoncé mercredi « un verdict injuste et non équitable » envers la victime. Après des années de mobilisation en faveur des femmes battues notamment, elle a relevé « des aberrations dans le jugement rendu », et promis « de se pourvoir en cassation ».  Elle a invité enfin à prendre en considération l’avis du président de la chambre criminelle, le juge Chebli.


(Pour mémoire : Violence conjugale : ces Libanaises qui ont perdu la vie ces trois dernières années)


Absence de preuves

Rayan Majed, responsable de la communication de Kafa, a expliqué à l’OLJ les arguments des juges. « Les deux juges conseillers ont considéré que le mari est innocent pour absence de preuves. Ils n’ont pas pris en compte les témoignages du voisinage, estimant que ces témoignages n’avaient pas qualité de preuves », note-t-elle. Celui de la proche voisine qui s’est précipitée en début de soirée au chevet des fillettes, à l’issue du drame. L’aînée, née en 2001, lui avait raconté que son père avait battu sa mère au moyen d’une raclette à sol, avant de se retourner contre elle. La fillette avait supplié la voisine de ne rien dire, son père l’ayant menacée de mort si elle le répétait à quelqu’un. « Si tu le racontes à quelqu’un, je te tue », lui avait-il dit. Mais aussi le témoignage d’un voisin qui « avait entendu des cris, dans la maison de la victime, peu avant son décès, et qui raconte avoir compris qu’il s’agissait d’une dispute entre Karam el-Bazi et son épouse, sous forme d’interrogatoire que faisait subir l’époux à sa femme . Il a bien tenté de calmer les choses en sonnant à la porte, mais le mari violent lui a répondu que tout allait bien, avant de poursuivre son agression contre son épouse, rappelle Mme Majed.

Les deux juges ont de plus estimé que les traces de coups observées sur le corps de Roula Yacoub ne sont pas les causes du décès. Ils n’ont donc pas pris en considération la violence conjugale. Et ce, parce que la fille de la victime est revenue sur ses propos, et affirmé que son père n’avait pas frappé sa mère. « Les juges n’ont donc pas retenu les témoignages des deux voisins, pourtant adultes et responsables », déplore Mme Majed. La représentante de Kafa tient à préciser sur ce plan que « la jeune fille, adolescente au moment du drame, était placée sous la tutelle de son père. Et qu’elle a été entendue par les juges en présence de sa tante paternelle. Ce qui justifie sa peur et la modification de sa déposition ».


(Lire aussi : Au Liban, une coalition nationale voit le jour contre le mariage précoce)


Un crime à caractère spécifique, soutient le juge Chebli

Quant aux arguments du président de la chambre criminelle du Liban-nord, le juge Dani Chebli, ils reposent sur « des faits et des preuves irréfutables que Karam el-Bazi a bien provoqué le décès de sa femme ». Et que son acte relève du « crime à caractère spécifique, tel que décrit par l’article 550 du code pénal », indique la représentante de Kafa.. « Le meurtrier a donc commis un acte délibéré qui a entraîné la mort de sa victime, souligne Mme Majed. Et qui plus est, les actes de violence étaient visibles, puisque le corps de la malheureuse était couvert d’ecchymoses ».

Enfin, le juge Chebli a tenu à prendre en considération les témoignages du voisinage, qui, reprenant les propos premiers des adolescentes du couple avant qu’elles ne se rétractent, ont raconté les détails du drame du 7 juillet 2013. Ces dernières avaient aussi reconnu que Karam-el Bazi était « régulièrement violent envers son épouse, plus particulièrement lorsqu’il était énervé. Il lui arrivait alors de briser des objets au domicile familial ».


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commentaires (13)

Pourquoi n'est-elle pas partie avant le coup fatal? La question revient souvent, dans les articles de presse sur les homicides conjugaux. On y sous-entend que la victime aurait dû porter plainte dès le premier coup ou la première insulte, qu'elle n'aurait pas dû rester sans dénoncer son conjoint, qu'elle serait coupable de ne pas avoir réagi à temps. Pourquoi ne font-elles tout simplement pas leurs valises?Une culpabilisation !Toutes les femmes vivent des histoires différentes, mais les mécanismes sont exactement les mêmes. Des femmes qui sont peu à peu isolées de leur sphère professionnelle, amicale, sociale, et deviennent totalement dépendantes de leur conjoint

Fredy Hakim

17 h 27, le 01 novembre 2018

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Commentaires (13)

  • Pourquoi n'est-elle pas partie avant le coup fatal? La question revient souvent, dans les articles de presse sur les homicides conjugaux. On y sous-entend que la victime aurait dû porter plainte dès le premier coup ou la première insulte, qu'elle n'aurait pas dû rester sans dénoncer son conjoint, qu'elle serait coupable de ne pas avoir réagi à temps. Pourquoi ne font-elles tout simplement pas leurs valises?Une culpabilisation !Toutes les femmes vivent des histoires différentes, mais les mécanismes sont exactement les mêmes. Des femmes qui sont peu à peu isolées de leur sphère professionnelle, amicale, sociale, et deviennent totalement dépendantes de leur conjoint

    Fredy Hakim

    17 h 27, le 01 novembre 2018

  • Et que dire des victimes collatérales ? Des enfants assassinés en même temps que leur mère, des proches qui avaient apporté leur aide et leur soutien à la victime, ou même de quasi-inconnus ayant tenté de s’interposer et l’ayant payé de leur vie ? De ceux et celles qui restent ? Le bilan est lourd. Alors pour qu’il le soit de moins en moins, il existe en effet des solutions que certains tentent de rappeler le contexte: « Conseiller à une femme de « le quitter », ce n’est pas suffisant parce que le moment où elles décident de partir, c’est celui où elles mettent le plus en danger leur vie. » Car effectivement, on ne tue pas par amour, par passion. Le contexte de rupture qui est celui de la majorité de ces féminicides est l’illustration du fait que ces hommes tuent pour qu’une femme qu’ils estimaient posséder ne s’émancipe pas.

    Fredy Hakim

    16 h 17, le 01 novembre 2018

  • une pensée triste pour cette victime et un brin de révolte envers ces 2 magistrats. Ils vous faut quoi ? un enregistrement vidéo de la scène et un gros plan ou cette pauvre femme rend son dernier soupir ?

    Lebinlon

    12 h 20, le 01 novembre 2018

  • Que faut-il de plus pour être viscéralement dégôuté de l'ètat dans lequel certains, d'ailleurs bien connus, ont conduit allègrement et sans aucun scrupule ce pauvre pays ... ?

    Remy Martin

    11 h 41, le 01 novembre 2018

  • Le pendre haut et court.

    FRIK-A-FRAK

    01 h 23, le 01 novembre 2018

  • Et l’autorité religieuse, que dit elle ? Rien bien sûr ....

    L’azuréen

    22 h 37, le 31 octobre 2018

  • Encore une fois notre Justice au nom du piston se porte super mal . Triste .

    Antoine Sabbagha

    20 h 36, le 31 octobre 2018

  • Pauvres enfants ce qui ils vont suppotrter de ce père ctiminel. Ici en Italie il reste en prison à vie

    Eleni Caridopoulou

    19 h 41, le 31 octobre 2018

  • L'adage ne dit-il pas "Frappe ta femme. Si toi tu ne sais pas pour quelle raison, elle, le sait?" Société machiste!

    Tina Chamoun

    19 h 26, le 31 octobre 2018

  • AU LIBAN TOUT S,ACHETE. CHACUN A SON PRIX. C,EST LA CORRUPTION PAR EXCELLENCE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 53, le 31 octobre 2018

  • pauvre femme, pauvre Liban aussi bas .....

    Talaat Dominique

    18 h 17, le 31 octobre 2018

  • Elle morte de mort « naturelle »..... C’est l’intervention du mauvais esprit qui a tué cette pauvre femme. Wloooooooooo Pas de preuves probantes.... pas de hache sur la « commode », pas de couteau sur l’évier... nous sommes chez Kafka... trop difficile.... akhwat shanay. Je veux bien le manque de preuves, mais les juges, Allah yistor, n’ont pas su poser leurs questions. Elle est morte comment cette femme? Qui l’a tuée ? Il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. À force de se cacher derrière la procédure, tout devient permis. Je rêve de ce qu’on appelle « precedence » en anglais. Le Royaume Uni n’a pas de constitution, les précédents font loi. La tindahi, m’a fi 7ada... Nos juges.... seront jugés.... le seront-ils ?

    Evariste

    17 h 49, le 31 octobre 2018

  • Comment peut-on innocenter un criminel ? Comment peut-il encore regarder dans les yeux de ses enfants cet homme ignoble qui a provoqué la mort de son épouse. Certains homme ont encore un très très long chemin à faire pour leur plénitude .... HONTE

    Sarkis Serge Tateossian

    17 h 26, le 31 octobre 2018

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