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À La Une - Commémoration

14/18, le choc de l'arme chimique

22 avril 1915: un nuage verdâtre flotte au nord d'Ypres, en Belgique, asphyxiant sur son passage quelque 5.000 soldats français. Les Allemands viennent de lâcher 168 tonnes de chlore dans l'air. C'est le début de la guerre de gaz sur le front Ouest.

Des soldats australiens portent des masques à gaz en 1917. Photo Wikipedia

Vomissements, suffocation, brûlures... A partir de 1915, les soldats terrés dans les tranchées endurent des souffrances nouvelles. L'arme chimique fait irruption sur le champ de bataille, et va semer, encore plus que la mort, la terreur.

22 avril 1915: un nuage verdâtre flotte au nord d'Ypres, en Belgique, asphyxiant sur son passage quelque 5.000 soldats français. Les Allemands viennent de lâcher 168 tonnes de chlore dans l'air. C'est le début de la guerre de gaz sur le front Ouest.

Enlisés dans une guerre de position, les états-majors espèrent faire bouger les lignes avec les gaz de combat, capables de s'infiltrer dans les tranchées adverses, les abris, les casemates. "Avec le recours au gaz, les belligérants pensaient pouvoir se sortir de l'impasse militaire et reprendre une guerre de mouvement", souligne Doran Cart, conservateur du Musée national de la Première Guerre mondiale à Kansas City, aux Etats-Unis.

Scientifiques et militaires se lancent main dans la main dans une course industrielle à la toxicité. Le chlore est remplacé par le phosgène de création française, vite copié par les Allemands: cet agent nocif est plus mortel - il étouffe ses victimes - et plus sournois - il tue plusieurs heures après exposition.



Mais le plus tristement célèbre est le "gaz moutarde", liquide huileux qui tire son nom de l'odeur piquante qu'il dégage. Employé pour la première fois en juillet 1917 par les Allemands près d'Ypres, il est baptisé ypérite par les Français, qui s'empressent d'en confectionner à leur tour pour en charger leurs obus. Sur le théâtre des opérations, l'emploi de l'arme chimique s'intensifie.

"Surnommé +Roi des gaz de combat+, l'ypérite ne tuait pas toujours mais infligeait des brûlures qui demandaient de très longues périodes de soins. Il fallait aussi décontaminer de vastes zones. Son usage entravait, ralentissait tout", souligne Edward Spiers, professeur d'études stratégiques à l'université britannique de Leeds et auteur d'"Une Histoire des armes chimiques et biologiques".


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'Cloques jaunâtres'

Abcès purulents, graves irritations oculaires, hémorragies pulmonaires... Le gaz moutarde est d'autant plus redoutable qu'il n'a pas besoin d'être inhalé: il empoisonne par simple contact, et traverse aisément vêtements, cuir ou caoutchouc.

"Je souhaite que les personnes qui parlent de continuer cette guerre quel qu'en soit le prix puissent voir les soldats souffrant du gaz moutarde", témoigne l'infirmière et écrivaine anglaise Vera Brittain. "De larges cloques jaunâtres, des yeux fermés aux paupières collantes, se battant pour chaque bouffée d'air, murmurant que leur gorge se ferme et qu'ils vont étouffer".

Dans les tranchées, on cherche la parade. Aux mouchoirs mouillés d'eau ou d'urine se substituent les masques à gaz, qui transforment les poilus en d'étranges créatures déshumanisées aux yeux globuleux.

Au final, ces nouveaux poisons industrialisés blessent plus qu'ils ne tuent: on les estime responsables de 90.000 morts et plus d'1,2 million de blessés, sur un bilan total de de 9,7 millions de soldats tués en 14-18.

Mais le gaz sème l'effroi sur les lignes de front, et au point de devenir l'un des plus sinistres symboles de l'horreur de la Grande Guerre, poussant les grandes puissances à limiter leur usage. Durant ce conflit, "les armes chimiques ont été essentiellement utilisées comme instrument de terreur. Elles ont joué un rôle plus incapacitant que létal", commente Doran Cart. "Ces armes ont laissé une profonde cicatrice psychologique, chez les Européens comme chez les Américains", poussant les grandes puissances à limiter leur usage, fait valoir Edward Spiers.



En 1925, le Protocole de Genève interdit l'emploi d'armes chimiques dans les conflits armés -- sans prévoir ni vérification ni sanction.

Mais aujourd'hui encore, "l'arme chimique comme instrument de terreur, comme pendant la Première guerre mondiale, est encore une réalité", juge Doran Cart, en évoquant la Syrie de Bachar el-Assad. Le régime de Damas est accusé d'avoir utilisé à plusieurs reprises des armes chimiques au cours du conflit qui déchire la Syrie depuis 2011 et a fait plus de 360.000 morts. La différence réside dans la manière dont elle est employée. "Pendant la Première guerre mondiale, les gaz étaient utilisés à grande échelle, à des fins militaires. Aujourd'hui, cette arme vise délibérément des civils", conclut-il.


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