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Liban - Liban-États-Unis

Trump resserre l’étau sur le financement du Hezbollah

La nouvelle loi ne vise pas le gouvernement libanais, mais pourrait affecter les ministères aux mains du Hezbollah.

« Se souvenir de Beyrouth, ils sont 241 à avoir tout donné », peut-on lire sur la casquette brandie par un homme, lors de la commémoration, à la Maison-Blanche, de l’attentat à Beyrouth, en octobre 1983, contre une caserne américaine. C’est à cette occasion que Donald Trump a annoncé avoir signé une loi renforçant les sanctions US contre le Hezbollah. Al Drago/Reuters

C’est un discours accablant pour le Hezbollah qu’a prononcé jeudi soir (dans la nuit de jeudi à vendredi au Liban) le président américain, Donald Trump, alors qu’il venait de signer un texte renforçant les sanctions contre le parti chiite. Ces nouvelles sanctions, qui viennent s’ajouter à celles déjà prévues dans le cadre de la loi intitulée Hezbollah International Financing Prevention Amendments Act of 2015 (Hifpa 2015), contribueront à resserrer l’étau autour du Hezbollah, dans une tentative d’assécher toutes les sources de financement possibles dont il bénéficiait jusque-là.

Saisissant l’occasion de la célébration marquant le 35e anniversaire de l’attentat au camion piégé qui avait visé le contingent américain de la force multinationale à proximité de l’aéroport de Beyrouth, le 23 octobre 1983, tuant 241 militaires et marines américains, Donald Trump a promis de « viser, perturber et démanteler » les nombreuses opérations et les efforts de financement du Hezbollah, en allusion à la loi S.1595, également appelée Hifpa II, qu’il venait de contresigner.

« Nous n’oublierons jamais ce qu’ils ont fait à nos marines à Beyrouth », a martelé le locataire de la Maison-Blanche durant son allocution. « Aucun groupe terroriste, à part el-Qaëda, n’a autant de sang américain sur les mains », a-t-il fustigé en référence au Hezbollah.

Le chef de la Maison-Blanche s’exprimait devant les survivants parmi les parents des victimes de l’attentat qui avait été revendiqué par le Jihad islamique, organisation clandestine accusée d’être liée au Hezbollah.

« Le Hezbollah a kidnappé, torturé et tué des citoyens américains », a rappelé la Maison-Blanche dans un communiqué publié hier. « Au cours de l’année écoulée, nous avons plus que jamais imposé des sanctions contre cette organisation, souligne également la Maison-Blanche. La loi signée aujourd’hui par le président Trump va isoler encore plus le Hezbollah du système financier international et réduire ses sources de financement. Ces sanctions vont viser des personnes et agences gouvernementales étrangères qui soutiennent le Hezbollah ainsi que des réseaux de drogue et autres crimes internationaux qui lui sont affiliés. »

La S.1595 impose notamment des sanctions à toute personne, entité ou État étranger aidant directement ou indirectement le parti pro-iranien. Adoptée par le Sénat le 13 octobre, grâce au soutien des élus aussi bien républicains que démocrates, cette loi, dont les effets sur le Liban ne peuvent pas encore être évalués à leur juste mesure, est entrée en vigueur dès sa signature par le président.

Selon le nouveau texte, toute personne ou société qui fournit « volontairement » et en « connaissance de cause » un soutien financier, matériel ou technologique au Hezbollah, ainsi que les institutions ou organisations qui traitent avec le parti, telles que Jihad al-Bina’ (Fondation pour l’effort de reconstruction), l’Association de soutien à la résistance islamique, la chaîne de télévision al-Manar, radio al-Nour, etc. seront désormais dans la ligne de mire de l’administration américaine et sous stricte surveillance. Toutes les mesures destinées à la « collecte de fonds » au profit du parti chiite ou permettant le « recrutement » tombent également sous le coup de la nouvelle loi.


(Lire aussi : Le Hezbollah désigné par les Etats-Unis comme organisation transnationale criminelle)


« Narcoterrorisme »

« Il s’agit d’isoler le Hezbollah économiquement et financièrement », commente Walid Pharès, secrétaire général du Groupe parlementaire transatlantique sur le contre-terrorisme (TAG) et ancien conseiller de Donald Trump en politique étrangère durant la campagne présidentielle américaine. « Plusieurs experts sont convaincus que le Hezbollah profite du système du secret bancaire pour développer son système malfaisant à travers le monde », dit-il.

Selon une source informée, Hifpa II met également la pression sur « toutes les institutions ou agences financières » qui soutiennent le parti ou financent des projets parrainés par ce dernier, à l’instar de Kassem Tajeddine, l’homme d’affaires libanais arrêté à Casablanca en mars 2017 et actuellement détenu aux États-Unis. Placé en 2009 et 2010 sur la liste noire établie par les États-Unis sur le financement du terrorisme, M. Tajeddine est accusé par les États-Unis de blanchiment d’argent et de financement du Hezbollah.

La source précise toutefois que la Hifpa II « ne vise pas le gouvernement libanais ni son système financier en tant que tel, mais uniquement tout ce qui relève des activités du Hezbollah au Liban et à l’étranger ». Selon Walid Pharès, le nouveau texte a été amendé dans sa version finale afin « de réduire ses effets pervers sur l’économie libanaise ».

« Le gouvernement libanais et les banques, spécialement les banques qui jouent un rôle majeur dans l’économie, doivent être conscients que les nouvelles règles sont beaucoup plus strictes aujourd’hui et seront appliquées de façon rigoureuse par les départements américains du Trésor et de la Justice », a-t-il cependant souligné. Selon lui, ces lois vont « certainement permettre d’endiguer l’empire du narcoterrorisme du Hezbollah et de l’Iran ».


(Lire aussi : Transfert d'armes au Hezbollah : simples allégations ou véritables menaces ?)


Des zones d’ombre

De l’avis de plusieurs observateurs, le texte comporte des zones d’ombre et une latitude d’interprétation assez large, l’administration ayant voulu élargir le plus possible le champ d’application de cette loi, conçue pour être brandie au-dessus du Hezbollah et ses affiliés à la manière d’une épée de Damoclès.

« La nouveauté que l’on constate avec ce nouveau texte est qu’il ouvre la voie à plusieurs lectures et par conséquent à plusieurs applications », indique l’économiste et analyste Sami Nader.

C’est un commentaire similaire que livre à L’OLJ Hanin Ghaddar, chercheuse au Washington Institute. Elle souligne que les législateurs ont sciemment voulu garder ce « flou », notamment au niveau de la terminologie utilisée, de sorte à permettre à l’administration d’avoir les coudées franches et de mettre la pression « même sur des personnes, des responsables politiques libanais ou des entités qui ne relèvent pas nécessairement du Hezbollah ». « Toutefois, ajoute la chercheuse, les sanctions ne pourront être prises que sur la base de preuves tangibles et sur des antécédents financiers qui sont vérifiés. »

Un champ d’application assez large qui risque, selon Sami Nader, d’affecter le fonctionnement de certains ministères au sein du prochain gouvernement, où le Hezbollah sera appelé à occuper des portefeuilles ministériels et à devenir par conséquent partie prenante dans la gestion des secteurs social et économique, dans le cadre de la lutte contre la corruption dont il veut se faire le chantre.

Ainsi, affirme Hanin Ghaddar, le ministère de Santé, s’il est attribué au Hezbollah comme il le réclame, pourrait être privé de l’aide des organisations internationales, qu’il s’agisse du PNUD ou des Européens, en raison de ces sanctions.


(Pour mémoire : Sanctions US contre le Hezbollah : des risques pour l’État libanais ?)


Mutisme du Hezbollah

Contacté par L’OLJ, le bureau de presse du Hezbollah n’a pas réagi. Pour Kassem Kassir, un expert des milieux du parti chiite, il est « naïf » de croire que ces nouvelles sanctions, comme celles qui les ont précédées d’ailleurs, vont pouvoir affecter le parti. « Le Hezbollah possède un système financier propre à lui, hors des circuits bancaires internationaux que l’on connaît. Il jouit d’une administration autonome qui échappe à tout contrôle », dit-il, en citant notamment l’une des plus grandes institutions financières sur laquelle compte le parti chiite, Qard el-Hassan, qui aujourd’hui a 37 filières. M. Kassir reconnaît toutefois que les nouvelles sanctions pourraient affecter des personnes qui forment la base populaire du parti et ceux qui le soutiennent.





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commentaires (5)

Qard el hassan..voila la nouvelle arme du heb....

Houri Ziad

10 h 28, le 27 octobre 2018

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Commentaires (5)

  • Qard el hassan..voila la nouvelle arme du heb....

    Houri Ziad

    10 h 28, le 27 octobre 2018

  • L.ETAU SE RESERRE... MAIS AUTOUR DE QUI ?

    LA LIBRE EXPRESSION, CENSUREE PARTI PRIS/ INTERET

    08 h 59, le 27 octobre 2018

  • En soi, tout ce qui peut contribuer à affaiblir le Hezbollah ne peut être considéré par les libanais que comme une bonne nouvelle. Si le Liban doit en subir des conséquences négatives, ce n'est que dans la mesure où il s'obstine à vouloir soutenir - à l'encontre de tous ses intérêts - la milice iranienne.

    Yves Prevost

    06 h 49, le 27 octobre 2018

  • On rit doucement. Et pas tous à la fois.

    FRIK-A-FRAK

    00 h 49, le 27 octobre 2018

  • Le hezbollah est comme une pieuvre malfaisante dont il faut couper les tentacules.

    HABIBI FRANCAIS

    00 h 13, le 27 octobre 2018

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