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Liban - Santé

« J’ai apprivoisé mon cancer, je l’ai surnommé Cookie... »

Trois femmes atteintes de cancer du sein ont pris la parole à l’hôpital Rizk pour encourager les Libanaises à se faire dépister, et le plus tôt possible.

Des artistes ont peint des œuvres pendant que les témoignages se succédaient à la tribune. Les œuvres ont ensuite été confiées au LAUMC.

Diana el-Haïbé a 37 ans, deux petits garçons et un cancer. Elle affronte le cancer pour la troisième fois, depuis qu’un matin de 2014, elle s’est découvert sous la douche une masse au sein gauche. Les métastases successives depuis quatre ans lui ont appris à vivre avec son cancer, au rythme des IRM, des séances de chimiothérapie et des séjours à l’hôpital. Prenant la parole devant la cinquantaine de personnes rassemblées dans le jardin de l’établissement, Diana raconte comment elle a apprivoisé sa maladie, à tel point qu’elle lui a donné un surnom : Cookie. « Je vais essayer, encore une fois, de le tuer. Je sens que je suis privilégiée car Cookie a changé ma vie, je suis une meilleure personne », affirme-t-elle avec un large sourire qui ne la quittera pas durant toute son intervention.

Au cœur de la ville, le jardin verdoyant de l’hôpital Rizk crée une atmosphère chaleureuse, facilitant la libération de la parole dans les rangs de la petite assemblée. La sensibilisation est l’objectif principal de cette prise de parole publique à l’occasion de l’opération Octobre rose. « C’est important que tout le monde entende le témoignage de personnes qui ont vécu le cancer du sein parce que, parfois, il y a des messages que nous, médecins et infirmiers, ne pouvons faire passer de manière aussi simple ou aussi réaliste. On peut s’identifier à ces personnes-là qui avaient une vie normale jusqu’au moment où elles ont été diagnostiquées du cancer du sein », explique le Dr Hady Ghanem, chef de service du département hématologie-oncologie à l’hôpital LAUMC – Rizk, à l’origine de l’événement.

Le message passe d’autant plus facilement que l’enchaînement des témoignages donne l’impression de participer à une discussion informelle, comme on le ferait autour d’un thé, par exemple. Des patients de passage à l’hôpital pour des examens, des médecins, des membres du personnel s’arrêtent pour écouter ces témoignages bouleversants. Les malades déplorent le manque d’espaces de parole, où elles pourraient se soutenir et échanger sur leur quotidien, celui d’un traitement qui fait grossir, qui cause de multiples petites douleurs, noircit les ongles et fait tomber les cheveux.

« Des questions qui paraissent futiles », ajoute une participante à mi-voix, mais qui aident, selon le Dr Ghanem, à surmonter, ensemble, les épreuves de la maladie. Après son ablation du sein, Diana a choisi de ne plus subir les marques que laisse le cancer sur son corps. Elle s’est rasé la tête bien avant que ses cheveux ne commencent à se raréfier. « Le cancer ne pouvait pas me prendre, et mes seins et mes beaux cheveux » dont elle est très fière, « c’était moi qui allais casser le cancer, et pas le cancer qui allait me casser ».


(Lire aussi : Cancer du sein : entre vérités et idées reçues)



Mot tabou

La sensibilisation est d’autant plus importante que les Libanaises seraient touchées plus jeunes qu’ailleurs par le cancer du sein, bien avant l’âge du premier dépistage, recommandé par les instances médicales internationales à 40 ans. Le Dr Ghanem l’explique par des facteurs environnementaux particulièrement élevés au Liban, où le tabagisme, le système alimentaire, la pollution figurent en bonne place. « J’ai été surprise quand j’ai appris que j’avais le cancer. On nous dit qu’à quarante ans, il faut faire une mammographie. À 36 ans, je n’aurais jamais pensé avoir une tumeur. Le mot était même tabou chez moi », témoigne Nathalie Boueiry, 43 ans, et qui succède à Diana el-Haïbé à la tribune.

Un tabou tenace que le Dr Ghanem explique par une croyance faussement répandue au Liban qui privilégie la cause héréditaire dans le cas du cancer du sein, alors que, selon les chiffres internationaux, moins de 5 % à 10 % sont dans ce cas. Le chef de service du département de radiologie au LAUMC, le Dr Daniel Mahfoud, abonde dans ce sens : « Notre société a peur du cancer et n’ose pas le nommer. On pense qu’en négligeant le dépistage, on éloignera la maladie de soi. Or, elle est bien là. »

La maladie a même une forte récurrence puisque le cancer du sein toucherait une femme sur huit au cours de sa vie, selon le Dr Ghanem. Mais s’il est dépisté assez tôt, ce cancer se soigne plutôt bien, avec un taux de survie estimé à 86 % cinq ans après le dépistage, selon l’Institut national du cancer français. « Aux femmes qui ont peur de faire une mammographie, c’est votre devoir d’être informées ! martèle Nathalie à la tribune. Allez faire le test ! Le plus tôt sera le mieux, sinon, quand vous voudrez vraiment savoir, ça sera trop tard… » Plus de « Oui, j’y penserai » ou de « Pas maintenant, je le ferai plus tard », à la moindre douleur dans la poitrine, il est impératif de consulter.



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Diana el-Haïbé a 37 ans, deux petits garçons et un cancer. Elle affronte le cancer pour la troisième fois, depuis qu’un matin de 2014, elle s’est découvert sous la douche une masse au sein gauche. Les métastases successives depuis quatre ans lui ont appris à vivre avec son cancer, au rythme des IRM, des séances de chimiothérapie et des séjours à l’hôpital. Prenant la parole...

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