Bachar et Asma el-Assad. Photo extraite de l’épisode 1 du reportage de la BBC, « A Dangerous Dynasty : House of Assad ».
1993, au Western Eye hospital, dans le quartier Paddington à Londres. Une patiente ne parvient pas à cacher sa joie lorsqu’elle reconnaît le jeune docteur présent dans la salle, se mettant à lui parler à toute vitesse en arabe et à lui baiser les mains. Devant des collègues perplexes, le médecin est visiblement très mal à l’aise. « Je ne vous l’ai jamais dit, mais mon père est président de la Syrie », leur dira-t-il plus tard. Comment imaginer que le jeune Dr Bachar est ce même homme qui, à la tête d’un régime dictatorial, est aujourd’hui accusé de crimes de guerre et d’avoir gazé son peuple ? Telle est la question posée par le dernier reportage en trois volets réalisé par la BBC : A Dangerous Dynasty : House of Assad, dont les deux premiers épisodes ont été diffusés les 9 et 16 octobre. À travers des images et des vidéos d’archives, parfois très intimes, ainsi que des témoignages inédits, le documentaire de la chaîne britannique tente de dresser un portrait de la famille qui règne sur la Syrie depuis près de cinquante ans. Une famille qui trône sur un pays en ruine à cause de la guerre qui s’y déroule depuis près de sept ans, faisant plus de 500 000 morts, plus de 6 millions de réfugiés et près de 7 millions de déplacés internes. Si les deux premiers reportages (le troisième et dernier volet sera diffusé mercredi prochain) ne révèlent rien de véritablement nouveau, ils résument toutefois assez bien les trois aspects intrinsèques au régime Assad, à savoir la force du clan, la violence et la propagande. Le halo de mystère entretenu par la famille année après année s’estompe au fur et à mesure que les langues se délient.
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Derrière une musique comme extraite du film de Coppola, Le Parrain, le réalisateur passe en revue les membres du clan qui siège sur une colline surplombant Damas, dans un palais à 1 milliard de dollars, commandé à un architecte japonais. Le père, d’abord, « dictateur à l’ancienne », véritable monstre politique, père protecteur et, semble-t-il, attentionné avec sa progéniture. « Notre père faisait la séparation complète entre la politique et la relation familiale à la maison », entend-t-on dire la voix de Bachar. Hafez, cette statue du commandeur, marque encore aujourd’hui le fils, celui-là même qui n’était pas destiné pourtant au poste de chef d’État. Le charismatique Bassel, mort dans un accident de voiture en 1983, propulse Bachar en tant que successeur par défaut. Une place d’éternel second qui définira tout le parcours du président actuel. « Hafez donne à Bachar un cours accéléré pour devenir un dictateur de la région », dit la voix off. Bachar en officier, l’air dégingandé, puis en diplomate international cherchant à imiter le style « Hafez ».
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Complotite
Depuis la mort de son père en 2000, ce dernier cherchera toujours l’aval de sa fratrie, mais surtout de sa mère, Anissa, non pas pour ses qualités de stratège, mais en raison de son obstination à vouloir conserver à n’importe quel prix l’héritage politique de Hafez. Dans un second temps, le documentaire rappelle combien la toute-puissance de la maison Assad est marquée par la violence. Par la stature du chef d’une nation arabe des années 70, qui fait défiler dans des parades des militaires contraints de tuer des chiots en direct ou des soldates arrachant à pleines dents des têtes de serpent. Mais aussi et surtout par la répression sans bornes d’un régime rongé par la paranoïa. Face à des haut gradés venus lui rapporter la mort de Bassel en 1994, Hafez el-Assad dira : « Est-ce un coup d’État ? » Bachar héritera de cette complotite aiguë. Entouré par des durs à cuire – son frère Maher, bras armé du régime, mais aussi son beau-frère, Assef Chaoukat –, Bachar va pousser l’entreprise de terreur sur son peuple, jusqu’à son paroxysme. Autre époque, mêmes pratiques. Le documentaire met également en lumière la personnalité d’Asma, épouse syro-britannique, à l’ambition et au charme certains. Elle y est dépeinte comme l’atout séduction de Bachar, celle qui le rend fréquentable aux yeux des grands de ce monde. « J’ai toujours eu en tête l’idée qu’on reviendrait un jour aider et travailler pour la Syrie », dit-elle lors d’une interview quelques années auparavant. Elle se voit en Lady Di, ou en Rania de Jordanie, mais réalise peu à peu que la famille Assad ne lui laissera que peu de marge de manœuvre pour jouer un premier rôle. Dans les deux premiers épisodes, elle apparaît presque comme la victime d’un destin shakespearien. « J’aime les voyages, car ils nous ouvrent au dialogue », confie le jeune Bachar de l’époque, décrit par des intervenants comme quelqu’un de « très civilisé » et à « l’anglais parfait ». Comme si, derrière le costume des premiers jours, personne ne pouvait soupçonner le monstre.
Pour mémoire
1993, au Western Eye hospital, dans le quartier Paddington à Londres. Une patiente ne parvient pas à cacher sa joie lorsqu’elle reconnaît le jeune docteur présent dans la salle, se mettant à lui parler à toute vitesse en arabe et à lui baiser les mains. Devant des collègues perplexes, le médecin est visiblement très mal à l’aise. « Je ne vous l’ai jamais dit, mais mon...
commentaires (8)
Hitler a-t-il renaît ? Pour ceux qui croient en la metempsycose, certainement !
LeRougeEtLeNoir
18 h 45, le 20 octobre 2018