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Économie - Réformes

Charbel Nahas interpelle les « responsables » sur la dégradation de l’économie

Pour le chef du mouvement issu de la société civile, le déficit structurel de la balance des paiements est à l’origine de plusieurs facteurs aggravants pour le pays.

Le chef du mouvement « Citoyens et citoyennes dans un État », Charbel Nahas (au c.), lors de la conférence de presse d’hier. Photo Hassan Hassal

Discret depuis les législatives en mai, le mouvement « Citoyens et citoyennes dans un État » dirigé par l’ancien ministre du Travail ou encore des Télécoms, Charbel Nahas, est monté au créneau hier pour interpeller ceux qu’il désigne comme « responsables » de la dégradation de la situation économique et financière du pays, latente depuis 2011, mais qui s’est considérablement aggravée cette année.

S’exprimant lors d’une conférence de presse à Beyrouth, M. Nahas a également exhorté les banques, les « chefs communautaires » ainsi que les « États étrangers et les institutions internationales qui se considèrent concernés par ce qui se passe (au Liban) » à cesser de chercher à « gagner du temps » et à s’employer à réformer le pays en profondeur.

« Si nous n’agissons pas immédiatement, je pense que la crise éclatera d’ici à la fin de l’année », a confié à L’Orient-Le Jour l’économiste et avocat Adib Tohmé, membre du mouvement issu de la société civile, présent sur place. « Nous ne pouvons plus continuer sur les bases actuelles. Il faut former un gouvernement de technocrates chargé de modifier le modèle économique du pays pour qu’il repose moins sur des filières qui sont actuellement en perte de vitesse », a-t-il ajouté, évoquant l’immobilier ou encore l’automobile.


(Lire aussi : Le secteur bancaire libanais a un « faible niveau de vulnérabilité », selon Fitch Ratings)


Presse étrangère

M. Nahas a, lui, rappelé dans son intervention que la situation était assez grave pour qu’une partie de la presse étrangère s’en préoccupe cet été, à l’image du magazine londonien The Economist, auteur d’un article pessimiste publié fin août sur les perspectives du pays, alors que les trajectoires de plusieurs indicateurs économiques ne sont pas encourageantes. « Nous nous sommes refusés jusqu’ici d’intervenir sur la question financière (…) parce que notre objectif n’a jamais été de créer un climat d’angoisse (…) Aujourd’hui, la situation est différente. L’inquiétude s’est généralisée », a-t-il expliqué.

L’activité est en effet en baisse dans plusieurs secteurs, les taux d’intérêt bancaires ainsi que le rendement sur les bons du Trésor libanais grimpent, réduisant la marge de manœuvre de l’État pour assainir ses finances et réduire sa dette publique (qui flirte avec les 83 milliards de dollars depuis juin, pour un ratio de plus de 150 % du PIB). Les agences de notation financière ont, pour l’instant, maintenu leurs évaluations tout en multipliant les appels à agir vite. La Banque mondiale a, en revanche, ramené il y a une semaine sa prévision de croissance pour le Liban en 2018 de 2,5 à 1 % en l’espace d’un an.

Le mouvement identifie en outre le déficit structurel de la balance des paiements comme le marqueur qui illustre le mieux les difficultés actuelles de l’économie libanaise qui dépense plus de devises qu’elle n’en attire. Un dysfonctionnement qui est à l’origine de plusieurs décisions pénalisantes pour les citoyens, comme la suspension de mécanismes mis en place par la Banque du Liban (BDL) pour subventionner les intérêts sur les prêts aux secteurs productifs ainsi que les crédits logement, ou les limitations d’achat de carburant qui oblige Électricité du Liban (EDL) à rationner la production de courant. « Même avec les réserves actuelles de la Banque centrale (qui sont de plus de 40 milliards de dollars selon cette dernière), la marge n’est pas énorme si nous ne parvenons pas à inverser cette mécanique », insiste M. Tohmé. Une nécessité d’autant plus urgente que le Liban doit drainer d’importantes réserves de devises pour maintenir l’indexation de la livre au dollar mise en place en 1997, ce qui lui coûte de plus en plus cher.


(Lire aussi : La Banque mondiale abaisse encore sa prévision de croissance pour le Liban)


Du temps acheté au prix fort

Mais alors que le pays s’est justement engagé lors de la conférence dite CEDRE, en avril dernier, à restructurer son économie et rééquilibrer ses finances publiques, les partis politiques locaux ne se sont toujours pas entendus sur la composition d’un nouveau gouvernement, cinq mois après le renouvellement du Parlement. « Ces deux derniers jours, des parties étrangères sont directement entrées en scène (…) pour tenter d’arrêter le processus de délitement en cours », a encore insisté M. Nahas, faisant référence à la visite de l’ambassadeur de France et délégué interministériel à la Méditerranée, Pierre Duquesne, pour rencontrer des responsables locaux. M. Duquesne a été chargé par le président français Emmanuel Macron de mener le processus de la CEDRE. Selon une source bancaire contactée par L’Orient-Le Jour, la formation du gouvernement donnerait immédiatement de l’air au pays, à condition que « les ministres se mettent au travail rapidement ».

M. Nahas a également estimé que les banques libanaises avaient la responsabilité d’accorder une marge suffisante pour permettre aux pouvoirs publics et à la société de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour redresser le pays. Selon lui, les établissements bancaires doivent avoir « le courage » de baisser leurs taux d’intérêt sur l’argent qu’ils prêtent à l’État, aux entreprises et aux ménages, et dont la charge « dépasse de beaucoup les capacités de chacune de ces catégories d’emprunteurs ». Il a en outre regretté que « le temps acheté au prix fort à la charge des Libanais » par la BDL n’ait pas été « mis à profit » pour amorcer les efforts requis.




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OU ETAIT-IL QUAND IL Y ETAIT ?

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 35, le 12 octobre 2018

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Commentaires (2)

  • OU ETAIT-IL QUAND IL Y ETAIT ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 35, le 12 octobre 2018

  • Plus clair, net et précis que ce constat dramatique de la situation catastrophique de l’economie Libanaise, on ne peut faire: tout est presque dit! Sauf que, Mr Nahas, vous oubliez le volet politique de mainmise d’une milice armée sur la décision nationale, alignée sur un axe iranien totalement boycotté par le monde Occidental et Arabe, avec un conflit infernal interminable chez nos voisins, absence d’investissements et de touristes et j’en passe... La formation d’un gouvernement classique et les investissements de la Cedre ne seront encore qu’un bandage temporaire sur un cancer galopant! Comme vous le dites: seul un gouvernement de technocrates pourrait peut-être sauver la situation.

    Saliba Nouhad

    02 h 57, le 12 octobre 2018

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