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Liban - Rencontre

Serge Tillmann, l’homme de l’ombre au service de l’enseignement du français

L’objectif 2025 est de doubler le réseau des établissements de l’AEFE au Liban et d’intégrer au sein des écoles homologuées non moins de 120 000 élèves.

Pour Serge Tillmann, le trilinguisme libanais est un trésor qui donne à la jeunesse une capacité de penser multiple et complexe.

On pourrait l’appeler l’homme de l’ombre car il apparaît peu au grand jour, mais il se bat avec passion pour l’enseignement de la langue française au Liban. Méconnu du grand public, il travaille sans relâche auprès des chefs d’établissements privés francophones et du corps enseignant pour mener à bien sa mission. Quitte à aller à la rencontre des élèves, même ceux des classes maternelles. Avec pour priorité, et malgré les coupes budgétaires françaises, d’atteindre l’objectif fixé par l’ambassadeur de France, Bruno Foucher, de doubler le réseau d’écoles francophones homologuées au Liban d’ici à l’année 2025. Serge Tillmann, conseiller culturel adjoint près l’ambassade de France, détaché par le ministre français de l’Éducation nationale auprès du ministère des Affaires étrangères, définit en une phrase son travail au service de la coopération culturelle : « J’ai découvert pour comprendre, et je comprends pour aimer. »


70 000 élèves libanais dans le dispositif français
Plus pratiquement, ce docteur en histoire contemporaine et en théologie, également détenteur d’un master en droit public, part « des réalisations positives des écoles libanaises », « de l’amour que portent les Libanais à la culture et la langue françaises », même les tout-petits. « Je suis émerveillé par l’aisance avec laquelle les plus jeunes élèves parlent le français », dit l’ancien professeur d’histoire-géographie, se remémorant une fête de fin d’année au cours de laquelle les enfants de maternelle présentaient des Fables de La Fontaine. Il salue à ce titre « la singularité libanaise exceptionnelle », qui fait que le dispositif français à travers le monde scolarise 70 000 élèves libanais dont 10 000 à l’extérieur du pays, soit 20 % des effectifs du réseau français à l’étranger. Sans oublier que sur un million d’enfants scolarisés au Liban, 53 % apprennent la langue de Molière. Le reste est « exagéré », rétorque-t-il, lorsqu’on évoque la perte de vitesse du français au pays du Cèdre au profit de l’anglais. Du trilinguisme libanais, il parle d’ailleurs comme d’un « trésor », qui donne à la jeunesse « une capacité de penser multiple et complexe ». « J’ai le bonheur de piloter le système éducatif des programmes français au Liban, de voir ces derniers s’enrichir de la différence », fait-il remarquer, affirmant que la particularité libanaise est « source de réussite ». Une positivité qui lui vaut la reconnaissance des chefs d’établissement avec lesquels il collabore. Celle du directeur du Collège Melkart, Fawzi Makhoul, qui n’hésite pas à saluer « son ouverture d’esprit exceptionnelle », « ses décisions particulièrement courageuses » et « son travail acharné au service de la francophonie et du Liban ». « Il a aidé beaucoup d’établissements à s’ouvrir à la francophonie et à développer leurs compétences », souligne encore M. Makhoul.

Dès cette rentrée scolaire, « le pays du Cèdre comptera 43 écoles privées homologuées, deux de plus », qui répondent aux critères fixés par le ministère français de l’Éducation nationale, révèle M. Tillmann, à savoir « le respect des programmes français et des méthodes d’enseignement ». « Et en 2025, le nombre d’établissements homologués devrait atteindre 80, totalisant 120 000 élèves environ. » C’est dire « la volonté des deux derniers ambassadeurs, Bruno Foucher et précédemment Emmanuel Bonne, de développer l’homologation ». « Une politique qu’Emmanuel Macron s’est réappropriée », note le conseiller adjoint, d’autant que le président français caresse le projet, d’ici à 2025 également, de doubler le nombre d’élèves des réseaux français dans le monde, de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), ses 499 écoles et 350 000 élèves dans le monde, et du Label France éducation qui consacre « un enseignement en langue française de qualité, dans le cadre de l’enseignement du programme du pays ».


(Lire aussi : De la francophonie entre « je » et « l’autre »)


Le Liban affole tous les compteurs de la francophonie
Mais plus que cette détermination française, plus que cette amitié de longue date entre la France et le Liban qui s’est concrétisée en 1996 par la signature de l’accord sur l’équivalence entre les deux bacs libanais et français, « il y a visiblement quelque chose qui se passe au Liban », constate l’ancien éducateur, affirmant que « le pays affole tous les compteurs de la francophonie » malgré la concurrence de l’anglais. On y note d’ailleurs « une augmentation sensible du nombre de bacheliers du français ». Mieux encore, « des établissements anglophones s’ouvrent à la langue française ».En 2017-2018, près 5 600 élèves libanais de première et terminale de 50 établissements (dont 9 non homologués) obtenaient le bac français, contre seulement 400 bacheliers au début des années 70. Une demande qu’accompagne et encourage Serge Tillmann en développant l’infrastructure nécessaire à ce processus. « Depuis que nous avons dématérialisé les épreuves du bac, il y a deux ans, aucune copie d’examen n’est plus envoyée en France », explique-t-il.

Parallèlement, a été « opéré un transfert de compétences aux professeurs libanais ». Paris a, depuis, « gagné le pari de faire corriger les épreuves du bac par 450 enseignants libanais, formés par 30 enseignants français, portant ainsi le nombre de correcteurs à 480 professeurs ». Cela fait également deux ans que les premiers centres d’examen dirigés par des non-Français ont vu le jour au Liban, au sein des établissements Melkart, Louise Wegmann, Antoura, Athénée de Beyrouth et Institut moderne. « Ce transfert de responsabilité aux établissements dirigés par des Libanais se poursuit », précise M. Tillmann.

Très prochainement, un centre d’examen devrait voir le jour à Saïda. De plus, « en septembre et pour la première fois au monde, un centre de remplacement des épreuves du baccalauréat français a ouvert ses portes au Liban dans les mêmes conditions qu’en France, destiné aux candidats au bac français qui n’ont pas pu passer leur examen », annonce-t-il, insistant sur la volonté de la France d’ « assurer un service de proximité aux familles du Liban ».


(Lire aussi : Les défis de la formation de professeurs de français au Liban et dans la région)


Le Liban, vivier du professorat francophone
Et pour compléter « cette excellence pédagogique », l’ambassade de France ambitionne d’atteindre le ratio de trois formateurs libanais pour un formateur français. À ce titre, elle devrait inaugurer bientôt la nouvelle formation de l’enseignement du français à l’étranger à l’École supérieure des affaires (ESA). « C’est au Liban que se trouve le principal vivier du professorat francophone dans le monde », affirme l’expert. Serge Tillmann est intarissable sur son travail au service de la coopération culturelle au Liban. Celui qui a lutté contre les difficultés et l’absentéisme scolaire est fort d’une mobilisation de longue date pour l’enfance handicapée. Dans le cadre de sa mission professionnelle, certes. « Nous portons une attention particulière aux élèves en situation de handicap », dit-il, faisant état de l’aménagement par l’ambassade de France des épreuves du bac français, après évaluation de la situation par les chefs d’établissement. Mais surtout dans le cadre d’un engagement personnel bénévole de 20 ans auprès de l’Association des paralysés de France, qui a poussé ce père de famille, alors proviseur, à organiser avec ses élèves bénévoles des colonies de vacances pour enfants handicapés et leurs familles « pour leur faire vivre des expériences uniques », comme des baptêmes de l’air ou des croisières sur le Rhin. « Mon but était que ces enfants vivent avec les autres, pas comme les autres », résume-t-il.

Alors qu’il entame sa troisième et dernière année au pays du Cèdre, l’historien qu’il est concocte un double recueil de nouvelles sur 22 portraits de Libanais qu’il apprécie particulièrement. « De belles personnes », précise-t-il. Avec pour « seule obligation de n’écrire aucun point négatif »…


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commentaires (1)

Que la francophonie se développe partout dans le monde. C'est une culture et une vision universaliste et humaine. Bravo à tous les acteurs.

Sarkis Serge Tateossian

21 h 54, le 08 octobre 2018

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Commentaires (1)

  • Que la francophonie se développe partout dans le monde. C'est une culture et une vision universaliste et humaine. Bravo à tous les acteurs.

    Sarkis Serge Tateossian

    21 h 54, le 08 octobre 2018

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