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Liban - Liban

La loi sur la gestion des déchets adoptée est « faible et sans consistance », estime la société civile

Un sit-in de la Coalition civile sur les déchets s’est tenu devant le Parlement pour revendiquer le report et l’amendement du texte, mais c’était peine perdue.

« Les émanations de vos incinérateurs sont polluées comme vos politiques », pouvait-on lire hier sur la banderole que brandissait ce manifestant hier, place Riad el-Solh, face aux forces antiémeute. Photo Marwan Assaf

Le texte de loi sur la gestion des déchets figurait en première place dans l’ordre du jour de la réunion pour la législation de nécessité hier à l’hémicycle. Et il a en effet monopolisé le débat durant une bonne partie de la séance d’hier, pour finalement être adopté avec une majorité des voix, sans véritables amendements comme le revendiquait la société civile, et avec un seul petit changement : celui de soumettre les appels d’offres à la Direction des adjudications. Les multiples appels à placer la future Agence nationale de la gestion des déchets, prévue par la loi, sous la houlette de la présidence du Conseil plutôt que du ministre de l’Environnement n’ont pas été retenus.

Ce texte de loi a été préparé par le ministère de l’Environnement en 2005, mais n’a été soumis au Parlement qu’en 2012. Plusieurs modifications ont été apportées au document original. Ce texte est considéré comme une loi-cadre qui, selon ses concepteurs, vise à apporter les définitions nécessaires sur des notions comme les catégories de déchets, la pyramide de traitement, le pollueur-payeur… et à déterminer les responsabilités des uns et des autres. Cette loi accorde de larges prérogatives au ministère de l’Environnement dans la planification et le contrôle. L’exécution des projets sera de l’apanage des municipalités, ou alors soumise à la loi du PPP s’il s’agit du secteur privé. Les solutions centrales seront tributaires de l’Agence nationale pour la gestion des déchets. Il faut préciser que le Liban n’avait pas de loi sur les déchets auparavant.

Or ce texte est considéré comme très lacunaire par la société civile, qui le considère comme une ouverture vers l’incinération dans les quatre coins du pays, malgré les protestations de multiples responsables sur le fait qu’il s’agit d’une « loi-cadre qui ne pousse vers aucune technologie particulière », ainsi que l’a rappelé hier le député Akram Chehayeb devant les caméras. Preuve que la société civile avait vu juste : il y avait plus de voix pour défendre explicitement l’incinération au cours de la séance d’hier au Parlement que pour discuter à proprement parler de la loi, selon les observateurs…

Dans un premier communiqué publié vendredi, puis hier au cours de son sit-in, la coalition sur les déchets dénonce « une loi faible et sans consistance ». Samar Khalil, membre de cette coalition, souligne à L’Orient-Le Jour « la contradiction essentielle entre les aspirations à la décentralisation qui donne de vastes prérogatives aux municipalités, et la création de cette agence nationale chargée de piloter les projets centraux ». La coalition critique le fait que cette agence n’est pas soumise aux organismes de contrôle, et note les ambiguïtés dans les définitions apportées par la loi, qui de surcroît ne propose pas une hiérarchie des méthodes les plus adaptées au contexte libanais.

Lors du sit-in, avant la séance parlementaire, deux députés ont rejoint la société civile, Paula Yacoubian et Oussama Saad, notant les nombreuses lacunes du texte et demandant qu’il soit réexaminé en commission en coopération avec les experts et les environnementalistes. Le député Élias Hankache, groupe Kataëb, s’est également joint aux manifestants pour leur annoncer qu’il votait contre le texte de loi, soulignant que son parti « a émis des revendications pour des améliorations apportées au texte au niveau de la protection de l’environnement et de la santé, comme de l’implication des organismes de contrôle ». Le groupe parlementaire Kataëb a effectivement voté contre le projet, ainsi que le bloc des députés Fayçal Karamé et Farid Haykal el-Khazen.


(Lire aussi :  Loin de CEDRE, le Parlement avalise la loi nationale sur la gestion des déchets)


Ouvrir la voie à l’incinération
Opposante notable à cette loi et virulente critique de la gestion officielle du secteur des déchets, Paula Yacoubian a quitté la salle après que le président Berry eut clos le débat sur la loi. Elle note « l’insistance » qu’elle a perçue dans la volonté de divers grands blocs à faire passer ce texte sans délai. Selon elle, il fallait voir l’enthousiasme avec lequel un très grand nombre de députés ont défendu le recours à l’incinération, estimant que « le but de ce vote était davantage d’ouvrir la voie à l’incinération que de doter le pays d’une loi sur la gestion des déchets ». « C’est une perspective de pillage du peuple en bonne et due forme », affirme-t-elle à L’OLJ.

Et d’ajouter : « Leur principal argument, c’est que personne ne veut d’une décharge dans sa région, mais sont-ils conscients que l’incinération génère 18 % de résidus dont 2 % de cendres volantes hautement toxiques pour lesquelles il faudra trouver une décharge appropriée que nous n’avons pas ? Mais nos remarques ne semblent pas franchir la porte du Parlement. Entre-temps, cette loi donnera aux municipalités la possibilité d’opter pour n’importe quelle technologie, notamment l’incinération, sans leur imposer aucun critère ni aucun garde-fou. »

Que répond-elle à ceux qui disent qu’une loi-cadre n’est pas un plan de gestion des déchets et qu’elle ne détermine pas les technologies à adopter? « Le seul » cadre « qu’ils voulaient imposer avec cette loi est celui de permettre aux municipalités de faire ce qu’elles veulent sans aucun garde-fou, insiste la députée. Cette loi lacunaire n’arrange pas les choses, puisqu’elle ne protège ni l’environnement ni la santé des citoyens, et nous sommes déjà le premier pays en termes d’incidence du cancer dans la région (NDLR : source, le Centre international de la recherche sur le cancer qui relève de l’OMS). »

Interrogée sur ce qui va suivre, Paula Yacoubian affirme qu’elle compte désormais sur l’éveil du peuple et affirme qu’aucun incinérateur ne sera installé dans sa région, en référence au projet du conseil municipal de Beyrouth dans la région de la Quarantaine.


(Pour mémoire : Déchets : crier son refus de l’incinérateur, au plus près de la municipalité de Beyrouth)


« Pierre angulaire » des réformes ?
Du côté de la société civile, donc, l’adoption de la loi est un coup dur. Samar Khalil indique à L’OLJ qu’« il reste à espérer que dix députés présenteront un recours contre le texte, ce qui reste peu probable, ou alors que des décrets d’application plus stricts seront adoptés ».

Mais le texte n’a pas que des détracteurs, loin de là, et beaucoup se félicitaient hier de son adoption. Le ministre sortant de l’Environnement, Tarek el-Khatib, a salué l’adoption de cette loi qu’il a qualifiée de « pierre angulaire dans le processus de réforme d’un secteur vital pour le Liban et les Libanais, vu qu’il concerne leur vie de tous les jours et leur santé ». « D’un point de vue environnemental, cette loi consacre les principes de réduction de la production des déchets et de leur réutilisation et recyclage, tandis que du point de vue administratif, elle consacre le concept de décentralisation administrative », a souligné M. Khatib.


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Le texte de loi sur la gestion des déchets figurait en première place dans l’ordre du jour de la réunion pour la législation de nécessité hier à l’hémicycle. Et il a en effet monopolisé le débat durant une bonne partie de la séance d’hier, pour finalement être adopté avec une majorité des voix, sans véritables amendements comme le revendiquait la société civile, et avec un...

commentaires (3)

baratin apres baratin, point(s) de vue apres point(s) de vue, il reste a noter 2 elements perturbants: ----la creation de "l'Agence nationale de la gestion des déchets" - encore une agence de pseudo gestion, controle ? Pourquoi faire ? est ce dorenavant le système a suivre? celui de "controler" les ministeres par ce genre d'agences , dont les membres sont choisis pareil aux autres fonctionnaires du secteur public , DONC a priori , difficile a leur faire confiance ? ---laisser aux municipalites le libre choix du systeme a appliquer? comme si toutes avaient fait leurs preuves d'efficacite, transparence , serieux ? C du beau ca.

Gaby SIOUFI

10 h 29, le 25 septembre 2018

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Commentaires (3)

  • baratin apres baratin, point(s) de vue apres point(s) de vue, il reste a noter 2 elements perturbants: ----la creation de "l'Agence nationale de la gestion des déchets" - encore une agence de pseudo gestion, controle ? Pourquoi faire ? est ce dorenavant le système a suivre? celui de "controler" les ministeres par ce genre d'agences , dont les membres sont choisis pareil aux autres fonctionnaires du secteur public , DONC a priori , difficile a leur faire confiance ? ---laisser aux municipalites le libre choix du systeme a appliquer? comme si toutes avaient fait leurs preuves d'efficacite, transparence , serieux ? C du beau ca.

    Gaby SIOUFI

    10 h 29, le 25 septembre 2018

  • IL RESTE A DISTRIBUER LES PARTS OU CHACUN TROUVERA SA LATTA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 49, le 25 septembre 2018

  • Tous ceux qui manifestent contre les incinérateurs, ont-ils des propositions alternatives, etudiées, valables et adaptées au Liban ? C'est devenu une mode chez nous de manifester pour tout...on descend dans la rue, on apparaît dans les médias...et on rentre chez soi. Combien savent exactement pour quoi ils manifestent ? Les cancers ont augmenté au Liban...mais les incinérateurs ne sont pas encore installés ! Beaucoup d'autres pollutions nous empoisonnent la vie de tous les jours, à commencer par les émanations des déchets que l'on brûle partout ainsi que celles des pots d'échappement de certaines voitures et des véhicules de l'armée...la fumée des cigarettes dans beaucoup de restaurants etc. etc. Faut bien commencer par quelque chose pour vraiment résoudre ce problème des déchets, et petit à petit on trouvera des solutions, comme cela c'est fait dans les autres pays. Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 49, le 25 septembre 2018

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