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Liban - Déchets ménagers

I – Le Liban dispose-t-il des moyens d’adopter l’incinération de manière sûre ?

Loin des passions que déchaîne depuis quelques années déjà le sujet des déchets ménagers, voici une analyse critique de la principale option retenue par le gouvernement et de ses risques sur la santé et l’environnement. Cet article est le premier d’une série de trois, qui vise à clarifier de nombreux points concernant l’incinération des ordures ménagères.

Les incinérateurs, appelés à enflammer la polémique au Liban. Ici, un incinérateur, dans le cadre d’une ville, avec sa cheminée. Photo Bigstock

Dans les pays à superficie réduite tels que le Liban, où les terrains sont rares, la mise en décharge est structurellement problématique. Le « tout en décharge » a été pratiqué au Liban depuis longtemps et la crise de 2015 était donc prévisible. Elle a éclaté d’abord là où l’on pouvait l’attendre, c’est à dire dans le Grand Beyrouth, une agglomération de très forte densité de population et dépourvue de terrains disponibles. Sans être prophète en la matière, l’on peut s’attendre à ce que dans un futur proche, des crises équivalentes éclatent partout ailleurs au Liban.

Dans l’urgence l’on peut être tenté de passer d’un extrême à l’autre, du « tout en décharge » au « tout en incinération ». L’une comme l’autre option ne peut être durable sans un plan à long terme tenant compte des bonnes pratiques, de l’impact sur la santé publique et sur l’environnement : pollution de l’air, du sol, des eaux de surface, souterraines et de la mer. Au Liban, et dans le Grand Beyrouth en particulier, cette pollution multiple, associée à la crise des ordures ménagères, ne fait qu’un, et les derniers événements l’ont démontré.

Aujourd’hui, force est de constater que le « tout en décharge » au Liban et dans le Grand Beyrouth n’est plus durable. Mais que fait-on à partir de là ? Incinérer ? Il faut rappeler à ce stade que, même si l’incinération fait partie des solutions, le monde développé est en train de promouvoir d’abord la prévention par la réduction à la source et le recyclage. Mais posons-nous quand même la question : l’incinération des ordures ménagères (IOM) est-elle une bonne solution dans le contexte libanais ?


(Lire aussi : Loi sur la gestion des déchets : Khatib salue le « sens des responsabilités » des députés)



Moins de mise en décharge, mais plus de contraintes
Il est clair que l’IOM est une solution recommandable pour le Liban. Elle offre l’avantage de réduire le volume des déchets jusqu’à environ 75 % en masse et jusqu’à 90 % en volume. C’est la raison pour laquelle l’IOM est pratiquée dans les pays développés où les terrains sont rares (Grande-Bretagne, France, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Japon...).
Toutefois, l’IOM ne dispense pas du besoin de terrains de décharge car il restera environ 25 % de résidus solides en partie « dangereux ». Donc il y a moins de mise en décharge mais il y a plus de contraintes concernant les risques de pollution du sol et des eaux.
Plus important encore, l’IOM ne dispense pas non plus du tri à la source. Les ordures destinées à l’incinération doivent être exemptes de contenu non énergétique (verre…) et surtout de déchets dangereux : batteries, résidus électriques et électroniques, peinture, produits chimiques de toute nature… Car tous ces produits nuisent à l’efficacité de l’incinération, augmentent la pollution des effluents solides, liquides et gazeux, et rendent leur gestion plus compliquée et plus coûteuse.


Sources d’émissions toxiques
Au-delà du coût élevé de cette technologie – aux niveaux de l’investissement comme du fonctionnement – et de la complexité de la gestion de la qualité des flux entrants et sortants, l’IOM est une source d’émissions de polluants et de gaz toxiques dont l’impact sur la santé publique est sérieux. Citons entre autres les métaux lourds (plomb, mercure, chrome…), les oxydes d’azote, les gaz acides (soufre, chlore, fluor) et surtout les dioxines et furanes qui sont des perturbateurs endocriniens cancérigènes.
Une usine IOM dite BAT (Best Available Technology) dispose, en sortie de l’incinérateur, de toute une chaîne complexe de traitement des gaz pour abattre ces polluants. Sinon, l’IOM serait déjà bannie dans les pays développés où la santé publique est non négociable. Et comme la santé publique est non négociable, les meilleures pratiques consistent aussi et surtout en la mise en place d’un protocole contraignant de contrôle des émissions et des flux sortants, allant jusqu’à la fermeture de l’usine en cas de non-conformité aux normes.


(Lire aussi : Liban : L’adoption d'un projet de loi en commission relance le débat sur l’incinération des déchets)



À moins des meilleures normes, s’abstenir
Il est vrai que l’IOM peut contribuer à résoudre le problème des ordures ménagères au Liban. Cela dit, si elle n’est pas faite selon les normes propres aux meilleures pratiques, elle devient alors un problème pour la santé publique et pour l’environnement.

À condition de trouver le financement, installer une usine IOM BAT n’est pas compliqué en soi car l’offre de qualité est multiple par des fournisseurs de réputation mondiale. Mais c’est loin d’être suffisant. Il faut pouvoir assurer dans la durée un fonctionnement stable et des coûts opérationnels élevés. Et cela n’est toujours pas suffisant. Il faut, et c’est le plus important, préserver dans la durée la santé publique et l’environnement. Pour cela et préalablement à l’adoption de cette technique, il est nécessaire de mettre en place un cadre réglementaire adéquat et un système de contrôle contraignant des émissions à l’air, au sol et à l’eau.
À ce stade du projet, il est légitime de se poser la question sur les moyens techniques et la gouvernance prévus pour assurer dans la durée une IOM efficace, économique et saine pour la santé publique et pour l’environnement.

Prochain article : II – Les dioxines, un polluant à prendre très au sérieux

*Docteur expert en procédés hautes températures et la réduction des polluants associés, représentant de secteur industriel auprès de la Commission européenne à Bruxelles.


Lire aussi
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Une nouvelle crise de déchets en perspective au Liban ?


Dans les pays à superficie réduite tels que le Liban, où les terrains sont rares, la mise en décharge est structurellement problématique. Le « tout en décharge » a été pratiqué au Liban depuis longtemps et la crise de 2015 était donc prévisible. Elle a éclaté d’abord là où l’on pouvait l’attendre, c’est à dire dans le Grand Beyrouth, une agglomération de très...

commentaires (2)

Faudra bien commencer et essayer un bout de solution ! De laisser les ordures partout à l'air libre, sous le soleil, dans la mer etc. engendre aussi des pollutions multiples, donc des maladies etc. Et notre Liban est de plus en plus sale partout. Comment nos responsables qui habitent aussi ce pays, peuvent-ils supporter cela...recevoir des visiteurs qui survolent Costa Brava en atterrissant à l'Aéoroport de Beyrouth... ont'ils perdu tout sens d'honneur et de fierté concernant leur patrie le Liban ? Irène Saïd

Irene Said

14 h 59, le 30 juillet 2018

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Commentaires (2)

  • Faudra bien commencer et essayer un bout de solution ! De laisser les ordures partout à l'air libre, sous le soleil, dans la mer etc. engendre aussi des pollutions multiples, donc des maladies etc. Et notre Liban est de plus en plus sale partout. Comment nos responsables qui habitent aussi ce pays, peuvent-ils supporter cela...recevoir des visiteurs qui survolent Costa Brava en atterrissant à l'Aéoroport de Beyrouth... ont'ils perdu tout sens d'honneur et de fierté concernant leur patrie le Liban ? Irène Saïd

    Irene Said

    14 h 59, le 30 juillet 2018

  • DES USINES DE TRAITEMENT DES DECHETS AU LIEU DE GASPILLER L,ARGENT SUR LES BARGES FERRAILES TURQUES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 23, le 30 juillet 2018

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