Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Éclairage

Reconstruire la Syrie, avec Bachar, mais sans l’Iran ?

Les pays du Golfe auraient accepté en principe de s’impliquer dans le financement de l’après-guerre pour garder de bons contacts avec les Russes, alors qu’ils sont inquiets face à leur allié américain.

Photo d’archives montrant le quartier Jouret al-Chiah dans la ville de Homs complètement détruit. Les Russes ont appelé récemment les Européens à participer à la reconstruction de la Syrie. Louai Beshara/AFP

Bachar ou l’Iran ? Tel est le dilemme aujourd’hui des pays sollicités par la Russie pour financer la reconstruction en Syrie après la fin de la guerre.

Lors d’une visite en Allemagne fin août, le président russe Vladimir Poutine avait appelé les Européens à participer financièrement à la reconstruction de la Syrie, mettant en avant des considérations humanitaires pour permettre le retour des réfugiés syriens chez eux.

« Moscou a demandé aux Français de s’impliquer en Syrie, faisant miroiter un soutien russe sur le dossier iranien. De son côté, Paris a parlé avec ses alliés, notamment les monarchies du Golfe, pour envisager un rapprochement avec le régime syrien », affirme à L’Orient-Le Jour une source informée dans les milieux diplomatiques arabes.

La France semble intéressée, « mais souhaite que les pays arabes ouvrent le bal », ajoute cette source. « Or, pour ces derniers – d’accord sur le principe–, la réhabilitation du régime de Bachar el-Assad a un prix : rompre avec l’Iran. C’est donnant-donnant », affirme cette source.

D’ailleurs, il semblerait que les contacts ont lentement repris entre Damas et Abou Dhabi. Selon le journal libanais al-Akhbar, proche du Hezbollah, le secrétaire général adjoint du Conseil suprême de sécurité nationale des Émirats arabes unis (EAU), Ali al-Shamsi, a visité récemment la capitale syrienne où il a rencontré un haut responsable sécuritaire, avec qui il a discuté notamment du moyen de rétablir les relations entre les deux pays. Le journal précise que les EAU ne veulent pas froisser leur allié saoudien, demandant ainsi une reprise discrète ou indirecte de ces relations. Al-Akhbar ajoute en outre que la réponse syrienne n’a pas été divulguée.

Cette visite intervient après qu’un émissaire eut été dépêché auprès d’Assad, porteur du message selon lequel ce dernier « peut rester au pouvoir à vie sans qu’il soit obligé de faire des réformes politiques et constitutionnelles », a affirmé de son côté le député libanais Nawaf al-Moussaoui sur la chaîne de télévision al-Mayadeen le mois dernier. Le député du Hezbollah précise que Riyad « s’est engagé à reconstruire la Syrie, en contrepartie, le président Assad devrait rompre définitivement ses relations avec le Hezbollah et l’Iran ». Ces discussions auraient eu lieu en août, et M. Assad aurait refusé la proposition.

Les autres pays du Golfe tel le Koweït ou Oman n’avaient pas complètement coupé les liens avec Damas, des contacts discrets étant toujours en cours.


(Lire aussi : Les États-Unis se donnent les moyens de leur nouvelle stratégie en Syrie)


Besoin des Occidentaux et des Arabes

La réhabilitation du président syrien et la reconstruction du pays détruit par sept années de guerre sont aujourd’hui la priorité de la Russie. Les Occidentaux et les Arabes savent pertinemment que les alliés du président syrien n’ont pas les moyens financiers pour reconstruire le pays. Ni la Russie, ni l’Iran, ni même la Chine ne peuvent à eux seuls financer la reconstruction en Syrie. Ils auront indiscutablement besoin des Européens, mais aussi des monarchies du Golfe.

De leur côté, les Américains restent jusqu’à présent sur leur position : ils n’investiront pas en Syrie. La représentante permanente des États-Unis aux Nations unies Nikki Haley a ainsi affirmé dernièrement que « la Russie et Assad espèrent que nous allons mener le processus de reconstruction en Syrie. Nous allons rester en dehors de ça ».

Plusieurs observateurs avaient estimé que ces pays demanderont le départ de Bachar el-Assad comme préalable à tout soutien, ou au moins le début d’une transition politique fiable issue du processus de paix de Genève.

D’ailleurs, lors de son discours annuel face aux ambassadeurs de France récemment, le président Emmanuel Macron avait jugé qu’un « retour à la normale » en Syrie avec le maintien de Bachar el-Assad à sa tête serait « une erreur funeste ». Quant à l’Allemagne, elle s’est déclarée disposée à « assumer des responsabilités dans la reconstruction » de la Syrie en cas de « solution politique » pouvant mener à des « élections libres » , selon son chef de la diplomatie Heiko Maas, la semaine dernière.

Mais les Européens et les Arabes seraient plus pragmatiques concernant le départ de Bachar el-Assad. « Je n’ai jamais fait de la destitution de Bachar el-Assad une condition préalable à notre action diplomatique ou humanitaire en Syrie », a ainsi déclaré M. Macron. Pour lui, Bachar est l’ennemi de son peuple, pas de la France. Même logique de la part des pays du Golfe : le président syrien n’a pas été une menace directe à leur encontre. C’est plutôt l’Iran.


(Lire aussi : En Syrie, réhabiliter le chemin de fer pour reconstruire le pays)


D’où une concordance d’intérêts entre les Européens et les monarchies arabes : endiguer l’influence iranienne dans la région du Proche-Orient. Pour la France, c’est le Levant ; pour le Golfe, c’est le Yémen.

« Les pays du Golfe veulent en outre garder de bons contacts avec les Russes, alors qu’ils sont inquiets face à leur allié américain qui n’a pas de politique claire pour la Syrie, surtout avec un Donald Trump imprévisible. Ils essayent donc de gagner du temps », ajoute la source arabe.

En acceptant les demandes russes de réhabilitation du régime et de la reconstruction en Syrie, les monarchies du Golfe amadouent ainsi Moscou tout en tentant de poser leur condition concernant la menace iranienne.

Encore faut-il que la Russie ait la volonté de répondre positivement aux demandes arabes visant à faire sortir l’Iran de la Syrie. Des exigences déjà faites depuis quelques mois par Israël aussi. Et si c’est le cas, Moscou aura-t-il les moyens de le faire ?


Lire aussi

Berlin prêt à « assumer des responsabilités dans la reconstruction »

Lorgnant la reconstruction, Moscou et Téhéran dominent la Foire de Damas

Bachar ou l’Iran ? Tel est le dilemme aujourd’hui des pays sollicités par la Russie pour financer la reconstruction en Syrie après la fin de la guerre.Lors d’une visite en Allemagne fin août, le président russe Vladimir Poutine avait appelé les Européens à participer financièrement à la reconstruction de la Syrie, mettant en avant des considérations humanitaires pour permettre le...

commentaires (3)

Votre article confirme ce que j’ai écrit le 2 avril 2017, vous trouverez un extrait ci-dessous. https://souriahouria.com/que-cherche-poutine-en-syrie-par-moiffak-hassan/ « A contrepied du discours officiel du régime Assad et de la Russie fustigeant le Qatar pour son soutien aux opposants « terroristes », Poutine a autorisé la société russe Rosneft à céder 19.5% de ses actifs aux Qatari pour un montant de 10.2 milliards d’euros en octobre 2016. Cet accord est hautement stratégique : il permettra d’apporter de l’argent frais à la trésorerie russe, très affaiblie par la chute du prix du baril et par les sanctions imposées à la Russie. En outre, les exportations pétrolières russes pourront s’accroître à travers cet accord avec le Qatar au détriment de l’Arabie Saoudite, rivale de la Russie en matière d’exportations pétrolières sur le marché mondial. On peut supposer qu’au-delà de ce partenariat la Russie prépare la reconstruction de la Syrie avec la participation financière Qatari et d’autres pays du Golfe. »

Moiffak HASSAN

22 h 29, le 20 septembre 2018

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Votre article confirme ce que j’ai écrit le 2 avril 2017, vous trouverez un extrait ci-dessous. https://souriahouria.com/que-cherche-poutine-en-syrie-par-moiffak-hassan/ « A contrepied du discours officiel du régime Assad et de la Russie fustigeant le Qatar pour son soutien aux opposants « terroristes », Poutine a autorisé la société russe Rosneft à céder 19.5% de ses actifs aux Qatari pour un montant de 10.2 milliards d’euros en octobre 2016. Cet accord est hautement stratégique : il permettra d’apporter de l’argent frais à la trésorerie russe, très affaiblie par la chute du prix du baril et par les sanctions imposées à la Russie. En outre, les exportations pétrolières russes pourront s’accroître à travers cet accord avec le Qatar au détriment de l’Arabie Saoudite, rivale de la Russie en matière d’exportations pétrolières sur le marché mondial. On peut supposer qu’au-delà de ce partenariat la Russie prépare la reconstruction de la Syrie avec la participation financière Qatari et d’autres pays du Golfe. »

    Moiffak HASSAN

    22 h 29, le 20 septembre 2018

  • les sources hors al akhbar ? C que du Bidon. SVP, ne jamais plus vs en referer. bachar, vakli fakih & HN sont gagants sur tte la longueur. le discours de HN- celui d'hier - ne montre aucune amertume, hesitation , ni aigreur VIVE LA MOUMANAA, A BAS LES PAUVRES SIONISTES ET AUTRES OCCIDENTAUX& BIEN SUR CES TRAITRES D'ARABES

    Gaby SIOUFI

    10 h 27, le 20 septembre 2018

  • LA RESIDE LE VRAI PROBLEME. AVEC L,IRAN EN SYRIE PAS DE RECONSTRUCTION SERIEUSE !,

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 20, le 20 septembre 2018

Retour en haut