Dans exactement une semaine, la formation du gouvernement entamera son cinquième mois et les négociations semblent piétiner. Dès la première semaine après la désignation de Saad Hariri pour former le gouvernement, il a été question de trois nœuds : un chrétien, un autre druze et le troisième sunnite. Quatre mois plus tard, aucun d’eux n’a été réglé et ceux qui suivent le dossier ont l’impression qu’on en est toujours au même point. Les différents camps politiques sont divisés sur les critères de formation, les portefeuilles et même l’approche générale, certains évoquant sans le dire clairement des entraves étrangères, d’autres affirmant sans trop y croire que les obstacles sont purement locaux. Un rapide survol des positions montre qu’en fin de compte la plupart des parties internes ont intérêt à ce que le gouvernement soit formé au plus vite.
Le président de la République est conscient que la lenteur dans la formation du gouvernement nuit à son mandat et lui fait perdre l’élan positif dont il avait bénéficié au moment de son élection à la tête de l’État. Le Hezbollah a aussi intérêt à ce que le gouvernement soit formé au plus tôt pour profiter des résultats des dernières élections législatives et pour les faire fructifier au sein de l’exécutif. Le président de la Chambre a intérêt à ce que les institutions se remettent à fonctionner, sachant que sa part restera intacte dans le prochain gouvernement. Le Premier ministre désigné a lui aussi intérêt à former le gouvernement au plus tôt, d’abord pour renforcer sa position au sein de la rue sunnite et ensuite pour mettre en application les projets décidés lors de la conférence de Paris (CEDRE) qui lui permettront de reprendre en main la situation économique. Le leader druze Walid Joumblatt a également intérêt à ce que le gouvernement soit formé, ainsi que les Forces libanaises, car elles ne peuvent pas assumer la responsabilité de l’entraver, alors que la situation économique est si critique. Les bases populaires de toutes les formations ne peuvent pas comprendre qu’on puisse retarder le règlement de tous les dossiers en suspens qui touchent à leur vie quotidienne pour un portefeuille de plus ou de moins, sachant qu’au final, le gouvernement, qu’il soit majoritairement du 14 ou du 8 Mars, a rarement recours au vote pour prendre des décisions, le principe du consensus étant le plus souvent adopté.
Ce constat montre que le véritable nœud se situe hors des frontières libanaises et qu’après avoir échappé au climat régional en organisant les élections législatives, le Liban est plus que jamais au cœur du bras de fer régional et international qui se joue actuellement.
Pour les uns, la véritable cause du retard dans la formation du gouvernement est à chercher dans une stratégie américano-saoudienne qui veut mettre en échec le mandat du président Aoun et annuler « le fameux compromis » qui l’a porté à Baabda, tout en lui faisant assumer la responsabilité d’une dette publique de 85 milliards de dollars en plus de l’accumulation des dossiers non traités pendant des années. Pour les autres, c’est au contraire l’entêtement du président et de son camp, ainsi que leur volonté de préparer à leur avantage la succession à la présidence, pour pousser le Liban dans le camp hostile à l’alliance Occident-pays du Golfe, qui entrave la formation du gouvernement.
Face à ce constat, quatre scénarios sont possibles. Le premier consiste dans la formation d’un gouvernement sensiblement identique à l’actuel, autrement dit qui ne prend pas en considération les résultats des dernières législatives. Ce scénario semble peu probable en raison de la position ferme du chef de l’État et de son camp, ainsi que celle du tandem chiite Amal et Hezbollah. Le deuxième scénario est celui de la formation d’un gouvernement formé de la nouvelle majorité parlementaire, en désespoir de cause, face à l’impossibilité de s’entendre sur des parts équitables. Ce scénario semble aussi peu probable, le Premier ministre désigné ayant répété à plusieurs reprises qu’il ne veut former qu’un gouvernement d’entente nationale qui rassemblerait le plus grand nombre possible de parties politiques. Le troisième scénario est celui de la prolongation sans échéance visible de la période de gestion des affaires courantes. Dans ce cas, le Liban restera sans un gouvernement en pleine fonction pendant une durée indéterminée, alors que le pourrissement des institutions augmentera et que les dossiers sociaux et économiques deviendront plus pressants, face à une grogne populaire grandissante et surtout face à l’impuissance des autorités. Faute de trouver des solutions, les différentes parties se réfugieront dans les polémiques et l’exacerbation des sentiments communautaires, pavant la voie à d’éventuels troubles sécuritaires, en attendant que l’issue du bras de fer régional et international se précise. C’est en quelque sorte le scénario du pire.
Le quatrième scénario est celui d’une prise de conscience des différentes parties de la gravité de la situation, qu’elle soit due à un réveil interne ou externe (peut-être européen), qui pousserait vers la formation du gouvernement dans les plus brefs délais, sachant que le président de la Chambre a déclaré à plusieurs reprises qu’il pourrait contribuer à régler « le nœud druze », mais que jusqu’à présent, on ne lui a rien demandé, et que le Premier ministre désigné a déclaré qu’il réglerait en temps voulu « le nœud sunnite », et qu’en fin de compte, les Forces libanaises peuvent faire preuve de souplesse s’il n’y a plus que ce dossier en suspens.
Ce scénario est le plus probable, mais il attend cette « prise de conscience », dans l’espoir qu’elle ne soit pas provoquée par un événement quelconque. Dans le contexte actuel et face à la détermination de l’administration américaine de créer un fait accompli sur le plan des réfugiés palestiniens, avec l’arrêt du financement de l’Unrwa, les yeux se tournent vers le camp de Aïn el-Héloué... La relance des institutions est l’une des garanties les plus efficaces pour éviter les dérapages.
commentaires (6)
Malheureusement tout les articles, interviews et analyses se souvient de ce que les politiciens veulent et de leurs frustrations!!!! Le peuple entretemps est écrasé par le manque de sérieux avec lequel ses intérêts sont traités et bafoués a longueur d'interviews... Un gouvernement de te hnocrates pour résoudre scientifiquement nos problèmes... Faut il le dire en combien de langues avant que les soi-disant responsables comprennent... Rien a analyser... en formant leur gouvernements La Syrie fait le bien de ses citoyens, les iraniens de même,les Israéliens aussi ,les Mongols de mêmes, les habitants de Klingon et Mars aussi!!!!!! Quelle blague! C'est la comédie diabolique que nous vivons...
Wlek Sanferlou
19 h 12, le 17 septembre 2018