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Liban - Conférence

Prisons au Liban : une réforme urgente est nécessaire

Une rencontre sur la problématique du système pénitentiaire a été organisée à l’occasion du lancement de l’ONG « Nidal Li Ajl el-Insan » (Lutte en faveur de l’homme).

Le Liban compte 24 prisons, dont une centrale située à Roumieh avec une capacité maximale de 1 100 détenus, alors qu’elle en compte actuellement près de 3 400. Archives AFP

Au Liban, la crise dans laquelle se trouve le système pénitentiaire est un secret de Polichinelle. De nombreux rapports publiés sur ce sujet ont dénoncé l’état piteux et dégradant dans lequel se trouvent les prisons. Immeubles vétustes, surpopulation, manque d’hygiène personnelle et générale, faible accès aux soins de santé, malnutrition, absence de contact avec le monde extérieur, détention arbitraire… Autant de problèmes qui continuent de faire couler de l’encre dans un pays où rien ne va plus.

Hier, l’état des prisons au Liban a été au cœur du premier congrès de « Nidal Li Ajl el-Insan », une ONG apolitique et aconfessionnelle ayant vu le jour il y a environ une semaine. Elle a été fondée à l’initiative du leader du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt, avec pour principale mission de sensibiliser aux droits de l’homme, d’œuvrer en vue d’une équité sociale, de la démocratie et de la justice sociale, et de coopérer avec les autorités concernées pour une bonne application des critères et des chartes internationales relatives aux droits de l’homme.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Avancés par Suzanne Jabbour, présidente de l’ONG Restart pour la prévention et la lutte contre la violence et la torture qui intervient notamment dans la prison de Tripoli, « ils datent de lundi ». Selon ces chiffres, le Liban compte 24 prisons, dont une centrale située à Roumieh avec une capacité maximale de 1 100 détenus, alors qu’elle en compte actuellement près de 3 400. La prison de Tripoli, « qui servait du temps du mandat français d’écurie », accueille actuellement 900 prisonniers, sachant qu’elle ne peut pas accueillir plus de 350 personnes. Selon Mme Jabbour, les prisons comptent actuellement environ 6 400 détenus auxquels s’ajoutent près de 2 000 autres répartis dans les 179 prisons des gendarmeries. « Ce sont de petits espaces dépourvus du minimum d’éléments vitaux, comme les toilettes, un lit… et où les détenus passent souvent des mois », précise-t-elle. Si on compte de plus les personnes détenues dans les prisons de la Sûreté générale et de l’armée, le nombre des prisonniers au Liban frôlera les 8 000.


Problème de gale à Tripoli et à Roumieh

Où qu’elles soient détenues, ces personnes ne bénéficient d’aucun avantage, principalement en raison de la surpopulation carcérale, ce qui favorise par ailleurs les maladies. « Nous avons actuellement un problème de gale dans les prisons de Tripoli et de Roumieh », constate Mme Jabbour, qui souligne que dans les conditions précaires des prisons, se trouvent aussi des personnes à besoins spécifiques comme les handicapés ou encore des individus souffrant de maladies psychiques ou psychiatriques.

À cela s’ajoute la problématique de la catégorisation, « les prévenus (près de 50 % de l’ensemble des prisonniers), qui selon la loi sont innocents jusqu’à preuve du contraire, et les détenus gardés dans un même endroit et traités de la même manière ». Mais aussi celle de la lenteur du système judiciaire, « de nombreux prévenus n’ayant toujours pas été entendus et leur attente dure depuis des années », de la culture de détention (40 % des prévenus ont été jugés à un mois et demi de prison selon une étude datant de 2015), du grand nombre des étrangers enfermés dans les prisons libanaises (environ 47 % des prisonniers sont des étrangers dont près de 28 % sont de nationalité syrienne), du manque d’hygiène personnelle, de la mauvaise alimentation, du manque d’accès aux soins de santé primaire, de la pénurie d’eau…

Les conférenciers étaient d’accord que les geôles libanaises ne répondent à aucune des moindres règles des Nations unies pour le traitement des détenus, baptisées en 2015 Règles Nelson Mandela, en l’honneur du président sud-africain décédé ayant passé vingt-sept années en prison et défendu les droits des prisonniers. Des propos confortés dans l’intervention du général Majed Ayoubi, représentant le directeur général des FSI, qui lui aussi a mis l’accent sur les problèmes rencontrés dans les prisons. À signaler que les FSI ont développé une stratégie pour améliorer l’état des prisons pour qu’elles répondent aux normes internationales, comme l’a affirmé le colonel Kamil Mrad, du département des droits de l’homme. Cette stratégie se penche sur tous les aspects de la vie pénitentiaire, allant des plaintes à la formation des agents des FSI, en passant par la dramathérapie, le suivi psychologique des détenus, la protection des droits de l’homme, l’éducation, etc.


Les prisons, une priorité nationale

Le problème de la surpopulation carcérale pourrait être partiellement réglé si les prisons prévues à Majdlaya (Zghorta) et à Kfour (Liban-Sud) sont édifiées, sachant « que les plans sont prêts, mais que le budget pour leur construction n’a pas encore été alloué », précise Michel Moussa, président de la commission parlementaire des Droits de l’homme. Il a mis l’accent sur la nécessité de placer le problème des prisons en tête des priorités du gouvernement et de ne pas se contenter d’en parler « occasionnellement, dans le cadre d’une mutinerie ou d’un problème ».

Pour Ghassan Moukheiber, ancien député qui œuvre pour les droits de l’homme, « sur les vingt-quatre éléments de réforme du système pénitentiaire, deux présentent une valeur prépondérante et doivent constituer une entrée en matière : la réhabilitation de l’ensemble des locaux pénitenciers et la réforme de l’administration pénitentiaire qui doit être spécialisée et avoir les moyens de sa politique ». Toutefois, « rien ne peut se faire sans une volonté politique, qui ne se traduit effectivement qu’en financement », insiste-t-il.


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