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Liban - Rencontre

Berry : Toutes les parties politiques sont responsables de la lenteur dans la formation du gouvernement

Nabih Berry a reçu, hier, des membres du conseil de l’ordre des rédacteurs présidé par Élias Aoun. Photo tirée du site du Parlement libanais

« Vous ne parviendrez pas à m’entraîner dans une polémique avec qui que ce soit. L’heure est trop grave pour cela. » C’est par cette phrase, qu’il a répétée à plusieurs reprises, que le président de la Chambre, Nabih Berry, a balayé les questions des membres du conseil de l’ordre des rédacteurs présidé par Élias Aoun, venus s’entretenir avec lui hier.

Le président de la Chambre s’exprime beaucoup ces temps-ci dans une volonté d’attirer l’attention de tous, en particulier des différentes parties politiques, sur le fait que la situation économique ne permet pas au Liban d’attendre indéfiniment la formation d’un gouvernement. Lui-même avait plusieurs voyages prévus en automne en Espagne, en France, en Ukraine et en Égypte, mais il préfère ne pas répondre aux invitations dans un tel contexte. Il dit d’ailleurs avec humour : « On me poserait, comme vous le faites, des questions sur la formation du gouvernement... »

Berry continue d’affirmer que le blocage ne vient pas de l’extérieur et il considère que le dernier communiqué du département d’État décourageant les Américains de venir au Liban n’est pas un moyen de pression, mais plutôt une mesure de routine. Il affirme à cet égard que la situation sécuritaire au Liban est meilleure que celle de beaucoup de pays. Il refuse aussi de répondre à ceux qui font croire que le blocage pourrait venir de l’Arabie saoudite. « Au Liban, nous avons l’habitude de jeter la faute sur les autres. Mais je n’ai pas senti que le blocage vient de l’étranger », ajoute-t-il. En réponse à une question, il refuse de comparer la formation du gouvernement libanais à celle du gouvernement irakien, précisant au passage que l’ayatollah Sistani a des positions « patriotiques ». « On a dit que le blocage serait dû au conflit sur la gestion des relations libano-syriennes. Mais nous avons immédiatement répondu, et d’autres l’ont fait aussi, que ce dossier devrait être évoqué après la formation du gouvernement », note-t-il.

Selon lui, toutes les parties politiques internes sont responsables du retard dans la formation du gouvernement, chacune à sa manière. Il précise que certains évoquent, pour justifier le retard, que la formation de certains gouvernements a pris plusieurs mois. Mais, selon lui, la situation actuelle est différente et le pays ne peut pas supporter un trop grand retard. Cela surtout en raison de la situation économique, souligne-t-il. « Le Liban, dit-il, n’est ni la Turquie ni l’Iran et son économie ne peut pas supporter une trop longue période de vacance du gouvernement. » Il dément toutefois les informations sur un début de sanctions américaines contre certaines banques libanaises.

Il rappelle qu’il a eu un rapide entretien avec le Premier ministre Hariri juste après sa désignation pour former le gouvernement. L’entretien a duré quelques minutes car il s’est contenté de lui dire, rapporte-t-il : « C’est vrai que mon bloc parlementaire a augmenté en nombre et que je préside désormais le troisième bloc parlementaire, mais je peux dire, au nom des deux formations chiites, que nous ne voulons pas augmenter nos exigences. Au contraire, nous voulons faciliter au maximum la formation du gouvernement. Nous espérons que le gouvernement naîtra avant la fin du mois de ramadan. » Berry avait même reporté son congé annuel parce qu’il attendait la formation du gouvernement. En vain. Les mois et les fêtes ont passé et il n’y a toujours pas de gouvernement.


(Lire aussi : Aoun et le CPL : une course vers l’isolement ?)


Selon lui, le temps presse désormais car il y a des échéances inévitables. « La communauté internationale, les accords internationaux et la Banque mondiale, dit-il, ne peuvent pas nous attendre indéfiniment. Et au Nouvel An, nous devrons payer le service de la dette qui est un montant considérable. Tous les signaux positifs qui ont été adressés au Liban dans le cadre de la conférence dite CEDRE et celle de Rome sont en train de se dissiper... »

Pour Berry, le président de la République a le droit d’adresser une lettre au Parlement. Le président de la Chambre devra ensuite prendre les mesures qui s’imposent. Prié de se prononcer sur l’actuelle polémique sur les prérogatives du chef de l’État et du Premier ministre, M. Berry se contente de dire que la Constitution déclare que le Premier ministre doit former le gouvernement « en accord » avec le chef de l’État. Il ajoute que le Parlement est la seule institution habilitée à interpréter la Constitution.

Au sujet de la possibilité d’un amendement de la Constitution, Nabih Berry souligne que celle-ci n’est ni le Coran ni l’Évangile et elle prévoit même un mécanisme d’amendement. Mais, selon lui, il ne faut pas songer à l’utiliser en l’absence d’un gouvernement en fonction. Il déclare ensuite qu’avant de songer à amender la Constitution, il faut se demander ce qui en a été appliqué. « Nous avons certes formé le Conseil économique et social et le Conseil constitutionnel, mais il nous est apparemment interdit de songer à former la commission nationale pour l’abolition du confessionnalisme », affirme-t-il, avant d’ajouter : « J’ai fait trois tentatives, en vain... »


(Lire aussi : La formation du gouvernement, une guerre de prérogatives ou une crise de système ?)


M. Berry estime par ailleurs que le Parlement a le droit, selon l’article 69 de la Constitution, de légiférer, même en l’absence d’un gouvernement en pleine fonction. Il annonce aussi que le Parlement n’attendra pas la formation du gouvernement pour mettre la main sur les dossiers de corruption, ajoutant que cela s’inscrit dans la mission de la Chambre qui est double : législation et surveillance. Il se déclare même optimiste sur l’action du nouveau Parlement qui comprend 79 nouveaux députés, lesquels sont, selon lui, capables et prometteurs.

Il ne peut toutefois que déplorer le retard dans la formation du gouvernement. « Cet été, dit-il, aurait dû être l’un des plus florissants, car la sécurité et l’économie sont comme le printemps et l’hirondelle. Malheureusement, nous avons laissé passer cette chance, car la politique s’en est mêlée. De même, le retard dans la formation du gouvernement pousse Israël à chercher à s’emparer de nos ressources pétrolières, alors que ce secteur pourrait être le seul en mesure de permettre au Liban de rembourser sa dette. »

Comment explique-t-il le fait qu’il soit le seul à tirer la sonnette d’alarme sur la gravité de la situation en l’absence d’un gouvernement en fonction ? « Je ne suis pas le seul, répond Berry. Tout le monde est conscient de la gravité de la situation. Seul un tout petit groupe ne l’est pas. Je ne sais pas ce qu’il attend. Que les gens se soulèvent ? »


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