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Liban - Gouvernement

La cohésion entre Baabda et la Maison du Centre mise à rude épreuve

La guerre larvée autour des prérogatives du président et du Premier ministre désigné s’exacerbe.

Le président du Parlement, Nabih Berry, a reçu hier Pierre Bou Assi, ministre des Affaires sociales et membre du bloc des Forces libanaises. Photo : Parlement libanais

On n’aura pas eu besoin d’attendre la réponse officielle de Baabda, prévue dans les prochaines 24 heures, à la nouvelle formule ministérielle présentée lundi par le Premier ministre désigné, Saad Hariri, au président Michel Aoun, pour savoir que celle-ci ne passera pas.

Décriée par le Courant patriotique libre de Gebran Bassil, qui a vu dans l’initiative haririenne une manœuvre visant strictement à « donner le change », la nouvelle mouture proposée aura quand même eu l’avantage de relancer la dynamique de contacts qui se sont accélérés hier autour de la Maison du Centre et de Aïn el-Tiné, sans que cela ne signifie que ces contacts permettront de générer dans un proche avenir une entente quelconque. C’est que, non seulement les divergences de vues sur la configuration du nouveau cabinet restent entières, mais elles ont vite fait d’alimenter un débat constitutionnel qui cache en réalité un bras de fer à peine voilé entre Baabda et la Maison du Centre, autour des prérogatives du président et du Premier ministre et dont l’effet direct est forcément d’aggraver la crise politique.

Ce qu’on sait donc de la formule proposée par Saad Hariri pour sa nouvelle équipe ministérielle, c’est qu’elle compte dix ministres pour le président et le CPL, six pour le courant du Futur, quatre pour les Forces libanaises, trois pour le PSP, six pour Amal et le Hezbollah et un pour les Marada. Selon cette même formule, deux ministères dits de service et un troisième régalien, celui de la Justice, seraient confiés aux FL, ce qui a eu pour effet d’hérisser le CPL qui a vivement critiqué le Premier ministre désigné. « Nous considérons que la mouture présentée hier (lundi) par M. Hariri vise uniquement à donner le change », a d’emblée déclaré le député Ibrahim Kanaan à l’issue de la réunion hebdomadaire du bloc parlementaire du Liban fort (CPL). « Nous refusons tout monopole dans la représentation des communautés », a-t-il ajouté, soulignant que cette mouture ne respecte pas, selon lui, les résultats des élections législatives. « Nous ne voulons pas rester sans gouvernement mais, en même temps, nous ne sommes pas prêts à être des faux témoins sur le plan constitutionnel et démocratique », a prévenu M. Kanaan.

Le CPL et Baabda considèrent que Saad Hariri a « trop donné » aux FL et lui reprochent une mouture gouvernementale « déséquilibrée » alors que le chef de l’État estime que toute formule devrait reposer sur les quatre principes suivants : la justice, l’équilibre, la non-marginalisation des principales parties politiques ou hégémonie d’une partie sur une autre, apprend-on de sources proches de la présidence, citées par notre correspondante à Baabda, Hoda Chédid.

Or selon ces mêmes sources, dans la formule proposée par M. Hariri, « aucun de ces principes n’est respecté ». Le déséquilibre, estime-t-on, est « flagrant » dans la répartition des portefeuilles dits de service – dont deux seraient confiés aux FL, un au courant du Futur et un autre au bloc du Liban fort – surtout si on tient compte du nombre des députés. Les députés du bloc du Liban fort sont répartis sur 15 circonscriptions alors que ceux des FL représentent 12 seulement. Toujours selon les mêmes sources, il serait injuste de confier seulement un portefeuille régalien au mouvement Amal, sans un autre dit de service. Idem pour les ministères d’État. De mêmes sources, on juge « inadmissible » que Saad Hariri ait attribué des ministères d’État (dont l’importance est jugée mineure) à toutes les composantes de son équipe potentielle, à l’exception des FL, et qu’il ait décidé que les ministres d’État chrétiens devraient être tous proches du CPL et du président. On lui reproche également de ne pas avoir tenu compte de Talal Arslane dans l’attribution des portefeuilles confiés à la communauté druze ou encore des députés sunnites non affiliés au courant du Futur. Bref, rien de nouveau sous le soleil….

Ce qui est nouveau en revanche, c’est l’exacerbation du bras de fer autour des prérogatives du président et du Premier ministre, qui s’est manifestée hier par un échange à fleurets mouchetés entre les proches de Baabda et la Maison du Centre et auquel trois anciens ministres, Tammam Salam, Fouad Siniora et Nagib Mikati, ainsi que le bloc du Liban fort se sont associés.


(Lire aussi : Nouvelle mouture de Hariri : un faux rebondissement ?)


« Point à la ligne »

M. Hariri a beau minimiser devant les journalistes, avec qui il a eu une conversation à bâtons rompus à la Maison du Centre, l’importance de ce débat ou encore des réserves émises au sujet de la mouture qu’il prévoit pour son gouvernement, il est resté pratiquement intraitable sur la question de ses prérogatives ou encore sur les principes qui ont motivé sa proposition. « Mes compétences sont claires dans la Constitution. Point à la ligne », a-t-il asséné, en affirmant qu’il a pris soin d’écrire lui-même la formule soumise au président pour que le débat se limite à eux deux. « Cela relève de nos prérogatives. Je ne comprends pas d’où les autres ont puisé leurs analyses », a-t-il ajouté, en réponse au commentaire d’Ibrahim Kanaan sur sa formule de gouvernement.

Affirmant que les informations fournies par la presse au sujet de la répartition des portefeuilles sont erronés, il s’est dit « absolument convaincu par la configuration » qu’il envisage pour son équipe. « Dans la formule que j’ai présentée au président, chaque partie, moi en tête, consent un sacrifice. Il n’y a ni vainqueur ni vaincu et les résultats des législatives sont pris en compte », a-t-il expliqué. Pour ce qui est du nœud sunnite, Saad Hariri a de nouveau précisé que si les députés sunnites (proches du 8 Mars) qui veulent faire partie de son équipe étaient affiliés à un parti déterminé, ils auraient été tout naturellement représentés au gouvernement, « ce qui n’est pas le cas ». « Ils sont indépendants alors que le débat tourne autour de la représentation de blocs importants à la Chambre », a-t-il dit.

Jugeant le débat autour de la répartition des portefeuilles « inutile », il a ajouté : « Le vrai problème c’est lorsqu’une partie politique se considère plus importante que le pays. » En réponse à une question, il a assuré qu’il n’a « mobilisé personne » et que ses trois prédécesseurs avaient, de leur propre initiative, pris une fois de plus la défense des prérogatives du Premier ministre.

Tammam Salam, Fouad Siniora et Nagib Mikati avaient fait paraître en début de soirée un communiqué conjoint dans lequel ils ont réagi au communiqué de la présidence de la République, la veille, en jugeant « inopportune » la référence faite par le chef de l’État à des critères précis pour la formation du gouvernement « parce qu’elle est fondée sur un concept qui n’existe pas dans les articles de la Constitution en rapport avec la formation des gouvernements au Liban ». Rappelons qu’après avoir reçu M. Hariri qui lui avait présenté sa conception de la nouvelle équipe ministérielle, le chef de l’État avait promis de répondre dans les 48 heures qui suivent en affirmant avoir formulé quelques remarques sur le texte, en se basant sur les critères qu’il avait fixés dans l’intérêt du Liban.

MM. Salam, Siniora et Mikati ont « rappelé les articles 53 et 64 de la Constitution en précisant qu’aucun des deux ne prévoit de “critères prédéfinis” pour la formation du cabinet ».

Plus tôt dans l’après-midi, le bloc parlementaire et le conseil central du courant du Futur, qui avaient tenu une réunion conjointe, avaient repris à leur compte les arguments avancés par M. Hariri, précisant que la formule gouvernementale qu’il préconise repose sur le principe de la cohésion nationale et « pave la voie à l’ouverture d’une nouvelle page entre les composantes de l’autorité exécutive ». Pour ce qui est du débat constitutionnel en cours, le courant du Futur a rappelé que les critères sur lesquels M. Hariri se fonde pour mettre en place son équipe sont définis dans la Constitution. « Tout avis qui s’oppose à cela n’est qu’un point de vue », selon le Futur, dont le comité central a appelé à « la protection du compromis politique » qui a permis l’élection de Michel Aoun à la tête de l’État et mis en garde contre « une crise politique ouverte » si les pressions exercées sur son chef pour lui forcer la main dans le dossier gouvernemental sont maintenues.

Mais de sources proches de Baabda, on a balayé ce raisonnement, en estimant que ceux qui croient que le président peut seulement accepter ou refuser les formules de gouvernement qui lui sont proposées ne connaissent pas la Constitution. Ces sources se sont attelées à citer les articles constitutionnels en rapport avec l’ensemble des prérogatives présidentielles pour arriver à la conclusion que ces articles « font du président un partenaire incontournable dans la formation du gouvernement, ce qui fait que les remarques qu’il formule à ce sujet sont judicieuses et indiscutables, d’autant que le décret de formation du cabinet doit porter sa signature ».

Toujours de mêmes sources, on a expliqué que si M. Aoun a formulé des remarques sur la mouture qui lui a été soumise par M. Hariri, c’est, entre autres, parce que le portefeuille de la Justice que son parti détenait dans le gouvernement sortant lui a été arraché au profit des FL « sans raison logique » et qu’il souhaitait en débattre avec le Premier ministre désigné, d’autant que ce dernier avait pris soin de préciser que cette mouture n’était pas définitive.

Abou Saab à Aïn el-Tiné et Riachi chez Hariri

Loin de la guerre larvée entre Baabda et la Maison du Centre, les contacts politiques ont repris de plus belle. Dépêché par le chef des FL, Samir Geagea, le ministre sortant de l’Information, Melhem Riachi, a été reçu dans la matinée par M. Hariri à la Maison du Centre où le chef du bloc parlementaire du Rassemblement démocratique, Taymour Joumblatt, s’est rendu en soirée. Au menu de la conversation, la représentation druze. À l’issue de leur entretien, auquel ont également participé l’ancien ministre Waël Bou Faour et le ministre sortant de la Culture, Ghattas Khoury, M. Joumblatt a affirmé que sa formation politique « campe sur ses revendications concernant la part des druzes au sein du gouvernement ».

Idem pour les FL qui menacent de hausser de nouveau le seuil de leurs revendications et de réclamer donc cinq ministères si le CPL continue, selon eux, de bloquer la formation du gouvernement. Outre M. Riachi qui s’est entretenu avec le Premier ministre désigné, le ministre sortant des Affaires sociales, Pierre Bou Assi, a été reçu en début d’après-midi, pour un entretien avec le président de la Chambre, Nabih Berry. Il s’agit de la deuxième visite d’un responsable FL à Aïn el-Tiné en une semaine. M. Riachi y avait été accueilli, il y a quelques jours.

À la presse, M. Bou Assi n’a pas voulu donner des précisions sur la teneur de son entretien avec M. Berry au sujet du dossier gouvernemental, se contenant de faire état d’une convergence de vues sur le point selon lequel « personne ne peut être fort dans une république faible ».



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On n’aura pas eu besoin d’attendre la réponse officielle de Baabda, prévue dans les prochaines 24 heures, à la nouvelle formule ministérielle présentée lundi par le Premier ministre désigné, Saad Hariri, au président Michel Aoun, pour savoir que celle-ci ne passera pas.Décriée par le Courant patriotique libre de Gebran Bassil, qui a vu dans l’initiative haririenne une manœuvre...

commentaires (9)

Cesser de perdre votre temps. Je le dis et je le repete, Hassan Narsallah a dans sa poche un ministere complet qu'il faudra faire passer malgre toutes vos elucubrations. Il est un fait indeniable que le Liban est sous la coupe du Hezb et c'est malheureusement sans appel!

IMB a SPO

17 h 19, le 05 septembre 2018

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Commentaires (9)

  • Cesser de perdre votre temps. Je le dis et je le repete, Hassan Narsallah a dans sa poche un ministere complet qu'il faudra faire passer malgre toutes vos elucubrations. Il est un fait indeniable que le Liban est sous la coupe du Hezb et c'est malheureusement sans appel!

    IMB a SPO

    17 h 19, le 05 septembre 2018

  • DANS AUCUN PAYS DU MONDE LE PEUPLE NE S,EMEUT PAS COMME NOUS... MAIS AUSSI NE SE MEUT PAS COMME NOUS ! COMPRENNE QUI A DES YEUX ET DES OREILLES POUR VOIR ET POUR ENTENDRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 31, le 05 septembre 2018

  • MALHEUREUSEMENT LE PAYS EST LA VICTIME D,UN TAS D,IRRESPONSABLES ET D,IGNORANTS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 14, le 05 septembre 2018

  • Ni vainqueur ni vaincu??? La belle blague!! Quelque soit le résultat de ce concoctage d'un soi-disant gouvernement il y aura un vainqueur et un vaincu: le vainqueur est cette mafia de politiciens de tout bord et le vaincu c'est le Liban et chacun de ses citoyens ployant sous le poids de ses peines journalières et sous le poids de cette mascarade cruelle qui nous jette tous sous les pattes de l'Iran, l'Arabie, la Syrie, Israël et tout autre pays qui a envie de nous avoir... Yallah, choukran à notre classe, pas très Classe que ça, politique.

    Wlek Sanferlou

    13 h 37, le 05 septembre 2018

  • Situation lamentable et de plus en plus suicidaire!

    Beauchard Jacques

    11 h 08, le 05 septembre 2018

  • Ibrahim Kanaan : Nous refusons tout monopole (sic). En ma qualité de citoyen comme tout le monde; j'aurais souhaité un gouvernement avec 9 ministres pour le quota du Président + CPL, 4 pour les FL, 1 Marada et 1 Kataeb. Chez nos compatriotes musulmans : 6 Futur, 2 PSP, 1 Arslan et 6 Amal-Hezbollah. Cela s'appelle ni vainqueur ni vaincu. Tout autre répartition, serait une hégémonie. Quant à l'hérésie de quota, elle est à bannir de tout autre gouvernement à l'avenir, elle n'existe nulle part ailleurs dans le monde civilisé. Je souhaiterais que Saad Hariri modifie sa mouture, il est le seul à en décider envers et contre tous.

    Un Libanais

    09 h 58, le 05 septembre 2018

  • se peut il vraiment que cette crasse politique soit aussi malveillante ? se peut il qu'elle se foute pour de vrai et royalement du present & de l'avenir du Liban ? se peut il que ses composantes soient aussi veules ? vraiment difficile de le croire. MAIS ALORS ?

    Gaby SIOUFI

    09 h 29, le 05 septembre 2018

  • C,EST PLUTOT D,INCOHESION QU,IL FAUT PARLER PROVOQUEE PAR LES REVENDICATIONS GENDRISSIMO-BEAUPERIENNES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 25, le 05 septembre 2018

  • Et vos déclarations, Monsieur Ibrahim Kanaan, qui parlez au nom du "bloc du Liban fort" que visent-elles ? A couvrir vos manigances pour empêcher la formation d'un gouvernement qui ne soit pas 100% à votre goût et de ceux qui vous appuyent dans les coulisses ? Pouvez-vous nous citer vos réalisations "fortes" pour le "Liban" ? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 59, le 05 septembre 2018

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