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Liban - Liban-Syrie

L’entretien Aoun-Assad, une fausse « normalisation » ?

Le courant du Futur serait favorable à des contacts « au cas par cas » avec Damas.

Bachar el-Assad accueillant Michel Aoun lors d’un déplacement en 2008 en Syrie. Photo archives

S’agit-il d’un début de normalisation officielle des rapports de l’État libanais avec Damas, et donc de la fin du compromis présidentiel par lequel Saad Hariri, hostile à cette normalisation, avait accepté en 2016 d’adouber la candidature de Michel Aoun à la première magistrature ? Cette question s’est posée de manière lancinante après les informations rapportées mardi par des médias proches du 8 Mars selon lesquelles le président de la République aurait appelé au téléphone son homologue syrien, Bachar el-Assad. Les commentaires et réactions suscités par ce développement donnent à penser qu’il n’en est rien et qu’on serait actuellement uniquement soucieux, du côté libanais, de s’adapter aux nouvelles réalités en Syrie sans pour autant aller vers une normalisation formelle. 

 Selon certaines sources, la discussion aurait porté sur la question épineuse du retour des réfugiés syriens. Toujours selon les médias proches du 8 Mars, le commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, aurait également eu un entretien téléphonique avec le ministre syrien de la Défense, Ali Abdallah Ayoub, pour le féliciter à l’occasion de la fête de l’Armée, qui tombe aussi le 1er août. Baabda et Yarzé se sont abstenus de confirmer ou d’infirmer à L’Orient-Le Jour ces informations, ce qui, en soi, tend à démontrer qu’on y est quelque peu réticent à formaliser ces contacts. Toujours est-il que par son timing, l’entretien Aoun-Assad, s’il est confirmé, revêt une importance certaine, dans la mesure où il intervient une semaine après la querelle indirecte qui a opposé, sur la question de la normalisation des rapports libano-syriens, le Premier ministre désigné et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Dans une conversation à bâtons rompus avec les journalistes avant la réunion hebdomadaire de son bloc parlementaire, M. Hariri avait déclaré le 14 août qu’ « il n’y aura aucun débat sur la question (de la normalisation) ». « Si certains souhaitent le retour des relations normales via l’ouverture du poste-frontière de Nassib, c’est sûr qu’on ne formera pas le gouvernement », avait-il ajouté. Quelques heures plus tard, Hassan Nasrallah a répondu dans un discours, appelant le Premier ministre désigné à ne pas se montrer catégorique dans ses positions concernant la normalisation avec Damas, l’invitant à « ne pas trop s’avancer par une position sur laquelle il risque de revenir si l’intérêt le commande un jour ». En choisissant de parler directement à son homologue syrien, au lieu de se contenter, comme c’était quelques rares fois le cas jusqu’ici, de lui adresser un message écrit, le président Aoun aurait-il pris la décision de se ranger dans le camp des demandeurs de normalisation ? 


(Lire aussi : Normalisation avec Damas : Arslane favorable, le courant du Futur dit « niet »)

 

« Au cas par cas »
Dans les milieux haririens, on semble soucieux de mettre les points sur « i » sur ce plan. À L’OLJ, une source du courant du Futur explique que lorsque M. Hariri a conclu l’accord de 2016 avec Michel Aoun, il connaissait ses positionnements et ses alliances politiques. Tout en assurant qu’il n’est pas question pour le Premier ministre de coordonner directement avec le régime Assad, cette source admet toutefois qu’une certaine « normalisation au cas par cas » reste possible, comme c’est le cas pour la question du retour des réfugiés syriens. Les haririens reconnaissent d’ailleurs que le directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, est chargé de coordonner le retour des réfugiés avec les autorités syriennes.

Dans une optique strictement locale, un proche de Saad Hariri assure à L’OLJ que tout comme le chef du gouvernement désigné, le président Aoun est soucieux de préserver la stabilité du pays, d’où le maintien du compromis politique de 2016. Mais il estime que l’appel téléphonique s’inscrit dans le cadre de pressions exercées sur le Premier ministre en vue d’accélérer la formation du cabinet. « Mais ils savent qu’ils ne pourront pas mettre sur pied le gouvernement sans lui », précise le proche de M. Hariri. 

Les aounistes eux-mêmes assurent que le contact direct Aoun-Assad ne menace en rien l’entente de 2016. Un député CPL se contente de placer cette conversation dans le cadre de la coordination entre Beyrouth et Damas sur le retour des réfugiés. « Le Liban ne peut plus supporter ce lourd fardeau en attendant une solution politique à la crise syrienne », dit ce député, écartant toute fin de l’entente conclue entre son parti et celui de Saad Hariri. 

Un point de vue que les joumblattistes ne partagent pas. Dans les milieux du Parti socialiste progressiste, on souligne à L’OLJ que les opérations ponctuelles effectuées sporadiquement par la SG ne peuvent être assimilées à un retour des réfugiés. D’autant que le régime syrien ne rapatrie que ceux qu’il accepte. L’appel Aoun-Assad a donc des portées politiques locales, ajoute-t-on de même source, avant de souligner que l’un des camps politiques en présence (le 8 Mars) tente de profiter des gains que l’axe auquel il appartient enregistre actuellement sur le plan régional pour fixer les grandes lignes de la prochaine phase. 


(Lire aussi :  Pour un nouveau consensus fondé sur la politique de distanciation


« Respect » de la distanciation
Toujours dans les milieux souverainistes, les Forces libanaises ont fait part, dans un communiqué publié à l’issue d’une réunion de leur bloc dit La République forte, de leur étonnement quant « à l’insistance pour normaliser avec le régime syrien et provoquer des tensions au moyen de dossiers conflictuels qui étaient suspendus conformément à des accords politiques, pour préserver la stabilité et les institutions politiques ». « D’autant que la guerre en Syrie n’a pas encore pris fin et que le compromis est encore loin d’être conclu », ajoute le texte, appelant au respect de la politique de distanciation du Liban par rapport aux conflits des axes. L’ancien député Farès Souhaid, président du Rassemblement de Saydet el-Jabal, a estimé, via son compte Twitter, que l’entretien est « une humiliation pour les Libanais ». « Que les services de sécurité prennent contact avec Assad est légitime, mais que le président de la République le fasse donne une légitimité (au président syrien). » Il a appelé « tous ceux qui refusent ce contact à ne pas s’asseoir à la même table que ceux qui le justifient, sauf s’ils peuvent arracher à (Michel) Aoun la promesse de ne pas réitérer cet appel ». 

En ce qui concerne le Hezbollah, il n’a pas réagi à l’entretien entre les deux présidents, exception faite de Jamil Sayyed, député de Baalbeck-Hermel. Dans un tweet, M. Sayyed a estimé que l’appel entre les présidents syrien et libanais « est dans l’intérêt du Liban ». « Lu dans le quotidien al-Akhbar : “Le président Aoun appelle le président Assad et le commandant de l’armée libanaise (Joseph Aoun) appelle le chef d’état-major syrien (Ali Ayoub).” Cette information va déranger certains de ceux qui mangent au râtelier syrien depuis des années, et notamment (le Premier ministre désigné) Saad Hariri », a-t-il écrit. Et d’ajouter : « Le président Aoun et le commandant en chef de l’armée n’ont pas mangé un seul jour à ce râtelier et leurs appels ont été passés dans l’intérêt du Liban. » 

Parallèlement à ces prises de position liées à la politique politicienne, un analyste interrogé par L’OLJ estime que l’entretien pourrait s’inscrire dans le cadre des efforts déployés pour la mise en application du plan russe pour le retour des réfugiés syriens, approuvé lors du sommet d’Helsinki entre le président américain, Donald Trump, et son homologue russe, Vladimir Poutine, le 16 juillet dernier. Pour cet analyste, M. Aoun chercherait ainsi à limiter le champ des contacts directs avec le régime d’Assad. 

Enfin, « dans une optique strictement locale, il est évident que Michel Aoun et Saad Hariri sont attachés à leur entente de 2016. À travers cet entretien (avec Assad), le chef de l’État ne viserait pas à mettre M. Hariri au pied du mur. Bien au contraire, il tenterait de lui faciliter sa mission de former son équipe » en prenant sur lui de contacter Damas sur la question des réfugiés, épargnant à M. Hariri d’avoir à subir le forcing exercé par certaines parties pour une éventuelle approbation syrienne du futur cabinet. 




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commentaires (6)

À quoi ça sert de se cacher derrière son doigt quand on est incapable d'arrêter les vagues de la victoire de déferler, avec ses bras ?

FRIK-A-FRAK

10 h 40, le 24 août 2018

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Commentaires (6)

  • À quoi ça sert de se cacher derrière son doigt quand on est incapable d'arrêter les vagues de la victoire de déferler, avec ses bras ?

    FRIK-A-FRAK

    10 h 40, le 24 août 2018

  • LES GENS DU CPL PASSENT DES ACCORDS ET DONNENT DES GARANTIES SUR LESQUELLES ILS REVIENNENT COMME SI DE RIEN N,ETAIT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 02, le 24 août 2018

  • pt't c'etait seulement pour que m aoun s'enquiert de la sante de l'epouse ?

    Gaby SIOUFI

    09 h 20, le 24 août 2018

  • Fausse Nation, mais vrai cirque mené par de fausses personnes placées au mauvais endroit ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 17, le 24 août 2018

  • LA NOUVELLE REALITE EN SYRIE EST ENCORE LOIN DE S,ETRE STABILISEE ET DE DEVENIR UN FAIT. UN SECOND ROUND DU MATCH SYRIEN POINTE A L,HORIZON !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 06, le 24 août 2018

  • Espérons seulement que notre président a profité de ce coup de téléphone pour demander des nouvelles de ses soldats détenus dans les prisons de Bachar.

    Yves Prevost

    06 h 43, le 24 août 2018

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