Face à la chute libre de sa monnaie à l'approche de la réimposition de sanctions américaines, l'Iran a lancé une campagne contre la corruption et procédé à une soixantaine d'arrestations pour tenter de stopper la spéculation.
Le rial a encore dévissé mardi face au dollar, perdant 18% de sa valeur en deux jours. Il fallait ainsi 119.000 rials pour obtenir un dollar américain sur le marché parallèle, contre 100.000 dimanche. Depuis le début de l'année, le rial a perdu près des deux tiers de sa valeur: le 1er janvier, il suffisait de 42.900 rials pour obtenir un dollar.
Beaucoup accusent le retour prévu le 6 août des sanctions américaines, décidé par l'administration de Donald Trump après son retrait d'un accord historique sur le nucléaire iranien. La Banque centrale a estimé lundi que la volatilité de la devise nationale était due à "la conspiration des ennemis", un argument habituel dans le discours officiel mais qui, dans le contexte actuel, s'approche de la réalité.
En effet, les Etats-Unis et ses alliés arabes du Golfe sont engagés dans "une campagne de pression maximale" contre le gouvernement iranien. Les Emirats arabes unis œuvreraient même à freiner l'offre de dollars en Iran, poussant les prix vers le haut, selon une rumeur circulant chez de nombreux Iraniens.
L'impact des pressions externes se fait ressentir en raison de la corruption et de la mauvaise gestion de l'économie, estiment des analystes. Les autorités semblent prendre conscience de la crise. Ce week-end, l'autorité judiciaire a annoncé 60 arrestations pour fraude et tentative d'atteinte au système bancaire. Plusieurs personnes arrêtées entretenaient des liens directs avec le gouvernement, qui leur ont permis par exemple d'importer illégalement des voitures de luxe, a indiqué le porte-parole de l'autorité judiciaire, Gholam Hossein Mohseni-Ejeie. Ils risquent la peine de mort pour "corruption sur Terre", chef d'accusation le plus grave en Iran.
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Les arrestations font suite à une vague de colère qui ne cesse de monter contre les spéculateurs. Ces derniers utilisent leurs contacts au sein de la classe dirigeante pour obtenir des dollars à un taux artificiellement bas afin d'importer des produits à bas prix ou simplement les revendre sur le marché noir avec un bénéfice énorme.
En juin, le jeune ministre des Télécommunications, Mohammad Javad Azari Jahromi, a exposé au grand jour un groupe d'importateurs de téléphones mobiles ayant profité du système. Ils avaient obtenu 250 millions de dollars à un taux bas pour importer des téléphones, a-t-il affirmé, "mais moins du tiers de l'argent a été utilisé à cet effet".
L'initiative du ministre de 36 ans s'est avérée très populaire parmi les Iraniens, qui l'ont largement soutenu sur les réseaux sociaux. Mais elle a n'a pas fait l'unanimité au sein du gouvernement, le ministre de l'Industrie estimant qu'une démarche similaire de son ministère serait "une déclaration de guerre au secteur privé". Elle montre toutefois une nouvelle volonté de "transparence et de responsabilisation" de la part des responsables, souligne Esfandyar Batmanghelidj, fondateur du réseau d'affaires Europe-Iran Forum. "C'est cela que cherche l'opinion publique."
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Les autorités doivent aussi s'attaquer à des décisions du gouvernement qui ont facilité la tâche aux spéculateurs - comme l'établissement en avril d'un taux officiel fixe de 42.000 rials pour un dollar - tout en menaçant d'agir contre les cambistes officiant sur le marché noir. Les banques refusant de vendre leurs dollars à ce taux artificiellement bas, les autorités ont dû assouplir leur position en juin, laissant davantage de flexibilité à certains importateurs.
Dans ce contexte de crise monétaire aiguë, le président iranien Hassan Rohani a remplacé la semaine dernière le gouverneur de la Banque centrale, Valiollah Seif, par Abdolnasser Hemati. La Banque a promis lundi de nouvelles mesures "dans les jours qui viennent" pour contrer la chute du rial.
"Nous nous trouvons devant une crise profonde qui accapare toute l'attention. Personne ne parle d'une réforme du système bancaire, des investissements ou de la création d'emplois", souligne le journaliste économique Maziar Motamedi, du quotidien local Financial Tribune.
Le gouvernement tente d'apaiser en répétant que la situation est maîtrisée, mais il s'est contenté de promesses vagues comme l'allocation de fonds pour la création d'emplois. Il ne parvient pas à convaincre: "Tout le monde sait que les problèmes structurels sont là", souligne Maziar Motamedi. "Le gouvernement fait face aux crises quand elles arrivent plutôt que de les prévenir."