On le désigne partout, sur les réseaux sociaux, comme un nouveau « style de vie ». Ce n’est pourtant qu’un restaurant (de plus) qui a ouvert ses portes à Saïfi. Brassica ne sert pas une cuisine gastronomique, bien que la nourriture soit supérieure à la moyenne et que la présentation des assiettes soit, du moins pour certains plats, très soignée. Inauguré il y a moins d’un an, l’endroit manque de design, on retrouve comme une sensation de vide, d’autant qu’il n’y a pas de couleur, pas de vie, et que le plafond est fade. Il n’y a aucune véritable décoration pour animer les lieux et leur donner une âme. Le client ne se sent pas dans un restaurant et le bar est caché dans le coin, tout au fond. Ce qui ne rend pas honneur au barman qui sert certains des meilleurs cocktails de la ville.
Une fois arrivé, vous aurez de la chance si vous trouvez un voiturier qui vous aidera à garer votre voiture. L’hôtesse, elle aussi, ne sera pas plus efficace en vous aidant à trouver votre table. Elle vous reçoit avec une attitude légèrement nonchalante, presque absente. Le propriétaire est là également. Omniprésent, mais en apparence, car trop occupé à boire et jouer aux cartes avec ses amis installés à la table du coin pour pouvoir surveiller son équipe, savoir ce qui se passe et s’assurer que le personnel fait son travail minutieusement. Le serveur arrive et prend votre commande. Malheureusement, lui aussi n’est pas très zélé, car sa connaissance du menu semble limitée. C’est à ce moment-là que vous commencez, en plus, à avoir mal au dos, car les chaises sont très inconfortables. Si la chance joue encore en votre faveur, vous pourrez les changer avec les rares fauteuils disponibles, s’il en reste.
Qualité inégale
Les entrées et les salades nous ont été servies assez rapidement. Le plat de calamars à la plancha était parfaitement cuit. Quelques gouttes de citron, et nous voilà prêts à le savourer. Le poulet samosa n’était pas fameux : les samosas étaient trop frits, accompagnés d’un yogourt au citron qui ne leur a pas fait justice. Le sushi croustillant au saumon était étonnamment bon. Recommandé par des amis, il n’a pas déçu. Le tartare de saumon, par contre, était un désastre : trop mouillé, et le saumon était blanchi par la vinaigrette au citron qui a sûrement été versée bien avant que le plat, recouvert de fines lamelles de radis, ne soit servi… On s’est longtemps demandé qui a bien pu concocter ce mélange... En ce qui concerne le steak tartare, nous avions exigé qu’il soit bien relevé, mais n’avons eu droit qu’à une simple sauce piquante supplémentaire! Le plat ressemblait plus à de la lahmé nayyé qu’à autre chose, plusieurs ingrédients essentiels manquaient au mélange. Dieu merci pour les salades qui ont sauvé le dîner : celle aux lentilles et au crabe frais était un délice, avec une très bonne vinaigrette à l’orange. La présentation était elle aussi très réussie. On se demande alors comment ce même chef peut exceller dans certaines préparations et échouer lamentablement dans d’autres.
Une fois les amuse-gueules consommés et notre table débarrassée, nous avons dû attendre 45 minutes pour que notre commande de plats principaux arrive. Le service est très lent, ce qui est inacceptable. Le cheeseburger à la Brassica devrait être accompagné de mini-petits pains. La galette de viande est si petite qu’elle est invisible entre les petits pains grillés. Comment peut-on rater un hamburger qui, en plus, porte le nom du restaurant ?
Le reste des plats était excellent : le risotto aux champignons sauvages savoureux et exquis, avec une émulsion de persil juste parfaite, avait beaucoup de gueule ; le gnocchi style parisien était cuisiné à la perfection, avec un bon équilibre entre le fromage et la crème, et le filet de bœuf à la plancha était grillé à la température demandée. La viande et sa sauce moutarde miso étaient succulentes, et le Strip Loin à la plancha, une réussite aussi. Que du bon, mais cependant une seule réserve : le morceau de viande aurait pu être épais, 4 à 5 cm d’épaisseur, ce qui aurait permis au chef de mieux réussir la cuisson, surtout s’il a assez d’expérience pour savoir comment le faire en utilisant la méthode de reverse searing. L’accompagnement de purée de pommes de terre était assez savoureux. Mais la médaille d’or du dîner revient sans aucun doute au canard laqué, servi avec des crêpes chinoises, des bâtonnets de concombre, une ciboule et une sauce hoisin. Un plaisir qu’on aimerait renouveler.
Enfin, arrivé le temps des desserts, nos espoirs, après d’excellents plats principaux, en ont vite pris un coup : un pain perdu servi avec… des pop-corn – mais qui donc a eu cette idée saugrenue ? – ; des churros trop moelleux et fades. Un peu plus de cannelle et de sucre aurait été bienvenu.
Dans l’ensemble, les assiettes et les couverts sont élégants, mais la décoration ne suit pas. Le chef peut exécuter la plupart de ses plats parfaitement, mais l’équipe de service de table ne suit pas non plus. En outre, permettre de fumer dans les locaux – même les cigares sont autorisés à l’intérieur – est juste inacceptable, surtout que le restaurant possède une petite terrasse où les fumeurs peuvent s’en donner à cœur joie en respectant les autres clients. De plus, la musique est trop bruyante. Nous avons apprécié le chef français qui, après son service, passe à chaque table pour vérifier si les clients sont satisfaits. Enfin, la direction pourrait rajouter certaines choses à son expertise. Elle a peut-être ciblé une moyenne de 35 $ par tête, sans compter les boissons, mais c’est mal calculé car en réalité, un billet moyen au Brassica est plus proche des 70 $, boissons comprises. Et encore, ils viennent d’augmenter les prix affichés !
DATA
Son : niveau max = 88,3 dB, LAeq = 70,1 dB
Qualité de l’air : 70/100 (moyen), COV 0.49 ppm, humidité 64 %, température +22 °C
NOTES
Son : 3/5
Décoration : 2/5
Personnel : 2/5
Plats : 3/5
Propreté : 4/5
Avis : bon
Prix : élevé
EN BREF...
On aime bien : salade de lentilles et de crabe frais, risotto aux champignons sauvages, filet de bœuf, canard laqué, les cocktails du bar
On aime moins : poulet samosa, tartare de saumon, steak tartare, cheeseburger à la Brassica et le service trop lent
Le conseil : choisissez une table près de la fenêtre afin que vous ne soyez pas asphyxiés par l’odeur des cigares et des cigarettes.
BRASSICA, Saïfi, rue Charles Debbas.
*Critique gastronomique
Il agit dans l’ombre, même si sa signature énigmatique lui donne des airs de gentlemen franco-anglais. Cordon Courtine sévit dans les restaurants de la capitale undercover pour y goûter le meilleur, et parfois le pire. Il revient, un samedi sur deux, pour vous donner ses impressions, toujours très objectives, sur tout ce qui fait la (bonne) réputation d’un restaurant, des saveurs aux odeurs, en passant par la décoration et la propreté des lieux. Bon appétit.
FB : www.facebook.com/CordonCourtine/
Insta : cordon.courtine
E-mail : cordoncourtine@gmail.com
Dans la même rubrique
The Glass House by BBQ Bros, sympa, mais pas suffisant...
Al-Soussi, 100 % cholestérol, mais c’est tellement bon !
Bistr’eau, du poisson frais les pieds (presque) dans l’eau
Meats & Bread, la nouvelle tendance du BBQ
Kelly(‘s Fish Lounge), un prénom à retenir
commentaires (5)
Pour y avoir mangé plusieurs fois, je peux dire que c’est une excellente table, les photos ne sont absolument pas flatteuses et c’est bien dommage de les publier parceque ça donne une image très négative à ce restaurant, pour avoir vécu 25 ans à Paris, j’ai trouvé le steak tartare vraiment très bon et les gnocchis originales!Il ne faut pas oublier qu’il y a des gens derrière tout ça et que casser du sucre sans être réellement objectif est navrant mais malheureusement c’est une grande spécialité libanaise de le faire! Je recommande cette table même si tout n’est pas parfait ! La prochaine fois il serait bon de dire directement au chef les critiques afin qu’il puisse s’il le faut réajuster ses recettes!
Dolly wazni
23 h 35, le 26 juillet 2018