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Liban - Événement

De Venise à Qannoubine, 800 ans après, sainte Marina rentre d’exil

« La visite au Liban des reliques de la sainte est un message fort de paix aux chrétiens d’Orient », affirme à « L’Orient-Le Jour » Philippe Ziadé, qui assure leur transport.

Les reliques de Sainte Marina, l'une des saintes les plus vénérées au Liban, sont arrivées mardi à l'aéroport international de Beyrouth. Photo Hassan Assal

Les reliques de Sainte Marina, l'une des saintes les plus vénérées au Liban, sont arrivées mardi à l'aéroport international de Beyrouth. Les reliques de la sainte vont être transportées à Dimane, où une messe spéciale sera célébrée à cette occasion par le patriarche Béchara Raï, et demeureront à Qannoubine jusqu’au 23 juillet.

« Une nouvelle bénédiction a été offerte au Liban, à son peuple et à sa terre avec le retour de Sainte Marina sur ses terres », a déclaré le ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, présent à l'AIB.  « Aujourd'hui, le Liban recouvre la grâce. Cette sainte a déployé la sainteté dans le monde et revient sur la terre des saints », a-t-il ajouté.  « Cette terre nous dit que nous méritons d'y rester et que nous devons préserver notre patrie, notre terre et notre croyance en notre patrie pour redonner au Liban son visage d'antan ».

Plus d’une trentaine d’auteurs se sont penchés sur le cas de sainte Marina. De multiples versions s’accordent sur sa vie – et sa légende – mais la placent chacune dans un lieu différent. Bien des régions ont revendiqué la sainte, à savoir Antioche, Assiout en Égypte, la Géorgie, l’Éthiopie et jusqu’à l’Europe orientale, rapporte Victor Sauma dans son ouvrage incontournable Sur les pas des saints au Liban. Aujourd’hui pourtant, assure-t-il, les historiens s’accordent sur le fait qu’elle a bien vécu au Liban vers le VIIIe siècle, dans la Vallée sainte, la Qadicha. En effet, revendiquée par l’Église maronite, il est logique de situer sa vie après la naissance de cette Église à cette époque, après la conquête islamique. Elle serait morte vers l’an 750, précise Victor Sauma. L’histoire de cette jeune femme, qui s’était fait passer pour un homme afin d’intégrer avec son père le monastère de Qannoubine, a fasciné les chrétiens à travers les générations.

Son corps, embaumé, certains disent « incorrompu », repose dans un cercueil de verre à Venise, en l’église Santa Maria Formosa, depuis déjà le XIIIe siècle, au cours duquel elle a été transportée par les croisés depuis le Liban. Par une heureuse coïncidence, le corps de sainte Marina, acheminé par les croisés un 17 juillet à Venise, date à laquelle elle est fêtée chaque année, rentre provisoirement aujourd’hui au Liban pour y être vénéré, un 17 juillet également donc. À l’origine de cette visite, Tony Farjallah, le réalisateur du film Morine qui relate son histoire, et Philippe Ziadé, jeune businessman et figure de l’industrie de l’immobilier aux États-Unis.

« L’idée de ramener momentanément au Liban le corps de sainte Marina est d’abord celle de Tony Farjallah, expliquait Philippe Ziadé à L’Orient-Le Jour avant l'arrivée des reliques. Il ne savait pourtant pas comment s’y prendre et manquait de moyens. Un ambassadeur libanais, qui a su que je pourrais être intéressé par le projet, m’a alors mis en contact avec Bkerké et le projet a pris corps. Il fallait trouver un avion qui assure le trajet et qui puisse avoir une grande porte pour faire passer le cercueil en verre, assez délicat. » « Ce genre de mission est assez difficile à organiser et les prêtres italiens étaient d’abord réticents, ajoutait Philippe Ziadé. Ils ont essayé de trouver des excuses et ont réussi à différer la visite d’une semaine. Ils ont finalement cédé à notre insistance. Sainte Marina sera ainsi à Qannoubine près de son tombeau initial, proche du monastère de Qannoubine, jusqu’au 23 juillet, et les Libanais pourront s’y rendre pour prier et vénérer ses reliques. »


(Lire aussi : Le Vatican remet le Liban sur la liste des pays de pèlerinage)


«  Le Liban est grandi par ses émigrés »
Si le corps de sainte Marina est aujourd’hui présumé intact, malgré le temps, il y manque le bras gauche, enchâssé à Qannoubine dans la « grotte de sainte Marina », au voisinage immédiat du siège historique du patriarcat maronite.

Selon le récit de Sauma, quelques années après sont entrée au monastère sous le nom masculin de Marinos, le supérieur envoya sainte Marina recueillir des aumônes au village de Tourza. Pour ce faire, elle dut passer la nuit dans un caravansérail. Or l’hôtelier avait une fille qui s’était laissé séduire par un soldat, et se trouvait enceinte. Lorsque le père s’en rendit compte, sa fille lui fit croire que l’enfant était celui du moine Marinos ( en réalité sainte Marina), qui l’avait violée au cours de la nuit qu’il avait passé au caravansérail. Dénoncée au supérieur, sainte Marina fut chassée du couvent et obligée de garder l’enfant. Elle se tut, accepta la punition pour l’amour de Dieu, et se retira dans une grotte toute proche. Mue par l’amour maternel, elle allaita l’enfant à son propre sein. A sa mort, l’enfant avait atteint l’âge de sept ans. Ce jour-là, les cloches sonnèrent d’elles-mêmes. Intrigué, le supérieur trouva l’enfant en train de pleurer et Marina , qu’il croyait toujours être un homme, morte. Durant la toilette funéraire, on découvrit la vérité. Le supérieur, les moines, les gens du voisinage aussi bien que la fille-mère, repentie, accourent de touts parts et pleurèrent longuement  sur la dépouille. Son corps fut enterré devant la grotte.

L’histoire de sainte Marina a été attestée par le pape Benoît XV (1914-1922), qui a insisté sur l’inspiration divine de la sainte, assure Victor Sauma dans son ouvrage. « Sainte Marina est l’exemple même du sacrifice et de l’oubli de soi, et sa visite au Liban apporte un message fort de paix aux chrétiens d’Orient », estimait M. Ziadé, qui devait arriver aujourd’hui au Liban accompagné de ses deux enfants, ainsi que d’un prêtre libanais et de deux prélats italiens. « Je veux que mes enfants vivent cette expérience que je n’arrive pas encore à comprendre tout à fait, disait-il encore. Je vais voler avec un saint à 40 000 pieds au-dessus de la terre... Cela n’arrive pas tous les jours. J’en suis tout intimidé et ne sais pas comment il faudra que je me conduise près d’elle dans l’avion, ou quand je vais aller à sa rencontre. C’est surréel. » Pour Philippe Ziadé, cette rencontre est en tout cas une « affaire très personnelle ». « Cette sainte est une Libanaise émigrée, tout comme moi. Et elle rentre chez elle. Le Liban est déjà grandi par ses émigrés, combien davantage quand ils sont saints ? Et quand je pense que c’est moi qui vais la rendre à sa terre d’origine, moi qui suis arrivé aux États-Unis sans le sou, je ne peux pas dire que cette rencontre est le fruit du hasard. Je crois sincèrement que si j’ai réussi dans ma vie, c’est pour en arriver à ce jour. »


(Pour mémoire : Quand Morine devient Morino, puis sainte Marina)


Vivre la foi dans le succès
Si la visite de sainte Marina est historique d’un point de vue religieux pour le pays du Cèdre, il est difficile de ne pas s’arrêter sur une initiative de la sorte menée par un millionnaire libanais qui vit entre le Japon et les États-Unis. À cette question, Philippe Ziadé ne peut s’empêcher de répondre avec fougue : « On pense que l’on ne peut associer succès en affaires et foi religieuse. C’est faux. L’un n’empêche pas l’autre. Pour réussir, il faut avoir deux qualités : l’humilité, celle de savoir qu’on ne sait rien, et le leadership-serviteur, pour être au service de sa mission. Et Jésus a donné le plus grand des exemples sur ces deux plans. » Et Philippe Ziadé d’ajouter : « Qu’est-ce que le succès finalement ? Est-ce seulement avoir de l’argent ? Le succès ne peut être confirmé que quand on voit où il a mené une personne. Certaines réussites prennent les hommes vers l’égoïsme et sont en fait un échec, et d’autres les prennent vers la serviabilité, celle d’essayer de faire la différence dans le monde et d’inspirer les autres. C’est en ayant ces valeurs non mesurables – que l’argent ne peut acheter – que l’on réussit : la charité, l’éthique, la loyauté, l’humilité devant la grandeur de Dieu. Si l’homme perd son humanité, que reste-t-il de lui ? »

L’exploit le plus difficile
Aujourd’hui, Philippe Ziadé met l’accent sur ce sujet dans nombre de ses interventions à travers le monde, et estime qu’il se doit d’avoir un impact sur les jeunes de tous bords qui s’éloignent du spirituel, dans un monde qui se dirige à grands pas vers la réalité augmentée et la réalité virtuelle. « Sainte Marina, tout comme Charbel, Rafka et les autres saints, a réussi dans sa vie à n’être personne, conclut-il. Si c’est probablement l’exploit le plus difficile pour la nature humaine, il permet néanmoins d’accéder à la consécration la plus céleste, à la pérennité. Et sainte Marina, le moine déguisé, en est la preuve : 1 500 ans plus tard, son message d’amour vit encore, de Venise à Qannoubine. »


*Le papier a été actualisé mardi 17 juillet 2018 14h40

Les reliques de Sainte Marina, l'une des saintes les plus vénérées au Liban, sont arrivées mardi à l'aéroport international de Beyrouth. Les reliques de la sainte vont être transportées à Dimane, où une messe spéciale sera célébrée à cette occasion par le patriarche Béchara Raï, et demeureront à Qannoubine jusqu’au 23 juillet. « Une nouvelle bénédiction a été...

commentaires (8)

il y a plusieures saintes marina et la grecque d,antioche de pisidie n,est pas la marina libanaise qui est nee au liban et vecut dans un monastere de qannoubine en se faisant passer pour homme. veuillez m,en excuser !

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 24, le 18 juillet 2018

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Commentaires (8)

  • il y a plusieures saintes marina et la grecque d,antioche de pisidie n,est pas la marina libanaise qui est nee au liban et vecut dans un monastere de qannoubine en se faisant passer pour homme. veuillez m,en excuser !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 24, le 18 juillet 2018

  • Et lisez donc la version des coptes orthodoxes qui prétendent qu’elle aurait vécu en Bithynie, dans l’empire Byzantin, au huitième siècle, soit la Turquie actuelle, et qui la vénèrent comme leur Sainte, et qui aurait accompli beaucoup de miracles chez leurs fidèles! Ils racontent la même histoire sur sa vie de moine que la tradition maronite, mais ne reconnaissent à aucun moment son origine Libanaise. Comme quoi, entre croyants, on se vole ses Saints: tout cela pour la gloire de Dieu!

    Saliba Nouhad

    03 h 06, le 18 juillet 2018

  • Alors Ste. Marina est grec orthodoxe ou comme on dit chez nous Roum Orthodoxe.

    Eleni Caridopoulou

    17 h 32, le 17 juillet 2018

  • Sur internet, on apprend qu'il existe au Mont Athos un reliquaire en forme de bras où est conservé le bras de sainte Marina.

    Fady Noun

    17 h 09, le 17 juillet 2018

  • Il y a un livre "Le Liban a petits pas" de Victor Sauma Farra ISBN: 978291330306 mais je ne trouve pas le ISBN de Victor Sauma Farra 'Sur les pas des saints au Liban' sauf si c'est le même livre ? Il y a aussi mention d'une édition de ce livre qui parle des saints orientaux (et saintes orientalles) dans https://www.lorientlejour.com/article/497064/

    Stes David

    10 h 38, le 17 juillet 2018

  • L,HISTOIRE DIT QUE SAINTE MARINA EST UNE GRECQUE ORIGINAIRE D,ANTIOCHE DE PISIDIE FILLE D,UN PRETRE DES IDOLES QUI A VECU SOUS LE REGNE DE L,EMPEREUR CLAUDE ET QUI A PASSÉ SA VIE MONASTIQUE AU LIBAN ! DONC LIBANAISE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 51, le 17 juillet 2018

  • J'ajoute que la date du 17 juillet n'est pas celle du transfert du corps de la sainte à Venise, laquelle est totalement inconnue, mais le jour de la fête de la sainte tel qu'elle a toujours été célébrée dans l'Eglise maronite. Quant à l'état de son corps, Théodore d'Amadeni qui l'examina au XVIIème siècle, témoigne de la violence avec laquelle le bras avait été arraché, ce qui signifie que le corps devait être à l'état de momie, comme celui actuellement conservé à Qannoubine, du patriarche Youssef Tyan.

    Yves Prevost

    08 h 10, le 17 juillet 2018

  • En fait, Ste Marina a quitté le Liban depuis beaucoup plus de 800 ans. Afin d'attirer des foules de pèlerins dans la capitale, les byzantins y accumulaient les reliques ramenées des 4 coins de l'empire. C'est ainsi qu'à une époque indéterminée, le corps de notre sainte partit pour Constantinople. En 1204, lorsque, pour régler un contentieux avec Byzance, le doge Dandolo détourna la 4ème croisade et que la ville fut mise à sac, la plupart des richesses et des reliques, dont le corps de Marina, partirent pour Venise. Par ailleurs, lorsque les byzantins ont emporté le corps de Ste Marina, pour ne pas dépouiller totalement le monastère de Qannoubine, ils y avaient laissé son bras gauche. Celui-ci était encore conservé au couvent au XVIIème siècle, comme en témoigne Stéphane Douayhi. Depuis, il a disparu. Peut-être lors du sac du couvent par les sbires du pacha de Tripoli en 1726. En ce qui concerne l'époque où elle a vécu, on trouve des dates allant du IVème au IXème siècle. Une étude approfondie permet de réduire la fourchette aux VIème et VIIIême siècles. Toutefois, un récit de la fin du VIIIème est déjà très enjolivé, et présente l'histoire comme assez ancienne, c'est pourquoi, je pencherais plutôt pour le VIIème siècle.

    Yves Prevost

    07 h 04, le 17 juillet 2018

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