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À La Une - Mondial 2018

Au Liban, même vaincu, le Brésil déchaîne les passions

"On est tous ici Brésilien, on aime tous le Brésil à mort quoi qu'il arrive, même s'il ne fait que perdre", lâche amèrement Ali 24 ans, après l'élimination de la sélection sud-américaine du Mondial-2018.

Des enfants libanais jouant au foot dans une rue décorée de drapeaux brésiliens, le 6 juillet 2018 dans un quartier de la banlieue-Sud de Beyrouth. Photo AFP / ANWAR AMRO

Les drapeaux du Brésil sont omniprésents, on tire des coups de feu, mais ce n'est pas une favela de Rio: dans la banlieue pauvre de la capitale libanaise Beyrouth, malgré les revers, la "Seleçao" déchaîne les passions, et fait oublier la misère du quotidien.

"On est tous ici Brésilien, on aime tous le Brésil à mort quoi qu'il arrive, même s'il ne fait que perdre", lâche amèrement Ali 24 ans, après l'élimination de la sélection sud-américaine du Mondial-2018, à l'issue du quart de finale face à la Belgique (2-1), qu'il a suivi dans la banlieue sud chiite de Beyrouth.

Ici, malgré les désenchantements qui s'accumulent depuis le dernier sacre planétaire en 2002, on ne jure toujours que par les légendes Ronaldo, Pelé, Roberto Carlos et, désormais, Neymar. Les façades des maisons sont décorées de drapeaux brésiliens, et des affiches à taille humaine représentant les joueurs de la Seleçao occupent les devantures des magasins.

"Le supporteur qui aime son équipe, c'est pendant la victoire mais aussi pendant la défaite", poursuit Ali, pectoraux saillants sous une chemise ultra-moulante, qui travaille dans les livraisons pour une multinationale.

Au Liban, le Brésil c'est un peu une histoire de famille, puisque des millions de Libanais de la diaspora y ont élu domicile dès la fin du XIXe siècle - l'actuel président brésilien Michel Temer est lui-même d'origine libanaise. Et dans un pays ravagé par les inégalités sociales et les difficultés économiques, où les services publics de base, comme l'eau, l'électricité ou même le ramassage des déchets relèvent du calvaire, la passion du foot offre une évasion.


(Lire aussi : Le foot sous les bombes : souvenirs de Coupes du monde dans le Liban en guerre)


"Comme chez nous"

Haydar Baddar, 38 ans, a installé un projecteur sur le pas de sa porte, au détour d'une ruelle étroite. Plusieurs dizaines d'amoureux du ballon rond ont envahi la chaussée, assis sur des chaises en plastique, principalement des hommes. Le maillot N. 10 de Neymar est partout dans la foule.

Certaines fillettes aussi arborent les couleurs de l'équipe, tee-shirt jaune accompagné d'un voile bleu foncé pour couvrir leurs cheveux. Des familles suivent du balcon la rencontre, rythmée par le son du tambour et des vuvuzelas. Quand le Brésil marque son unique but, le vacarme est assourdissant.

Mais avec le coup de sifflet final, certains ont les larmes aux yeux.

Au bout de la rue, des femmes lancent pourtant des youyous moqueurs, pour célébrer la défaite du Brésil. M. Baddar sort alors son pistolet automatique et vide son chargeur dans les airs. "Ici, dans nos quartiers, on voit le Brésil, les quartiers et les ruelles du Brésil, et c'est comme chez nous", lance-t-il, barbe noire fournie soigneusement taillée, tee-shirt imitation Givenchy sur un short gris. "Dans la banlieue sud, dès qu'ils voient le jour, les enfants jouent au ballon sur l'asphalte. Il n'y a pas de terrain de foot, quand le soir arrive, tu les vois partout en train de jouer", poursuit ce commerçant spécialisé dans le prêt-à-porter.


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"Arriver par le foot"

Hussein Mohamed, 25 ans, a abandonné l'école "à cause du football". "Je rentrais des cours, je jetais mon sac et j'allais jouer dans la rue", se souvient-il. Le Brésil, il l'a dans la peau: il s'est fait tatouer sur la cuisse l'écusson de la Seleçao, avec ses cinq étoiles. "C'est une histoire d'amour depuis l'enfance. C'est une addiction", poursuit-il, tempes rasées de près, crinière noire soyeuse ramenée en arrière.

Hussein est sans emploi, son père syrien et sa mère Palestinienne sont séparés, il est le seul garçon parmi sept filles. "C'est toujours un problème entre moi et ma mère, elle veut que je trouve du travail, pas nécessairement pour la faire vivre, elle et mes soeurs, mais au moins pour être financièrement indépendant", admet le jeune garçon, d'une voix calme.

"On est dans un pays où la situation est mauvaise. Le quartier ici est très modeste", confie-t-il. "Le foot te fait oublier. Quand tu étouffes, tu vas au stade et tu oublies."

Dans sa rue, où un enchevêtrement de câbles électriques pend entre les petits immeubles en béton de deux ou trois étages, il a mobilisé les jeunes pour installer des drapeaux du Brésil. Absolument partout, c'est une explosion de vert et de jaune. Des rangées entières qui se succèdent au-dessus de la chaussée, placardés sur les murs. "Il y en a plus de mille", lance-t-il, un brin vantard. "C'est Sao Paulo."


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commentaires (2)

Question de mentalité ?

L'ARCHIPEL LIBANAIS

20 h 11, le 08 juillet 2018

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Commentaires (2)

  • Question de mentalité ?

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    20 h 11, le 08 juillet 2018

  • La défaite du Brésil a sauvé des dizaines de morts victimes des balles perdues. Le malheur des uns... On tire pour les uns, demain on tirera pour les autres pourvu que le ciel pleuve des balles. C'est la coutume.

    Un Libanais

    17 h 23, le 07 juillet 2018

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