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À La Une - Conflit

Après ses succès dans l'est libyen, Haftar lorgne la Tripolitaine

"Les adversaires de Haftar sont finalement son meilleur atout. Par leur maladresse et aventures militaires désorganisées, ils lui rendent la tâche facile pour envisager une expansion vers l'ouest et le sud", estime un analyste libyen.

Le maréchal libyen Khalifa Haftar. Photo d'archives REUTERS/Philippe Wojazer

Après avoir réussi à asseoir son autorité sur l'ensemble de l'est de la Libye, Khalifa Haftar, l'un des principaux protagonistes du conflit, cherche désormais à étendre son influence en Tripolitaine, selon des analystes.

Pays miné depuis 2011 par les rivalités, l'insécurité et une crise économique aiguë, la Libye était divisée en trois régions, la Cyrénaïque (est), la Tripolitaine (ouest) et le Fezzane (sud), avant la suppression du système fédéral en 1963. 

Le maréchal Haftar, qui a le soutien des autorités de l'Est -gouvernement et Parlement- conteste la légitimité du gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj basé dans la capitale Tripoli et reconnu par la communauté internationale. Son engagement à Paris fin mai avec ses rivaux pour la tenue d'élections en décembre et sortir le pays du chaos, n'a pas trop convaincu. 

D'ailleurs, le général Haftar a continué sur sa lancée militaire et ses gestes de défiance. En quelques jours, ses forces ont repris des sites pétroliers à des groupes rivaux, puis se sont emparés cette semaine de Derna, bastion des islamistes radicaux et seule ville de la région orientale qui échappait à leur contrôle. Il a salué une "journée glorieuse", affirmant avoir débarrassé l'Est du "terrorisme".

"Les adversaires de Haftar sont finalement son meilleur atout. Par leur maladresse et aventures militaires désorganisées, ils lui rendent la tâche facile pour envisager une expansion vers l'ouest et le sud", estime Mohamed Eljarh, un analyste libyen.

Ces dernières années, le maréchal Haftar a maintes fois dit qu'il allait "libérer la capitale". Sans franchir le pas jusqu'ici. La tâche n'est en tout cas pas aussi facile. La ville de Misrata qui fait partie de la Tripolitaine avec Tripoli, abrite les groupes armés parmi les plus puissants en Libye et les plus hostiles à Khalifa Haftar, 75 ans.

Pour Karim Bitar, de l'Institut des relations internationales et stratégiques, les "déclarations triomphalistes sur sa victoire supposée contre le terrorisme laissent penser qu'il pourrait se laisser griser par cette reprise de Derna et sous-estimer ainsi le chemin qui reste à parcourir". 


(Lire aussi : Le maréchal Haftar annonce la "libération de Derna" des "terroristes")


"Arrogant"

Ancien dignitaire du régime de Mouammar Kadhafi renversé et tué en 2011, Khalifa Haftar est accusé par ses détracteurs de vouloir instaurer un régime militaire, en se débarrassant de ses rivaux.

Après la reconquête de la région du Croissant pétrolier où l'essentiel de l'or noir libyen est exporté, il a remis les installations pétrolières sous contrôle de son "armée" aux autorités de l'Est. Cette décision a ulcéré le GNA, surtout que des résolutions de l'ONU stipulent que le pétrole doit rester sous le contrôle exclusif de la Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC) légitimement reconnue, et sous la seule supervision du GNA. Les pays occidentaux, l'ONU et l'Union européenne ont eux aussi confirmé "les droits exclusifs" de la NOC de Tripoli à exporter le pétrole.

Un pas irréfléchi ou mal calculé par le maréchal? Ce dernier cherche pourtant à jouer aux dirigeants politiques fréquentables même si plusieurs capitales restent méfiantes. Il a surtout marqué des points en se faisant invité à Paris pour la réunion sur la Libye.

"Haftar est arrogant parce que certains Etats l'encouragent en lui promettant leur soutien", estime Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye à l'université Paris VIII.


"Pressé"

Par ses gestes de défiance, l'homme fort de l'Est semble avoir déjà tourné le dos aux engagements de Paris, estiment ses rivaux.

"Il est difficile d'imaginer comment la Libye peut tenir des élections libres et équitables tant que (les différentes parties) ne se reconnaissent pas", souligne d'ailleurs Ethan Chorin, ancien diplomate américain en poste à Tripoli, aujourd'hui consultant.

Dans le camp de Haftar, on affirme toutefois que l'objectif de la manoeuvre sur la gestion du pétrole, n'est pas de vendre du brut, mais de pousser le GNA -qui gère les revenus de pétrole- à faire des concessions. Les pro-Haftar veulent surtout obtenir le limogeage du gouverneur de la Banque centrale, Seddik al-Kebir, leur ennemi juré accusé de soutenir financièrement leurs rivaux.

"Haftar est absolument déterminé à fragiliser l'équilibre autour du GNA à Tripoli. Pas seulement par des moyens militaires mais aussi des moyens administratifs et économiques", explique M. Harchaoui. Selon lui, "Haftar est un homme vieux, donc pressé". "Cela fait plus de quatre ans qu'il n'est toujours pas parvenu à entrer en Tripolitaine. Il est férocement déterminé à user de toutes les astuces pour y parvenir cette année".

Mais, souligne M. Bitar, "même les puissances extérieures qui le soutiennent estiment parfois que Haftar surestime ses forces et que rien ne sera possible sans un rapprochement politique qui transcenderait les intenses polarisations actuelles". 


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