Les militants des ONG manifestent depuis 2 ans contre le projet.
C’était une scène surréaliste hier à Ramlet el-Baïda (plage de sable de Beyrouth). D’un côté le très controversé projet d’Eden Bay Resort inauguré en grande pompe, et de l’autre les militants de plusieurs groupes de la société civile qui manifestaient contre ce complexe touristique construit à même la plage, qu’ils combattent depuis bientôt deux ans. Le groupe de protestataires s’avance très loin sur la plage pour mieux se faire entendre de la foule sur la terrasse, jusqu’à se heurter au « mur » d’agents de l’ordre qui l’empêche d’aller plus loin, malgré sa contestation du fait que la plage forme une continuité indivisible. Bien que les agents aient affirmé que la mesure était « exceptionnelle », en raison de la « célébration » en cours, Ali Darwiche, président de Green Line, assure que « des pêcheurs ont essayé de traverser devant le projet hier (dimanche) et en ont été empêchés par des vigiles sur place ».
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Rappelons que le projet d’Eden Bay Resort a bénéficié d’un permis de construire délivré par le mohafez de Beyrouth en 2016, considérant que le terrain en question est « privé » et « constructible », bien que directement sur le sable. Un recours a été présenté au Conseil d’État par Green Line et l’Agenda légal, sans que les ONG aient réussi à obtenir un arrêt des travaux, sachant que la plainte est en cours. La construction du projet a fait l’objet d’un rapport accablant rédigé par le président de l’ordre des ingénieurs Jad Tabet, qui a recensé plusieurs irrégularités majeures dans sa réalisation et dans le permis. Plus récemment, l’association Nahnoo a divulgué un rapport tout aussi accablant fait par le département d’ingénierie de la municipalité de Beyrouth, et aux dernières informations, le projet n’avait pas obtenu un permis de fonctionnement. Alors sur quelle base le lancement a-t-il eu lieu hier ?
Mohammad Ayoub, président de Nahnoo, indique hier à L’Orient-Le Jour qu’« en l’absence d’un permis de fonctionnement, devenu impossible à délivrer en raison du rapport des ingénieurs de la municipalité, le promoteur du projet s’est dirigé vers le ministère du Tourisme pour avoir ce qu’on appelle un permis d’étape préliminaire ». « Or un tel document ne constitue pas un permis viable, contrairement à ce que semble penser le ministre du Tourisme, a-t-il ajouté. De plus, un tel document doit être complété par une attestation de la conformité des travaux aux plans et lois en vigueur, ce qui n’est pas le cas. Ce permis est donc illégal, et nous demandons au ministre du Tourisme de le retirer sans tarder. »
Autant M. Ayoub que M. Darwiche ont assuré qu’ils poursuivront la lutte par le biais de la justice. « On peut présenter des plaintes auprès du parquet civil concernant l’absence d’un permis de fonctionnement, étant donné que n’importe quel incident peut rendre les propriétaires du projet passibles de poursuites vu que la municipalité n’a pas approuvé la construction », explique pour sa part Ali Darwiche. Il assure que toutes les informations seront ajoutées au dossier qui se trouve au Conseil d’État.
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À une question sur ce recours, le militant assure que « les parties plaignantes vont demander qu’il soit transféré directement au président du Conseil d’État, en vue d’éviter de perdre plus de temps ». Malgré les difficultés déjà rencontrées, il assure que la seule voie empruntée sera juridique. Devant les caméras, il a rappelé que le combat des ONG était avec l’État et pas avec le promoteur d’un quelconque projet. Il a également déploré que « le ministre des Travaux publics ait accordé à ce projet une autorisation d’utiliser les biens-fonds publics maritimes et d’y opérer des changements, même s’il a interdit la fermeture de la plage aux baigneurs ou l’utilisation d’installations inamovibles ».
« Nous demandons au gouvernement d’arrêter les travaux dans le projet d’Eden Bay Resort et d’appliquer les lois qui commandent de le démolir entièrement », a conclu Ali Darwiche. Il a également préconisé que les autorités gèlent tout débat autour de nouveaux projets sur le littoral et annulent les décrets publiés récemment concernant d’autres complexes touristiques.
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Au Liban, tout le monde sait comment s'obtiennent les permis de construire ou de démolir. Je n'accuse personne, ni Ziad Chbib ni Tareq Ben-Ziad. Qu'il soit légal ou illégal, aucune loi au monde ne peut interdire au public l'accès à la mer. La démolition s'impose. Rappel historique : Tout le monde sait pourquoi et pour qui le Petit-Sérail fut démoli, je ne serais pas étonné de voir un jour le Grand-Sérail démoli aussi.
12 h 15, le 26 juin 2018