L'affaire des nouvelles constructions sur une portion de la plage de Ramlet el-Baïda (Beyrouth), adjacente au très controversé projet de l'Eden Bay Resort, s'épaissit en l'absence de déclarations officielles concluantes.
Dès le week-end, un militant de la société civile, Raja Noujaim, a en effet dénoncé, photos à l'appui, de récents remblaiements d'une portion rocheuse et sableuse de la plage, adjacente au bâtiment de l'Eden Bay Resort. Selon le militant contacté par L'Orient-Le Jour – et les photos semblent le confirmer – ces nouveaux travaux montrent qu'il s'agirait d'une jetée, qui la relient au bâtiment touristique adjacent construit à même la plage de sable. Un bâtiment érigé malgré un procès en cours au Conseil d'État, un rapport accablant de l'ordre des ingénieurs et le tollé régulièrement soulevé par la société civile. Sans compter que le ministre des Travaux publics Youssef Fenianos (qui était injoignable hier) avait confirmé la veille à la MTV n'avoir octroyé aucun permis pour de tels travaux sur la plage.
Pourquoi ces nouveaux travaux à Ramlet el-Baïda ? Selon le département des relations publiques de la municipalité, contacté par L'OLJ, « le but des travaux effectués par la municipalité de Beyrouth, longeant la côte de Ramlet el-Baïda, est d'installer une infrastructure pour l'assainissement des eaux d'égouts et l'évacuation des eaux de pluie ». À la question de savoir si ces travaux sont liés à l'Eden Bay Resort, comme l'affirme la société civile, la réponse du département fait état de « travaux qui s'étendent tout au long de la côte de Ramlet el-Baïda, et qui n'ont rien à voir avec un quelconque projet ou complexe, comme on le prétend ». Et de poursuivre : « Ces travaux sont exécutés par la municipalité au niveau d'une route publique classée DP, donc propriété publique, nécessitant un pavage, comme n'importe quelle autre rue. Cela est impossible tant que les travaux d'entretien et d'infrastructure ne sont pas terminés. »
Interrogée sur le fait qu'aucun permis n'a été délivré par le ministre des Travaux pour ce projet, la source du département indique que « ces travaux n'ont pas besoin de permis provenant du ministère des Travaux publics parce que la route DP est bien définie sur la carte et classée, comme mentionnée précédemment, en tant que propriété publique municipale depuis les années 20 ».
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« Sans nul doute un domaine public maritime »
Surprenant... Quand on a visionné le reportage de la MTV, hier soir, et que la journaliste Joyce Akiki a été empêchée d'entrer à l'emplacement des travaux, même accompagnée d'un ingénieur de la municipalité, Abdel Nasser Saad. Celui-ci s'est dit étonné du comportement des hommes de Wissam Achour (qu'il a nommé), l'entrepreneur de l'Eden Bay Resort, tout en soutenant que la route est en effet un « domaine public » mais que les travaux constatés depuis samedi n'ont pas été entamés par la municipalité... De multiples contradictions, donc.
La réponse de la municipalité ne convainc pas en tout cas Raja Noujaim. Selon lui, il est impensable que des travaux d'infrastructure pour les eaux usées aient lieu à cet endroit de la plage, où la municipalité prétend pouvoir intervenir sans même un permis délivré par le ministre des Travaux publics. Or Raja Noujaim soutient que la rue Ahmad el-Solh se termine au niveau du rond-point face au projet de l'Eden Bay. Selon lui, la trajectoire en pointillé sur les cartes aériennes montrées par la municipalité n'est pas une continuation de la route puisqu'elle va droit dans la mer, mais celle d'un caniveau réalisé depuis les années 60 pour évacuer les égouts de l'ancien café Eden Rock. Or ce caniveau se trouve sous une route construite par l'entrepreneur de l'Eden Bay, visant à camoufler le fait qu'il est à un niveau supérieur au terrain soi-disant constructible de son projet (ce qui est contraire à la loi), « une nette infraction », dit le militant. « Tout cela sous une couverture de la municipalité, qui ne peut ignorer ces faits », poursuit-il.
En bref, insiste-t-il, ce sont donc sans nul doute des biens-fonds publics maritimes où tous travaux requièrent un permis du ministère. « Les propos de la municipalité participent d'actions carrément illégales », assure Raja Noujaim, qui note d'importants dégâts à cet endroit et revendique que les constructions soient démantelées.
Le militant constate par ailleurs que, contrairement à ce que le mohafez de Beyrouth ou un quelconque responsable a pu déclarer, le remblai sur les rochers et le sable prend un net détour vers le Nord, c'est-à-dire vers le projet d'Eden Bay. « Nul doute que cette jetée est construite par Wissam Achour lui-même », tranche-t-il.
Dernier paramètre qui rend ces nouveaux travaux si controversés : la municipalité de Beyrouth a elle-même mis récemment sous étude, pour deux ans, toute la portion de Ramlet el-Baïda allant jusqu'à l'hôtel Movenpick, plus au Nord. Qui alors a autorisé ces travaux qui relancent une polémique et ravivent les inquiétudes concernant la privatisation de la dernière plage publique de Beyrouth ?
Pour mémoire
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commentaires (14)
Ils nous prennent de plus en plus pour des îmbeciles ... Et nous l’acceptons de plus en plus!!
T Myriam
22 h 50, le 17 janvier 2018