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Liban - Politique

Le fossé n’en finit pas de se creuser entre Baabda et Moukhtara

Le tweet assassin de Walid Joumblatt contre le « fiasco » du sexennat avait suscité l’ire des aounistes. Du côté du chef du PSP, on note que la dégradation des rapports entre les deux formations vient de plus loin.

Michel Aoun et Walid Joumblatt lors d’une de leurs rencontres à Baabda. Photo d’archives

C’est un malaise profond à l’égard du mandat Aoun que semble avoir exprimé le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, dans un tweet posté vendredi sur son compte personnel. « Le sexennat actuel est un fiasco depuis le premier instant », avait écrit le chef druze avant de supprimer le tweet. Dans l’intervalle, cette phrase assassine a déclenché une violente polémique entre des responsables des deux partis, montrant que l’affaire est plus grave qu’un nuage passager.

Ainsi, le ministre sortant de l’Énergie et de l’Eau, César Abi Khalil (CPL), a répondu à M. Joumblatt via son compte Twitter. « Aucun autre mandat n’a réalisé ce qui a été accompli en un an. Les Libanais sont témoins de votre échec et de votre corruption », a-t-il écrit à l’adresse du leader druze. À sont tour, le ministre sortant de l’Éducation, Marwan Hamadé, a violemment répondu aux attaques du CPL : « Ce mandat est le plus nul depuis l’indépendance. Et ce gouvernement est le pire de toute l’histoire des gouvernements », a martelé M. Hamadé dans une déclaration au journal al-Anba’, organe médiatique du PSP.

Il est vrai que cet échange – qui a pris fin, selon un communiqué publié samedi par le département de Baabda au sein du CPL, à la faveur de contacts menés par Hadi Aboul Hosn et Alain Aoun, respectivement députés PSP et CPL de la région, ainsi qu’entre des cadres des deux partis – ne peut être dissocié du processus de formation du gouvernement, Walid Joumblatt ne cachant pas son désir de monopoliser les trois sièges druzes dans un gouvernement de trente. En face, le président de la République, Michel Aoun, et donc le CPL tiennent à ce que le principal rival de M. Joumblatt sur la scène druze, Talal Arslane, prenne part au nouveau cabinet Hariri.

À cela s’ajoute le timing de la querelle CPL-PSP, dans la mesure où elle coïncide avec une autre polémique opposant le parti de Gebran Bassil aux Forces libanaises autour de leur représentation respective au sein de la future équipe ministérielle. Le ministre sortant de la Justice, Salim Jreissati, a établi quant à lui un lien direct entre le tweet de M. Joumblatt et sa récente visite en Arabie saoudite où il s’est entretenu avec le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane.

Mais dans certains milieux politiques, on rappelle que les rapports entre les formations de Walid Joumblatt et Gebran Bassil se sont gravement détériorés bien avant le déplacement du leader druze à Riyad. On en veut pour preuve que M.
Joumblatt avait critiqué à plusieurs reprises les politiques du mandat dans plusieurs domaines, dont notamment l’électricité. Les ministres joumblattistes se sont opposés au fameux plan de production de l’électricité élaboré en 2017 par César Abi Khalil. On y ajoute aussi les déclarations de Gebran Bassil, prononcées au Chouf et critiquant la réconciliation druzo-chrétienne de 2001 scellée par Walid Joumblatt et Mgr Nasrallah Sfeir, alors patriarche maronite. En octobre 2017, M. Bassil, alors en visite au Chouf, évoquait « la nécessité de compléter la réconciliation et le retour (des chrétiens). Plus récemment, la période précédant les élections législatives de mai dernier a creusé davantage le fossé entre les deux partis. Face à l’alliance tripartite FL-PSP-Futur, le CPL a choisi de se présenter aux côtés de Talal Arslane.


(Lire aussi : Les polémiques, entre manœuvres internes et souhaits régionaux, le décryptage de Scarlett HADDAD)


« Fuite en avant » Ghazi Aridi, ancien député
joumblattiste de Beyrouth, confirme cette dégradation des rapports. Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, il explique que « le fossé entre PSP et CPL existait bien avant » le déplacement de M. Joumblatt à Riyad. Ainsi, « tout lien établi entre le tweet et ce voyage n’est qu’une fuite en avant pour camoufler les échecs » des aounistes, lance-t-il. Estimant que les réactions aounistes à la prise de position de Walid Joumblatt sont dépourvues de toute logique politique, M. Aridi appelle les partisans du chef de l’État à répondre par des faits, notant que son parti n’est pas le seul à avoir critiqué les actions du mandat. « Le patriarche maronite a tiré à boulets rouges sur le récent décret de naturalisation. Et le mufti de la République a stigmatisé les décisions unilatérales du ministre des Affaires étrangères concernant le retour des réfugiés syriens », précise-t-il. Et l’ancien député d’ajouter : « Les aounistes entretiennent de mauvais rapports avec tous les protagonistes. Preuve en est : des querelles les opposent aussi bien à leurs alliés qu’à leurs adversaires, notamment les FL, le mouvement Amal, le Futur et le Parti syrien national social. » « Nous vivons dans un pays démocratique. Et Walid Joumblatt n’a fait que donner son avis », souligne Ghazi Aridi, qui assure par la même occasion que son parti est toujours attaché à ses demandes gouvernementales. « D’autant que nous agissons conformément à la logique du “représentant le plus fort” initiée par le camp aouniste lors de la présidentielle de 2016 », note-t-il.

Du côté des aounistes, on semble soucieux de ne plus alimenter la polémique. On se contente donc de la placer dans le cadre des spéculations gouvernementales. C’est au moins cette explication que présente à L’OLJ Eddy Maalouf, député CPL du Metn. « Walid Joumblatt tente d’imposer ses conditions dans le cadre du processus de formation du cabinet », estime-t-il, rappelant que personne n’a intérêt à retarder la mise sur pied de la nouvelle équipe ministérielle.  M. Maalouf insiste, toutefois, sur le fait que le CPL n’entend pas modifier ses demandes gouvernementales, dont une place qui devrait être accordée à Talal Arslane en sa qualité de membre du bloc dit « Le Liban fort » dirigé par le CPL. Il y ajoute le poste de vice-président du Conseil. « Celui-ci fait traditionnellement partie de la quote-part du président de la République », affirme-t-il avant d’ajouter : « Si le chef de l’État fait une concession dans ce domaine, nous pourrons changer d’avis. » M. Maalouf a ainsi établi une distinction entre Baabda et le CPL. Une séparation qui reste peu convaincante pour d’aucuns, d’autant que les aounistes ont ouvertement placé le scrutin de mai sous le signe de la « fidélité à Michel Aoun » et de « l’appui au sexennat ».


(Lire aussi : Tout le monde attend « la prochaine étape » de Hariri)


Un message à Hariri ?
À leur tour, les proches du Premier ministre désigné, Saad Hariri, interprètent le tweet de Walid Joumblatt comme une tentative de faire barrage à une éventuelle intégration de Talal Arslane à la nouvelle équipe ministérielle. Mais Moustapha Allouche, membre du bureau politique du courant du Futur, perçoit les choses sous un autre angle. Contacté par L’OLJ, il estime que le leader druze adresse un message politique à Saad Hariri le mettant en garde contre son alliance illimitée avec Michel Aoun. « Il tente également de faire barrage à Talal Arslane », dit encore M. Allouche qui indique que le Premier ministre désigné n’est pas pressé de former un cabinet dont il ne serait pas convaincu.

M. Hariri, qui se trouve en Arabie saoudite, devrait toutefois rentrer prochainement à Beyrouth (mercredi selon la chaîne al-Jadeed) pour redynamiser les négociations gouvernementales. En attendant, la querelle CPL-FL continue à battre son plein.     Hier, le député Fadi Saad (Batroun, FL) s’en pris à Gebran Bassil qu’il a accusé de ne pas respecter l’accord de Meerab qui stipule le partage égalitaire des ministères chrétiens entre les deux partis. « M. Bassil ne peut pas répartir les portefeuilles et prendre la place du chef de l’État et du Premier ministre désigné », a-t-il déclaré dans un entretien accordé à la MTV. En face, les aounistes brandissent le slogan du respect des « poids politiques issus des législatives ».



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commentaires (9)

LA DEGRADATION ET L,IDIOTIE DES JUMEAUX !

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 41, le 19 juin 2018

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Commentaires (9)

  • LA DEGRADATION ET L,IDIOTIE DES JUMEAUX !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 41, le 19 juin 2018

  • Ils ont tous le complexe du "Beik"...

    Jack Gardner

    16 h 24, le 18 juin 2018

  • Ce n'est qu'un combat entre les laquais et les valets. L'un préfère vivre sous la botte syrienne plutôt que sous la botte maronite (sic) les autres, des vestes retournées qui n'ont plus de couleur, une présidence achetée le 6/2/2006 à Chiyah. Courses derrière l'argent public et les aides internationales. Deux millions de réfugiés que personne ne veut d'eux. Continuez la danse macabre... Continuez à taper dans le ballon "Liban".

    Un Libanais

    13 h 22, le 18 juin 2018

  • DE LA POLICHINNERIE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 07, le 18 juin 2018

  • Belle comédie tribale ou tout finira à la libanaise par une réconciliation .

    Antoine Sabbagha

    11 h 33, le 18 juin 2018

  • Laissons la politique aux politiciens et la menuiserie aux menuisiers donc . Ces 2 forces politiques se connaissent comme larron en foire , pas besoin de jouer les mégères à tout bout de champ .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 33, le 18 juin 2018

  • Tous des incapables.......

    Tabet Karim

    10 h 17, le 18 juin 2018

  • En simple ménagère que je suis... quand un produit n'est pas efficace et que je constate qu'en plus la date-limite de consommation est dépassée depuis longtemps, je le jette sans regret !!! Sachant que je trouverai d'autres produits, de meilleures qualité et convenant pour l'emploi...et probablement moins couteux pour mon budget. Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 55, le 18 juin 2018

  • "Aucun autre mandat n’a réalisé ce qui a été accompli en un an". en lisant cela, on croit rêver! Quels progrès dans les domaines de la gestion de l'eau, de l'électricité, des ordures ménagères? Une loi électorale aberrante et anti-démocratique. La corruption, les atteintes à l'environnement et au patrimoine qui se poursuivent allègrement. On a beau écarquiller les yeux, il est difficile d'apercevoir, l'ombre du début du commencement d'un quelconque progrès.

    Yves Prevost

    07 h 31, le 18 juin 2018

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