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L’autre face de l’exploit

Sacré trompe-la-mort tout de même, sans mauvais jeu de mots, que ce Donald Trump ! Voilà bien en effet un président américain qui prend systématiquement le contre-pied de ses prédécesseurs. Qui bouleverse toutes les règles de la diplomatie américaine. Qui se met à dos la plupart des alliés de l’Amérique. Qui, dans le même temps, noue, à la faveur d’un accord proprement historique avec le monstre nord-coréen d’hier, la plus inattendue, la plus improbable des relations : tout cela en se jouant des risques, pourtant énormes, de trépas – ou même de suicide – politique.


Bon gré mal gré, abasourdie ou sceptique, la communauté internationale n’a pu que saluer la cordiale poignée de main et les signatures officielles qu’ont échangées hier à Singapour le chef de la Maison-Blanche et Kim Jong-un, en lieu et place des insultes, défis et menaces d’atomisation qui faisaient l’ordinaire de leur dialogue. Mais même si l’accord sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne est appliqué, il faudra que d’autres dossiers soient traités en profondeur. En annonçant la fin des manœuvres militaires conjointes avec la Corée du Sud, qu’il juge très provocatrices, le président américain (qui a agi sans même en aviser le Pentagone !) risque de propager, parmi les clients de longue date de l’Oncle Sam, la hantise d’un lâchage sans préavis. Mais surtout, c’est un certificat de bonne conduite que Donald Trump, lui-même un personnage que n’étouffe guère la morale, délivre à son nouveau partenaire, un tyran sanguinaire soudain couvert des plus aimables épithètes.


 Non moins grave est le contentieux qui, dans l’intervalle, ne cesse de s’alourdir entre Washington et ses alliés occidentaux. Au fil des mois, Donald Trump s’est complu à fragiliser l’OTAN puis l’Union européenne ; il a déserté la lutte internationale contre le réchauffement de la planète et dénoncé unilatéralement l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien; il s’est retiré du traité transpacifique sur le libre-échange et a remis en question les accords commerciaux liant l’Amérique à ses deux voisins mexicain et canadien ; il a choqué la planète entière en transférant, tambour battant, l’ambassade US de Tel-Aviv à Jérusalem, sans aucun égard pour les aspirations des Palestiniens. Et pour finir il vient de renier, par un simple tweet, le document final du sommet du G-7, y ajoutant quelques mots bien sentis à l’adresse de l’hôte canadien, Justin Trudeau.


Pour prometteur que puisse paraître son chantier coréen, l’imprévisible Donald Trump reste bien décidé à montrer au monde que la démolition, ça le connaît aussi. Et que l’effroyable bombe n’est pas la seule arme de destruction massive en sa possession…


P-S : Un trompe-la-mort à la Maison-Blanche, et un État en trompe-l’œil ici-même : irrésistible est, je l’avoue, l’association d’idées. En l’espace de quelques jours, les Libanais auront eu droit à un incroyable décret sur les naturalisations puant la magouille ; aux tartarinades d’un ministre des AE entré en guerre contre les institutions onusiennes sur le dossier des réfugiés syriens alors que ses alliés du Hezbollah combattant en Syrie comptent parmi nos principaux fournisseurs de réfugiés; et pour compléter le tableau, faux et usage de faux en plein Conseil des ministres, dans la rédaction d’un procès-verbal traitant de la colossale arnaque des centrales électriques flottantes. Autant de singeries qui, en définitive, ne risquent pas de tromper grand monde…


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Sacré trompe-la-mort tout de même, sans mauvais jeu de mots, que ce Donald Trump ! Voilà bien en effet un président américain qui prend systématiquement le contre-pied de ses prédécesseurs. Qui bouleverse toutes les règles de la diplomatie américaine. Qui se met à dos la plupart des alliés de l’Amérique. Qui, dans le même temps, noue, à la faveur d’un accord proprement...