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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Le Golan, ou la forteresse anti-iranienne d’Israël

Dubitatif quant à la capacité de Moscou à pousser Téhéran vers la sortie, Tel-Aviv chercherait à convaincre Washington de reconnaître sa souveraineté sur le plateau occupé et annexé.

Tel-Aviv chercherait à convaincre Washington de reconnaître sa souveraineté sur le Golan occupé. Photo Reuters

Les mouvements de troupes de l’armée syrienne vers le sud du pays, où sont concentrés les derniers sanctuaires de la rébellion, réveilleront-ils le statu quo dormant sur le Golan depuis 44 ans entre Damas et Tel-Aviv? Longuement interviewé par Reuters il y a deux semaines, le ministre israélien des Renseignements, Yisrael Katz, a situé la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le versant officiellement occupé du plateau « au sommet » de l’agenda diplomatique israélo-américain. Le ministre prévoit qu’une déclaration de l’administration américaine dans ce sens interviendra dans les prochains mois. Toujours selon M. Katz, l’affaire aurait été évoquée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors de sa première entrevue avec Donald Trump à la Maison-Blanche en février 2017, et serait à présent discutée à plusieurs niveaux de l’administration américaine et du Congrès.
Très frileux lorsqu’il s’agit de toucher aux frontières internationales, Washington serait-il enclin à faire une pareille faveur à son allié israélien, avec qui il semble aujourd’hui plus proche que jamais ? La marche serait très haute, encore plus que celles précédemment franchies par les États-Unis, à savoir le retrait de l’accord iranien et la reconnaissance de Jérusalem-Ouest comme capitale d’Israël. La suite logique de cette dernière initiative aurait plutôt été une action en faveur de « Jérusalem unie » ou « Jérusalem unifiée ». Le Golan, dont les hauteurs ont été conquises par l’État hébreu en 1967 et annexées en 1981 sans l’aval de la communauté internationale, passe cependant en tête des doléances de Tel-Aviv car il répond à une urgence sécuritaire. Affirmer la légalité israélienne sur le versant officiellement occupé du Golan procurerait à Israël un filet de sécurité, dans le cas probable où les pourparlers multilatéraux arbitrés par la Russie sur l’avenir de la zone de désescalade du Sud-Ouest syrien ne dissiperaient pas les craintes israéliennes. Le temps presse pour Moscou et Tel-Aviv, car il s’agit de sécuriser l’offensive finale des forces prorégime sur les sanctuaires rebelles du Sud-Ouest syrien, qui débordent sur les hauteurs du Golan. Pour Tel-Aviv, le problème est moins Bachar el-Assad que les pasdaran et le Hezbollah, qui sont a priori « vendus avec » l’armée syrienne. La conséquence, dont Moscou a été abondement notifiée, est que les Israéliens compliqueront ce qui aurait dû être une formalité.


(Lire aussi : Netanyahu : Le régime Assad « n’est plus à l’abri » de représailles)


Plan B
Tel-Aviv n’a jamais transigé sur sa position maximaliste, réaffirmée par M. Netanyahu le 29 mai dernier : « Un retrait iranien du seul Sud syrien ne suffira pas. Les missiles de longue portée que l’Iran emmagasine en Syrie nous menaceront au-delà des quelques kilomètres de portée du Sud syrien. L’Iran doit quitter la Syrie. » Autrement dit, tous les efforts diplomatiques de Moscou pour convaincre Téhéran d’un repli tactique du Sud syrien ne suffiront pas à Israël. « Les négociations avec Moscou, qui comprennent l’abandon du soutien israélien à l’opposition syrienne contre le retrait iranien du Sud syrien, passent à côté de l’essentiel. M. Netanyahu n’est intimement pas convaincu que Bachar el-Assad peut garder le Hezbollah et le corps des gardiens de la révolution (CRG) à distance du Golan », explique pour L’OLJ Nicholas Heras, consultant au Center for New American Security. Israël travaille aussi sur deux options complémentaires (« Plan A, plan B… »), qui reflètent aussi une disparité de vues à l’intérieur des cercles dirigeants israéliens. Le Kremlin ménage une situation acceptable pour Israël dans le Sud syrien, voire en Syrie pour les tenants de la ligne maximaliste. À défaut ou « dans le doute », les Israéliens doivent étayer leur profondeur stratégique sur le Golan. « Une large faction de l’establishment sécuritaire israélien veut s’impliquer dans le deal russe et pense qu’il est réalisable. Mais l’homme au sommet a de sérieux doutes. On parle d’une zone tampon dans le Sud syrien, mais en réalité, c’est une zone de contrôle que les Israéliens cherchent à construire depuis plusieurs années sur le versant syrien du Golan », explique M. Heras. Deux axes se présentent à Israël pour le renforcement de sa frontière nord : affirmer sa souveraineté sur le versant « occupé » en recherchant des soutiens internationaux, au premier desquels celui des États-Unis, et épaissir son contrôle sur le versant syrien.


(Lire aussi : Deraa et Qouneitra sur le point de retomber dans l’escarcelle de Damas sans combats)


Comme au Liban-Sud
Israël a déployé les moyens du soft power sur le flanc syrien. Depuis 2013, Tel-Aviv a focalisé son assistance humanitaire dans les environs de Quneitra, tandis qu’un hôpital de campagne a été installé du côté israélien de la ligne d’armistice. Selon un rapport du Crisis Group, une partie de l’approvisionnement israélien en nourriture et en fourniture scolaire revient aux localités dont sont originaires les insurgés. Israël a cependant toujours démenti soutenir militairement les rebelles. Selon M. Heras, « on peut faire un parallèle entre ce que les Israéliens font sur le Golan syrien et ce qu’ils ont essayé de faire au Liban-Sud de 1978 à 2000. La principale différence est que vous n’avez pas de présence militaire israélienne en Syrie. À la place, les Israéliens ont créé un réseau de renseignements basé sur des rebelles et une zone d’influence qui a le même effet. C’est très clair que les Israéliens veulent tirer avantage de ce moment où la guerre fait encore rage et où ils ont une zone d’influence soft sur le sud du Golan syrien, et ce pour affirmer son contrôle sur le Golan en entier ».
Une reconnaissance unilatérale par les États-Unis de la souveraineté israélienne sur le Golan occupé serait une manière de construire un palier entre le flanc sud de la ligne d’armistice contrôlé de fait par Israël, mais non reconnu internationalement, et le flanc nord, autour de Quneitra où Israël cherche à affirmer une forme ambiguë de présence. « Il y a deux dynamiques séparées ici. Il y a le sort de la zone de désescalade sur laquelle on a beaucoup discuté récemment. Et il y a la division du Sud-Ouest syrien en plusieurs zones. Quneitra en particulier s’est stabilisé sous le filet israélien. Les Jordaniens le disent, l’opposition syrienne le dit et les Américains l’admettent en privé », explique Nicholas Heras.
Un tel combo entre l’affirmation par Washington de la légalité israélienne sur le versant sud et le soutien, par extension, du contrôle israélien sur le versant nord pourrait mettre le régime syrien et ses alliés dans une situation impossible. « La marge des forces pro-Assad serait considérablement rétrécie pour reprendre l’intégralité de la Syrie. Le plus longtemps les Israéliens seront autorisés par Washington à installer leur contrôle dans la zone de Quneitra, le moins probable est que Damas récupérera l’intégralité de son territoire. Or, c’est existentiel pour le régime. Du moment où les Syriens ont perdu le contrôle du Golan, une chape de plomb pèse sur Damas car les Israéliens disposent d’un surplomb stratégique sur leur voisin. « Bien que vous ne verrez pas une invasion israélienne sur Damas dans un futur proche, cet avantage acquis par les Israéliens avec le Golan fait que leurs options sont toujours dans la balance », explique M. Heras. La proximité affichée entre le Kremlin et Tel-Aviv depuis la visite de M. Netanyhu le 9 mai dernier à Moscou alimentait les spéculations sur une entente russo-israélienne pour pousser l’Iran dehors. Que Tel-Aviv explore une pareille option avec son partenaire américain montre qu’une hypothèse de travail préside sa stratégie en Syrie : Israël ne peut compter que sur Washington et sur lui-même.


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commentaires (3)

Israel est tellement faible, quíl ne se gene pas a bombarder la ou il veut....

IMB a SPO

18 h 02, le 09 juin 2018

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Israel est tellement faible, quíl ne se gene pas a bombarder la ou il veut....

    IMB a SPO

    18 h 02, le 09 juin 2018

  • 2 constats évidents, israel n'est plus invincible et les usa isolés , RECULENT partout dans le monde . Seuls les sourds et les aveugles ne s'en rendent pas compte.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 04, le 09 juin 2018

  • ISRAEL N,ACCEPTERA PAS MOINS QUE LE DEPART DES IRANIENS ET DE LEURS ACCESSOIRES... DE LA SYRIE ! RUSSES ET AMERICAINS Y TRAVAILLENT EN SILENCE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 27, le 09 juin 2018

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