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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Moscou écarte Téhéran pour la bataille de Deraa

Le Kremlin veut sécuriser l’offensive prochaine sur le sanctuaire rebelle, une formalité s’il parvient à geler l’affrontement israélo-iranien.

Un soldat de l’Armée syrienne libre assis avec son arme dans le quartier d’al-Manchiyeh à Deraa. Alaa Al Faqir / Reuters

L’inflexion de Moscou en Syrie est désormais confirmée. Cité par l’agence de presse RIA, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a affirmé hier que seule la présence des troupes du régime syrien est justifiée à la frontière sud du pays, attenante à la Jordanie et Israël.

Les forces iraniennes et affiliées semblent ainsi disqualifiées pour la bataille de Deraa, une ville au carrefour des frontières jordaniennes et israéliennes, et l’un des derniers bastions insurgés restant avec Idleb. Suite à la victoire de l’armée syrienne sur les derniers sanctuaires de l’État islamique (EI) aux alentours de Damas la semaine dernière, l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a rapporté des mouvements de troupes importants vers Deraa. Les médias affiliés au régime de Bachar el-Assad ont rapporté vendredi que l’aviation syrienne a largué des prospectus au nord de la ville avec cet avertissement : « Les hommes de l’armée syrienne arrivent ».

Pour cette bataille, Damas serait prêt à se passer de son allié iranien si cela lui épargnait les interventions israéliennes sur son territoire, l’État hébreu ayant prévenu à plusieurs reprises qu’il ne tolérerait pas la présence iranienne en territoire syrien. Le journal saoudien Asharq al-Awsat a rapporté cette semaine que le régime donnerait des garanties pour tenir le Hezbollah et les autres milices obligées de Téhéran à 25 kilomètre de distance de la frontière israélienne. L’article ajoute que Damas est prêt à respecter la zone démilitarisée, comprise dans l’armistice signé en 1974 entre la Syrie et Israël. Ces informations sont encore à prendre avec précaution, mais des sources diplomatiques occidentales ont confirmé au Haaretz que la Russie a fait la navette entre Bachar el-Assad et Israël au cours de ces derniers jours. La même source a explicité au journal israélien les « consignes » de Vladimir Poutine au président syrien, lors de leur rencontre à Sotchi la semaine dernière : ajuster la présence iranienne en Syrie pour empêcher un affrontement militaire majeur avec Israël, le seul acteur régional à même de compromettre sérieusement les accomplissements russes en Syrie.


(Lire aussi : Lavrov : Seule l'armée syrienne devrait être déployée à la frontière sud du pays)


Mesures fermes et appropriées
Pour Damas et son parrain russe, il s’agit de planter un décor sûr pour boucler symboliquement la boucle : c’est à Deraa que la rébellion a débuté en 2011. Anticipant l’offensive au Sud, la Jordanie, la Russie et les États-Unis se sont entretenus de façon intensive ces dernières semaines. Les trois pays ont négocié en novembre dernier une zone tampon théoriquement vidée de toute présence iranienne. Deraa était comprise dans cette zone. Mais l’accord n’a jamais été respecté, ni par les Iraniens ni par les Syriens. Des combattants du corps des gardiens de la révolution et des miliciens chiites ont été observés périodiquement aux abords de la frontière, tandis que les forces du régime ont mené des incursions ponctuelles à l’intérieur de la zone démilitarisée du Golan. Les pourparlers tripartites visent à remettre à jour cette zone de désescalade pour délimiter le champ de bataille. À contre-courant de leurs récentes déclarations sur leur désengagement du territoire syrien, les États-Unis ont averti vendredi qu’ils prendront des « mesures fermes et appropriées » pour protéger le cessez-le-feu à la frontière israélienne. Autrement dit : si Téhéran se rapprochait, Washington pourrait être de la partie.


(Lire aussi : En Syrie, la fin de la lune de miel entre Moscou et Téhéran)


L’histoire ne s’arrête pas là
La déclaration de M. Lavrov confirme les nouvelles règles du jeu russe en Syrie. Le 9 mai, Vladimir Poutine déroulait le tapis rouge à Benjamin Netanyahu à Moscou. Quatre jours plus tard, c’était au tour du ministre iranien des Affaires étrangères de rencontrer son homologue Sergueï Lavrov. Enfin le 17 mai, Bachar el-Assad était convoqué à Sotchi. À l’issue de cette dernière entrevue, le Kremlin prévoyait qu’ « avec le début du processus politique dans sa phase la plus active, les forces armées étrangères vont se retirer du territoire syrien ». L’offensive sur Deraa qui se prépare et la focalisation des propos de M. Lavrov sur le Sud syrien semblent installer une première échéance à court terme pour que les Iraniens prennent leurs distances avec les frontières israélienne et jordanienne.

Le 10 mai, l’attaque objectivement timorée, mais hautement symbolique de la République islamique sur le versant israélien du Golan, avait fourni un prétexte suffisant à Israël pour mener son offensive la plus importante en Syrie depuis 1973. Moscou et Damas en ont certainement pris note. Tel-Aviv n’hésitera pas à gâcher le bouquet final à Deraa. Benjamin Netanyahu a réaffirmé hier qu’ « il n’y a pas de place pour la moindre présence militaire iranienne dans aucune partie de la Syrie ».

« C’est dans la logique des choses, au sens où la Russie doit donner des garanties aux États avec lesquels elle arbitre pour éviter une coalition de ces États contre sa domination en Syrie », explique Thomas Pierret, chercheur au CNRS-Iremam d’Aix-en-Provence. « Mais l’histoire ne s’arrête pas là. On peut avoir un retrait temporaire des Iraniens, ou un retrait en trompe-l’œil où ils maintiendraient une présence discrète. À long terme, il est fondamental pour Téhéran de conserver une présence dans le Sud syrien. La légitimation du projet iranien dans la région consiste à lutter contre Israël », poursuit le chercheur.


(Lire aussi : En Syrie, guerre et déplacements massifs redessinent la carte démographique)


Les Iraniens resteront en Syrie
Cela pourrait donc être un repositionnement tactique que Moscou offre à Téhéran pour mettre à l’abri ses positions des bombardements chroniques de l’armée israélienne. Téhéran a actuellement le choix entre deux formes d’humiliation : un pas en arrière depuis le Sud syrien, qui peut passer pour une reddition face aux injonctions israéliennes et américaines, ou se faire bombarder indéfiniment par l’État hébreu, avec tout ce que cela implique en coûts humains et matériels. « Un retrait temporaire des forces iraniennes est humiliant, mais il a les moyens de ne pas hypothéquer l’avenir. Téhéran n’a pas les moyens de répondre à la campagne de bombardement israélienne. Et les Iraniens savent que le prix à payer est très lourd », résume M. Pierret. Concentré sur le dossier nucléaire, après la sortie américaine de l’accord, Téhéran est resté relativement mesuré face aux déclarations inédites de Moscou, se contentant de rappeler la semaine dernière, via son porte-parole du ministère des Affaires étrangères Bahram Ghassemi, que personne ne pouvait dicter sa politique à l’Iran. Au-delà de cette mise au point « pour la forme », il semble que le réalisme ait voix au chapitre à Téhéran.

Ce repli tactique, qui exige des Iraniens de faire profil bas spécifiquement dans le Sud syrien, ne signifie pas pour autant un changement de cap stratégique des forces pro-Assad. « Les Iraniens resteront en Syrie. Les Européens tablent sur l’éclatement de l’alliance russo-iranienne, et c’est un scénario que Poutine essaie de vendre aux Occidentaux et à Israël pour apaiser ses interlocuteurs », avance Fabrice Balanche, géographe spécialiste de la Syrie à l’Université Lyon II. Surtout que les contours de la « présence iranienne » en Syrie sont difficilement délimitables, entre une présence « infrastructurelle » ciblée par Israël et les « ressources humaines » nettement plus sporadiques. Le personnel iranien noyaute les forces armées syriennes, et ses liens avec les milices chiites sont plus ou moins rigides. Téhéran peut jouer de cette confusion pour se ménager une porte de sortie à la carte, permettant de conserver une emprise en trompe-l’œil sur le palier de l’État hébreu.



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commentaires (5)

L'important n'est pas de lire parce qu'on sait lire le français, mais de bien lire entre les lignes . POUR ceux qui disaient que le golan usurpé syrien était en paix depuis 40 ans parce que soit disant la famille des héros ASSAD l'avaient "objectivement" retrocedé aux usurpateurs devraient comprendre que cette partie de la Syrie ne sera pas avalée par eux , tôt ou tard . Su un panneau planté à Téhéran il est écrit : " bush nous a livré l'Irak, Obama la Syrie, et nous attendrons que trump-pete nous livre israel " . Ceci pour dire que la guerre frappe aux portes de l'usurpie, rendez vous compte que les négociations se font sur le front de ce pays usurpateur et non plus comme cela était fait depuis sa création, aux frontières des pays arabes de la confrontation. Rendez vous compte que la Russie, on n'oublie pas combien les détracteurs qui disant que la Syrie serait son Afghanistan etc... Est aujourd'hui le centre et l'arbitre de cette confrontation . Venir nous dire que nathanyahou est l'ami de Poutine patati patata.... C'est se cacher derrière son auriculaire . Ils se détestent et veulent chacun que l'autre decampe du pouvoir , mais comme on ne pouvait pas s'attaquer aux nazis de 39 a 42 de Hitler naguère, on ne peut pas non plus s'attaquer à israel de façon irréfléchi aujourd'hui. MAIS CROYEZ MOI PAS , ON RÉFLÉCHI COMMENT METTRE FIN À CETTE BARBARIE USURPATRICE DE TOUS LES CÔTÉS . ON trouvera la voie qui NOUS y mènera .

FRIK-A-FRAK

11 h 12, le 29 mai 2018

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Commentaires (5)

  • L'important n'est pas de lire parce qu'on sait lire le français, mais de bien lire entre les lignes . POUR ceux qui disaient que le golan usurpé syrien était en paix depuis 40 ans parce que soit disant la famille des héros ASSAD l'avaient "objectivement" retrocedé aux usurpateurs devraient comprendre que cette partie de la Syrie ne sera pas avalée par eux , tôt ou tard . Su un panneau planté à Téhéran il est écrit : " bush nous a livré l'Irak, Obama la Syrie, et nous attendrons que trump-pete nous livre israel " . Ceci pour dire que la guerre frappe aux portes de l'usurpie, rendez vous compte que les négociations se font sur le front de ce pays usurpateur et non plus comme cela était fait depuis sa création, aux frontières des pays arabes de la confrontation. Rendez vous compte que la Russie, on n'oublie pas combien les détracteurs qui disant que la Syrie serait son Afghanistan etc... Est aujourd'hui le centre et l'arbitre de cette confrontation . Venir nous dire que nathanyahou est l'ami de Poutine patati patata.... C'est se cacher derrière son auriculaire . Ils se détestent et veulent chacun que l'autre decampe du pouvoir , mais comme on ne pouvait pas s'attaquer aux nazis de 39 a 42 de Hitler naguère, on ne peut pas non plus s'attaquer à israel de façon irréfléchi aujourd'hui. MAIS CROYEZ MOI PAS , ON RÉFLÉCHI COMMENT METTRE FIN À CETTE BARBARIE USURPATRICE DE TOUS LES CÔTÉS . ON trouvera la voie qui NOUS y mènera .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 12, le 29 mai 2018

  • Sage décision. Un compromis provisoire. En attendant une solution définitive pour toute la Syrie. Une Syrie morcelée pour le moment.

    Sarkis Serge Tateossian

    09 h 23, le 29 mai 2018

  • MOSCOU DEVRAIT ECARTER LA PRESENCE MILITAIRE DE L,IRAN ET DE SES ACCESSOIRES DE TOUTE LA SYRIE SI ON VEUT LA PERMISSION OU UN ACCORD SUR DERAA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 27, le 29 mai 2018

  • ISRAEL NE PERMETTRAIT AUCUNE PRESENCE IRANIENNE MILITAIRE SUR AUCUNE PART DU TERRITOIRE SYRIEN. IL FAUT PRENDRE CETTE MENACE TRES AU SERIEUX. RESTER A 25 OU A 5O KMS DES FRONTIERES ISRAELIENNES EST UN SOUHAIT DEFENDU POUR L,IRAN. ET L,IRAN VA OBTEMPERER OU RISQUER UNE GUERRE QUI SERAIT VITE TRANSPORTEE SUR SON TERRITOIRE MEME !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 16, le 29 mai 2018

  • Moscou la fait pas pour faire une fleure aux iraniens ... mais pour un autre pays

    Bery tus

    07 h 10, le 29 mai 2018

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