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Liban - Repère

Naturalisation : ce que dit la loi au Liban

Le pouvoir discrétionnaire du chef de l’État est encadré par la Constitution et la loi sur la nationalité.

Photo tirée du site graphicshoplb.com qui a dessiné les nouveaux passeports biométriques libanais.

La polémique de ces derniers jours autour du décret controversé sur la naturalisation de quelques centaines de ressortissants étrangers, dont une écrasante majorité de Syriens et de Palestiniens, a mis l’accent sur le pouvoir dont bénéficie le chef de l’État d’accorder la nationalité libanaise. Ce pouvoir discrétionnaire est cependant encadré par la Constitution et la loi sur la nationalité.


Que dit la loi ?


« Au Liban, l’octroi de la nationalité s’effectue de deux manières : par acquisition de plein droit par la naissance et le lien de filiation avec le père ; ou par naturalisation, accordée à titre individuel en vertu d’un décret signé par le chef de l’État », précise l’ancien ministre de la Justice Ibrahim Najjar, interrogé par L’Orient-Le Jour. Selon l’article 6 de la Constitution, « la nationalité libanaise, la manière dont elle s’acquiert, se conserve et se perd seront déterminées par la loi ».
La loi-cadre sur la nationalité libanaise est définie par l’arrêté n° 15 du 19 janvier 1925, édicté durant le mandat français sur le Liban et amendé à plusieurs reprises depuis, notamment en ce qui concerne l’octroi de la nationalité aux femmes et la transmission de la nationalité à leurs enfants.
L’arrêté 160 du 16 juillet 1934, édicté durant le mandat du haut-commissaire Damien de Martel, stipule qu’un étranger « peut obtenir la nationalité libanaise sur décision du chef de l’État, après vérification et sur demande de cette personne qui a rendu au Liban des services importants ». Cet arrêté indique que le texte du décret doit indiquer les « services importants » rendus par la personne demandant la naturalisation. « C’est le cas, par exemple, de plusieurs recteurs français de l’Université Saint-Joseph. Ils ont servi l’intérêt général et il était normal de leur rendre cette justice », note M. Najjar.
Selon l’article 65 de la Constitution, une modification de la loi sur la nationalité, considérée comme une « question fondamentale » au même titre que la décision de guerre, requiert l’approbation des deux tiers des membres du gouvernement.



La signature du décret


L’article 54 de la Constitution stipule que « les actes du président de la République doivent être contresignés par le chef du gouvernement et par le ou les ministres intéressé(s) ». Dans ce cadre, le décret de naturalisation doit être signé par le ministre de l’Intérieur, chargé d’effectuer les vérifications d’usage sur les personnes candidates à l’obtention de la nationalité. Il s’agit d’éviter, par exemple, que la nationalité soit donnée à une personne ayant commis un crime. Le texte doit également être signé par le Premier ministre puis par le président de la République pour qu’il devienne effectif dès sa publication.
Selon l’usage, ce type de décret fait partie des textes qui ne sont pas publiés au Journal officiel. « Mais l’État n’a pas le droit de cacher des informations. Les justiciables ont le droit de savoir », souligne Ibrahim Najjar.
À noter que l’octroi de la nationalité ne s’accompagne ni d’une cérémonie quelconque ni d’une prestation de serment, comme il est d’usage dans d’autres pays.


(Lire aussi : Les noms des « nouveaux naturalisés » bientôt publiés : avec ou sans lifting?)




La marge de manœuvre du président


« Le chef de l’État ne jouit pas, à proprement parler, d’un pouvoir discrétionnaire, c’est-à-dire n’obéissant à aucun contrôle, sur base de son humeur », explique Ibrahim Najjar. En théorie, le chef de l’État a toute latitude pour décider du nombre, du sexe et de l’identité confessionnelle des personnes qu’il souhaite naturaliser, « même si les communautés ont, généralement, un droit de regard », précise M. Najjar. « Mais gare au détournement de cette prérogative du chef de l’État. Elle ne peut pas être utilisée pour effectuer un rééquilibrage confessionnel ou permettre la transmission par les Libanaises de leur nationalité à leurs enfants », met en garde l’ancien ministre.
 « Il n’est pas anodin d’accorder la nationalité libanaise car elle a des conséquences juridiques importantes. Elle peut permettre d’échapper aux règles d’embargo international frappant certains pays, d’ouvrir un compte ou d’acquérir des biens immobiliers au Liban plus facilement », insiste M. Najjar.



Déchéance de nationalité


L’article 8 de l’arrêté n° 15/S du 19 janvier 1925 définit les conditions de déchéance de la nationalité libanaise. Ainsi, le chef de l’État peut déchoir un individu de sa nationalité libanaise qu’il s’était vu octroyer par décret s’il a acquis une autre nationalité par la suite, s’il est condamné pour « crime contre la sûreté de l’État » ou s’il est « membre d’une association ayant comploté ou attenté à la sûreté de l’État ». Il peut également révoquer la nationalité libanaise à un Libanais acceptant au Liban une fonction confiée par un gouvernement étranger sans autorisation préalable du gouvernement libanais.


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commentaires (6)

...""Ainsi, le chef de l’État peut déchoir un individu de sa nationalité libanaise qu’il s’était vu octroyer par décret s’il a acquis une autre nationalité par la suite"",... On l’a bien compris, pour ne pas le rendre apatride. MAIS : ""s’il est condamné pour « crime contre la sûreté de l’État » ou s’il est « membre d’une association ayant comploté ou attenté à la sûreté de l’État ». Il peut également révoquer la nationalité libanaise à un Libanais acceptant au Liban une fonction confiée par un gouvernement étranger sans autorisation préalable du gouvernement libanais."" Pour des crimes contre la sûreté de l’Etat, si quelqu’un nous cite un seul cas de déchéance ...

L'ARCHIPEL LIBANAIS

00 h 47, le 08 juin 2018

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Commentaires (6)

  • ...""Ainsi, le chef de l’État peut déchoir un individu de sa nationalité libanaise qu’il s’était vu octroyer par décret s’il a acquis une autre nationalité par la suite"",... On l’a bien compris, pour ne pas le rendre apatride. MAIS : ""s’il est condamné pour « crime contre la sûreté de l’État » ou s’il est « membre d’une association ayant comploté ou attenté à la sûreté de l’État ». Il peut également révoquer la nationalité libanaise à un Libanais acceptant au Liban une fonction confiée par un gouvernement étranger sans autorisation préalable du gouvernement libanais."" Pour des crimes contre la sûreté de l’Etat, si quelqu’un nous cite un seul cas de déchéance ...

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    00 h 47, le 08 juin 2018

  • On ne voit pas du tout l’intérêt général de ces palestiniens syriens yemenites qui veulent devenir libanais . La Honte .

    Antoine Sabbagha

    17 h 39, le 07 juin 2018

  • Ma fille D. née au Liban en 1963, à Sarba-Kesrouan, numéro du registre de l'Etat civil 37/Sarba-Kesrouan. Mariée en France avec un Français. Son fils âgé de 22 ans souhaiterait être Libanais comme sa mère. Je viens de lire dans An-Nahar la liste officielle des naturalisés originaires des quatre coins du monde. Mon petit-fils peut-il obtenir la nationalité libanaise, comme sa mère et comme son grand-père ?

    Un Libanais

    16 h 22, le 07 juin 2018

  • Le respect de l'application de la loi Mrs...

    Soeur Yvette

    16 h 22, le 07 juin 2018

  • Mais que dites-vous Mr Najjar au dernier paragraphe? Si un individu a acquis une autre nationalité par la suite, il pourrait être déchu de sa nationalité Libanaise? En somme, si je comprend bien, le Liban n’accepte pas la double nationalité? Si c’est le cas, on n’applIque pas la loi et il faudrait l’amender car ça n’a aucun sens! Sinon, c’est quoi le crime commis pour que le chef d’état ait le droit de déchoir l’individu de sa nationalité? Merci pour ces clarifications peut-être dans un autre article.

    Saliba Nouhad

    14 h 57, le 07 juin 2018

  • LA LOI DIT CE QU'ELLE DIT MAIS LA CORRUPTION RESTE LA CORRUPTION !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 28, le 07 juin 2018

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