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Moyen Orient et Monde - Gaza

Le Hamas « pris au jeu » du Jihad islamique ?

Les deux mouvements radicaux ont fini par revendiquer ensemble les tirs de roquettes sur Israël, un prétendu travail d’équipe qui couvre une relation ambiguë entre les deux factions.

Un nuage de fumée s’élève depuis la bande de Gaza suite à une frappe de l’armée israélienne en réaction à des tirs de roquettes revendiqués par le Jihad islamique et le Hamas, le 29 mai 2018. Thomas Coex/AFP

Un second rôle a occupé mardi dernier la scène gazaouie. Très tôt après les deux premières salves de roquettes tirées en direction du sud d’Israël, dont la majorité se sont heurtées au « Dôme de fer », l’armée israélienne a identifié le Jihad islamique, deuxième faction palestinienne en importance dans la bande de Gaza après le Hamas, comme l’auteur de l’attaque. La réponse de l’État hébreu intervenue quelques heures plus tard a visé en priorité les positions du Jihad islamique dans l’enclave palestinienne. L’aparté du « second » gazaoui avec l’adversaire israélien s’est officiellement interrompu dans la soirée, lorsque le Hamas s’est joint au communiqué de revendication des tirs de mortier.

L’enchaînement des faits interroge sur le poids respectif du Jihad islamique et du Hamas dans la décision d’attaquer. Israël a attribué les tirs au premier, mais choisi aussi de frapper, à la marge, des cibles du second. Et le Hamas a semblé donner raison à Tel-Aviv en corevendiquant l’attaque le soir même. Le Jihad islamique a clairement explicité ses motifs : il s’agissait de répondre aux tirs de chars israéliens qui ont abattu trois de ses combattants dimanche dernier le long de la clôture de sécurité. La proximité avec l’hécatombe de la « grande marche du retour », où plus de 110 Palestiniens ont été mortellement fauchés par l’armée israélienne depuis mars, laisse penser que le Hamas a saisi l’occasion de rétablir un semblant de réciprocité avec l’État hébreu. Le mouvement a laissé les armes au placard durant la contestation, afin de maximiser les sympathies internationales pour les manifestants. Juste avant la grande marche, il s’est trouvé en position de demandeur pour négocier un allègement du blocus avec Tel-Aviv. Mais l’attentisme militaire trouve ses limites lorsque, butant sur l’impasse diplomatique et la très éphémère percée médiatique, le Hamas s’expose aux accusations de complaisance à l’égard de l’ennemi. Et devient plus vulnérable à la concurrence d’organisations qui ont la liberté d’en découdre. Durant la guerre de novembre 2012, le Jihad islamique avait tiré plus de 300 roquettes sur Israël. À plusieurs reprises depuis, des responsables militaires, des rapports du renseignement et des analystes israéliens ont signalé que ce groupe était plus problématique pour l’État hébreu que le Hamas, car n’étant pas encombré par l’exercice du pouvoir, il dispose d’une marge plus importante pour s’engager dans la lutte armée.


(Lire aussi : Escalade à Gaza : pourquoi maintenant ?)

Précédents
Le Jihad islamique et des groupes salafistes ont critiqué les trêves imposées par le Hamas après les opérations « Plomb durci » en 2008-2009 puis « Bordure protectrice » à l’été 2014. Le Hamas essaie de juguler ces groupes et de leur faire respecter l’accalmie, mais ne peut pas se permettre de s’opposer franchement à leurs initiatives, au risque de passer pour le « gardien de prison ». Depuis la fin de l’opération « Bordure protectrice », plusieurs fois les ruptures du cessez-le-feu ont été le fait de tirs de roquettes tirées par des factions dissidentes. À chaque fois, le Hamas en tant que gestionnaire de la bande de Gaza a fait les frais de la répression israélienne pour des roquettes lancées par d’autres groupes. C’est un exercice schizophrénique auquel se livre l’organisation : les leçons retenues de la guerre de 2014 commandent la prudence à l’égard d’Israël, tandis qu’il doit tolérer les dérapages de factions concurrentes, pour ne pas sembler tiédir face à l’ennemi. Cette position inconfortable d’« administrateur » qui doit réfréner des factions armées sœurs peut en partie expliquer la confusion de mardi dernier. Le Hamas ne pouvait pas ne pas savoir ce qui se préparait, car depuis plusieurs mois la coordination avec le Jihad islamique s’est renforcée. Il y a à la fois la réponse « due » à Israël et la nécessité de ne pas laisser une initiative du Jihad islamique disputer le prestige combattant du « mouvement de la résistance », selon la terminologie usitée par les officiels du Hamas. Alors même que le Hamas cherche à remettre les clés de Gaza à l’Autorité palestinienne, via un protocole de réconciliation interpalestinienne conclu en octobre dernier, il est partiellement rattrapé par cette émulation complexe avec d’autres factions armées. L’opération du Jihad islamique a très probablement placé le leadership du Hamas dans une situation embarrassante. En témoigne la précipitation avec laquelle les factions palestiniennes ont annoncé un cessez-le-feu, rapidement démenti par Israël. Le dérapage de mardi ne signifie donc pas que le Hamas a renoncé à la négociation avec Tel-Aviv et l’Autorité palestinienne.


(Lire aussi : « À Gaza, l’économie et la société civile sont littéralement étouffées par le blocus israélien »)

Prédilection iranienne
Une raison supplémentaire pour le Hamas de ménager le Jihad islamique est que ce dernier jouit d’une plus forte confiance de la part de Téhéran. Les sources spirituelles de l’organisation radicale se trouvent dans la révolution iranienne pour laquelle elle cultive une fascination certaine. Le mouvement est né en 1981 dans la foulée de la chute du shah. Contrairement au Hamas, le Jihad islamique n’a pas hésité sur la position à adopter lors du déclenchement de la crise syrienne. Ses bureaux à Damas sont restés ouverts, et il ne s’est pas désolidarisé du régime syrien. Le Hamas, dont l’Iran est la principale béquille économique, s’est quant à lui de nouveau retrouvé face au dilemme que lui imposent le pouvoir et la visibilité internationale. Il lui était impossible de critiquer la répression d’un régime qui lui a accordé une plate-forme de politique étrangère et une protection cruciales depuis son expulsion de Jordanie en 1999. Mais il lui a été extrêmement coûteux en termes d’image de ne pas se ranger du côté des opprimés. Après avoir maintenu un temps une présence en trompe-l’œil, le Hamas a fermé ses bureaux syriens en février 2012. Par deux fois, Téhéran aurait divisé par deux le montant de son soutien économique au Hamas, de 150 millions à 75 millions de dollars par an environ, tandis que les 50 millions annuels du Jihad islamique seraient restés intacts. Au niveau régional, le Jihad islamique a profité de la fragilisation des relations entre Téhéran et le Hamas pour se tailler une meilleure place au sein de « l’axe de la résistance », juste entre l’Iran et le Hezbollah. Téhéran a probablement employé le mauvais pari du Hamas comme un moyen de pression efficace sur le mouvement au pouvoir à Gaza depuis 10 ans. Les relations entre les deux se sont nettement réchauffées depuis, notamment grâce à la « bonne volonté » du leadership gazaoui. L’endossement a posteriori par le Hamas de la responsabilité des tirs du Jihad islamique peut ainsi potentiellement répondre à une attente iranienne.


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MANIPULE PAR L'IRAN PLUTOT !

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 51, le 01 juin 2018

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  • MANIPULE PAR L'IRAN PLUTOT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 51, le 01 juin 2018

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