De gauche à droite : André Kamkhanji, Karina et Lina Dayan, et Jaky Diwan.
« Que je sois en France, aux États-Unis ou au Brésil, les gens me demandent si je suis libanais. Oui, je suis né au Brésil de parents libanais », raconte Jaky Diwan qui vient de découvrir son pays d’origine, avec son épouse Lina Dayan, sa belle-sœur Karina et l’époux de cette dernière André Kamkhanji.
Ils sont tous les quatre juifs du Liban nés à l’étranger et vivent à São Paolo. La famille de Jaky Diwan est originaire de Saïda, celle d’André Kamkhanji est de Beyrouth alors que les parents des deux sœurs Dayan sont originaires d’Alep. Ils ont fui pour Beyrouth en 1948 quand des exactions ont visé les juifs de cette ville syrienne lors de la création de l’État d’Israël.
Ils ont découvert pour la première fois, le mois dernier, leur pays d’origine juste pour vérifier si ce que leurs parents leur ont raconté du Liban est vrai. Leur surprise a été agréable et ils promettent de revenir avec leurs enfants et leurs parents.
André Kamkhanji a 43 ans. Il est père de quatre enfants. Il est né et a été élevé à Milan, avant de partir pour le Brésil. « Mes parents se sont rencontrés à Beyrouth et se sont établis en Italie quand ils se sont mariés en 1972. J’étais venu au Liban une fois quand j’étais tout petit, juste avant la guerre en 1975. Nous étions venus rendre visite à mes grands-parents. Tous les deux sont morts peu après le début des événements et ils sont enterrés au cimetière de Sodeco. J’ai visité leurs tombes lors de mon séjour », raconte-t-il.
« Avant que je vienne au Liban, ma mère qui a grandi à Wadi Abou Jamil et qui habite toujours l’Italie m’a dit d’aller au café Chamat à Bhamdoun, qui n’existe plus et où les hommes se retrouvaient pour jouer au tric-trac, de me rendre à Jounieh, au Casino du Liban et à Harissa. J’ai passé mon temps à lui envoyer des photos. Je suis sûr que la prochaine fois elle viendra avec moi », dit-il.
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L’usage de la langue française
Jaky, 58 ans, parle très bien l’arabe. Né au Brésil, il souligne que « de nombreux amis libanais d’autres confessions m’ont encouragé à venir au Liban ». « Depuis que j’étais jeune, ma mère me disait en arabe qu’il faut que je me marie avec une personne de chez nous. C’est-à-dire une juive du Moyen-Orient, du Liban de préférence, et les parents de ma femme ont vécu à Beyrouth avant de s’établir au Brésil. Si nous parlons encore français, c’est parce que nos parents au Liban étaient francophones et nous avons baigné dans la langue française depuis notre enfance », explique-t-il.
Jaky, qui est père de trois enfants, travaille «comme tout Juif dans le textile », dit-il, avec un brin d’humour. Sa mère, Mireille Saadia, était la fille du vice-président du Conseil de la communauté juive au Liban. Son père originaire de Saïda et né à Alep était membre du Conseil de la communauté juive au Liban. « Mes parents ont quitté Beyrouth pour le Brésil en 1956. Pour les juifs du Liban, le facteur de la coexistence auquel ils ont été habitués au Liban est resté très important. C’est l’une des valeurs qui nous ont été inculquées. Et nous avons toujours des amis libano-brésiliens chrétiens et musulmans », dit-il.
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Les juifs du Liban ont commencé au début du siècle dernier à arriver au Brésil, où ils ont bâti une synagogue qui porte leur nom.
Lors de leur séjour au Liban, André et Jaky et leurs épouses ont bien sûr visité Wadi Abou Jamil et sa synagogue, Aley et Bhamdoun, les cimetières de Sodeco et de Saïda où leurs proches sont enterrés. Comme tous les Libanais de la deuxième ou troisième génération d’émigrés, ils se sont aussi rendus à Jeïta, Baalbeck, Byblos et d’autres sites touristiques. Ils ont veillé dans les boîtes de nuit jusqu’à l’aube et ils ont bien mangé. « Au Brésil, la communauté libanaise est très importante et nous trouvons des plats libanais partout mais bien sûr ici les aliments ont un autre goût », dit Jaky.
Ils reviendront certes avec leurs enfants au Liban. Et comme tous les Libanais de l’étranger, ils sont rentrés dans leur pays d’accueil avec un excédent de bagage en zaatar, bzourat et surtout baklawa, de chez Bohsali, l’une des plus vieilles enseignes de douceurs arabes beyrouthines, et que leur famille au Brésil, qui se souvient encore de Beyrouth, leur a vivement conseillé.
NDLR : Nous remercions Nagi Georges Zeidan, chercheur dans la question des juifs du Liban, pour le contact.
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18 h 32, le 05 mai 2020