Six

Comme prévu, à l’issue du scrutin de la décennie, il n’y a toujours pas assez de femmes pour collaborer à la gestion de la maison Liban. La moitié de la population n’est représentée que par 6 députées sur 128. Un petit pourcentage par rapport au nombre record de candidates, mais il s’agit paradoxalement d’un nombre jamais atteint depuis la création de la République libanaise. Il faut donc s’en réjouir comme d’une véritable percée face au machisme endémique du pays. Il est intéressant de relever aussi que, même rattachées à des mouvances traditionnelles (un coup de chapeau s’impose, au passage, au courant du Futur, dont émanent trois des six), la grande majorité de ces nouvelles élues n’appartiennent pas à des dynasties politiques. Relativement jeunes, elles ont fait de hautes études, connaissent leurs dossiers et sont, de plus, engagées avec détermination et sincérité dans des causes sociales et écologiques. Leurs caractères sont trempés, leur envie d’agir réelle et leur force de travail indiscutable. Deux d’entre elles sont divorcées, signe de leur autonomie, de leur résilience peut-être, et qui laisse soupçonner leur expérience de ces litiges sordides où les tribunaux religieux qui ne comprennent aucune femme donnent le plus souvent l’avantage aux maris. La population féminine libanaise pourra donc compter sur ces alliées dont le petit nombre peut devenir un atout, du fait qu’il les rend plus visibles. Elle devra aussi les soutenir avec tous ses moyens. Elles sont la toute petite partie émergente d’un iceberg somptueux constitué d’un nombre incalculable de femmes de la même veine, et déjà l’image positive qu’elles présentent met à mal les clichés lassants sur la futilité, l’abus de chirurgie plastique et l’obsession de l’apparence véhiculés sur les Libanaises.

Il est temps que nos lois cessent d’infantiliser les femmes. Qu’elles leur restituent leurs pleins droits, celui de transmettre leur nationalité au même titre que les hommes comme celui d’effectuer des démarches légales et administratives au nom de leurs enfants mineurs, voire d’ouvrir des comptes en banque à leur nom ou de voyager avec eux sans le contreseing obligatoire de leur père. L’égalité des salaires à compétences égales ne devrait pas être un luxe. La parité devrait être exigée dans tous les domaines. Ce n’est pas en soumettant le sexe qu’il se plaît à considérer faible que l’homme sera plus fort. En Europe, les deux guerres mondiales ont accéléré la libération des femmes à tous les niveaux. Sans leur contribution, des sociétés entières auraient été décimées. Nous avons eu notre part de conflits sanglants, et l’histoire est témoin que les femmes du Liban ont joué un rôle crucial dans la survie de tous. Elles incarnent la résilience et c’est par leur seule autonomisation que nous pourrons progresser. On ne peut pas éternellement compter sur les faibles moyens de la société civile pour sans cesse rectifier les abus à l’encontre de la population féminine. Six députées, six épaules sur lesquelles pèsera la responsabilité de veiller à ce que nous soyons tous égaux devant la loi, et les femmes non moins égales que d’autres.