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Liban - Loi de finances

Le Conseil constitutionnel suspend l’application de l’article 49

La décision sur la forme et le fond devrait être rendue dans un délai d’un mois.

Le fronton du siège du Conseil constitutionnel, à Beyrouth. Photo Ani

Il a suffi que dix députés, emmenés par le chef des Kataëb, Samy Gemayel, forment mardi dernier un recours en invalidation de l’article 49 de la loi du budget 2018 auprès du Conseil constitutionnel (CC) pour que ce dernier suspende hier cette disposition portant sur l’octroi d’un permis de séjour aux étrangers en contrepartie de l’acquisition d’un appartement d’une valeur de 750 millions de livres à Beyrouth et de 500 millions en province.
Jugé par certaines parties comme un préliminaire à la naturalisation et à une implantation camouflée des déplacés et réfugiés, notamment par le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, et M. Gemayel, l’article 49 avait suscité, dès l’adoption de la loi de finances, le 29 mars, leurs protestations. M. Gemayel a même demandé au chef de l’État, Michel Aoun, de ne pas l’approuver et de le renvoyer au Parlement, mais M. Aoun a choisi de signer la loi de budget dans son ensemble, se contentant d’adresser au Parlement une lettre lui demandant de la réexaminer. Ne voulant pas en démordre, le président des Kataëb a réuni neuf signatures de député (Nadim Gemayel, Élie Marouni, Samer Saadé, Fady Habre, Gilberte Zouein, Dory Chamoun, Serge TerSarkissian, Youssef Khalil et Élie Aoun), outre la sienne, pour intenter l’action en invalidation du texte.
Composé de ses président et vice-président, Issam Sleiman et Tarek Ziadé, et de huit autres membres, Ahmad Takieddine, Antoine Messarra, Antoine Kheir, Zaghloul Attié, Toufic Soubra, Souheil Abdel Samad, Salah Moukheiber et Mohammad Mortada, le CC a décidé « à l’unanimité la suspension de l’application de l’article 49, en attendant d’émettre un jugement sur la forme et le fond », lié tant à cet article qu’à la loi du budget dans son ensemble.

Le CC ne donne pas d’explication sur les motifs de sa décision
Questionné sur des informations selon lesquelles la réunion a été marquée par des échanges virulents, M. Sleiman a affirmé à L’Orient-Le Jour que « ces propos n’ont aucun fondement ». « Comment la décision aurait-elle pu être prise à l’unanimité s’il existait un différend entre ses membres ? » demande-t-il, soulignant qu’« il est naturel que chacun exprime son opinion avant de participer au vote ». « Le Conseil constitutionnel a toujours adopté un style démocratique dans la conduite des discussions », ajoute le président du CC pour insister sur le caractère harmonieux des débats.
Un constitutionnaliste joint par L’OLJ indique que le CC a probablement suspendu la disposition précitée parce que son application aurait pu produire des effets immédiats. « Sans la suspension décrétée, tout ressortissant arabe ou étranger qui, à partir d’aujourd’hui, aurait acquis un appartement aurait eu le droit d’obtenir un permis de séjour », explique cet expert, ajoutant que « cela aurait posé des problèmes dans le cas où le Conseil constitutionnel déciderait finalement d’invalider l’article ». Il juge par contre que si le reste de la loi du budget n’a pas été suspendu, c’est pour des « considérations d’intérêt général ». Pour ce constitutionnaliste, « le Parlement est en fin de mandat, et si le budget avait été bloqué, son examen aurait été reporté sine die ». Ce qui, selon lui, « aurait enfreint le principe de la continuité des services de l’État ».
Lors de sa réunion d’hier, le président du CC a désigné parmi ses membres un rapporteur qui devrait présenter son rapport dans un délai de 10 jours. Une nouvelle réunion est prévue le 8 mai et peut rester ouverte si les discussions n’ont pas pris fin, à condition que le CC rende sa décision finale dans un délai d’un mois, soit aux alentours du 25 mai. Le quorum requis pour la tenue de la séance est de 8 membres, et le jugement est rendu à la majorité de 7 membres.

Le point de vue d’un expert
Salah Honein, expert en droit constitutionnel, considère que le débat aurait dû porter sur le caractère nocif ou bénéfique de l’article 49 plutôt que sur sa constitutionnalité. Il estime à cet égard que le gouvernement aurait dû « prendre en considération les appréhensions des Libanais, en ces temps où un million et demi de déplacés se trouvent sur le territoire ». « S’il était tellement persuadé de l’opportunité de l’article 49, il aurait dû élaborer un projet de loi en dehors du budget, plutôt que de le faire passer de manière quasi clandestine au milieu de mille pages », fait valoir M. Honein, soulignant qu’« il aurait mieux valu que le gouvernement expose des motifs et raisons propres à convaincre de l’utilité et des bienfaits de la loi ».
Il note en outre que la seconde erreur provient de la Chambre. « Aucun député n’a critiqué l’article 49 pendant son examen par la commission du Budget et des Finances », déplore-t-il, affirmant que « des pressions auraient dû s’exercer à travers par exemple des conférences de presse exposant à l’opinion publique le danger que présente la loi. On peut également reprocher aux députés de ne pas être intervenus lors du vote à la séance plénière, ou pour le moins que leur intervention ne soit pas parvenue à entraver le processus ». « Quant au chef de l’État, il aurait dû utiliser la prérogative que lui donne l’article 57 de la Constitution pour demander à la Chambre une nouvelle délibération de la loi, laquelle ne peut lui être refusée », ajoute le juriste, déplorant que M. Aoun « ait préféré lui adresser une lettre non contraignante, n’imposant pas un nouveau vote ».

Un « cirque », selon Kanaan
Les efforts déployés pour le recours en invalidation ont été décrits comme « un cirque » par Ibrahim Kanaan, président de la commission du Budget et des Finances. Dans une conférence de presse tenue à son bureau à Jdeidé, il a accusé Samy Gemayel, sans le nommer, « de brandir le slogan de la protection des finances publiques en raison de ses enchères électorales ».
M. Kanaan a notamment déclaré qu’« un cavalier budgétaire ne constitue pas une infraction à la Constitution », indiquant que « la composition et le contenu du budget sont régis par la loi de comptabilité publique ». « Mais nous remercions Dieu que le Conseil constitutionnel ait suspendu provisoirement l’article 49 pour que l’auteur du recours ne perde pas aux élections et pour que ses actes héroïques soient enregistrés », a ironisé M. Kanaan, adversaire du chef des Kataëb dans la circonscription du Metn. Pour lui, le permis de séjour stipulé dans cette loi est « temporaire », et celui qui l’obtient « ne sera jamais naturalisé, vu que la nationalité libanaise ne s’obtient que par le lien de sang ou par une décision du président de la République ». « Il n’y a aucun lien entre le droit à la propriété et au séjour d’un étranger et la naturalisation », a-t-il encore insisté.


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