De passage à Nancy, le jeune réalisateur syrien Ziad Kalthoum a présenté son deuxième film, Taste of Cement. Ce natif de Homs réfugié à Beyrouth, après avoir déserté l’armée en 2013 parce qu’il refusait de combattre son propre peuple, dépeint dans Taste of Cement le quotidien des ouvriers du bâtiment syriens qui construisent un gratte-ciel dans la capitale libanaise, tandis que la guerre qui fait rage en Syrie y détruit leurs propres maisons.
Devant le public nancéen conquis par cette œuvre cinématographique visuellement ambitieuse, chargée de parallélismes, Ziad Kalthoum explique que « la caméra prend la position du système, voire du régime, qui réduit ces ouvriers en esclaves et qui ne leur donne pas l’occasion de s’exprimer. On les voit juste comme des outils. On les déshumanise ». Ayant imposé un couvre-feu à ces réfugiés, le gouvernement libanais leur interdit de quitter les lieux après 19h. On peut donc les voir emprisonnés sur leur propre site de travail. Leur seul lien avec l’extérieur est ce trou par lequel, chaque matin, ils sortent pour aller travailler. Sans contact aucun avec leur pays d’origine, ils se rassemblent le soir devant un petit poste de télévision pour obtenir des bribes d’information concernant la Syrie.
(Pour mémoire : Comment gifler l’intelligence des Libanais...)
Récompensé par de nombreux prix, Taste of Cement, dont la diffusion a été interdite au Liban, joue sur le contraste des machines qui, en Syrie, servent à détruire, alors qu’au Liban, elles sont utilisées pour construire, ou plus exactement reconstruire.
Ziad Kalthoum s’interroge particulièrement sur cette notion de reconstruction omniprésente. En précisant que tous les efforts ont été mis sur le redressement des bâtiments de Beyrouth, mais pas sur celui de la société libanaise. Les problèmes entre les communautés religieuses ont ainsi été occultés, et c’est selon un concept ultracapitaliste que la ville a été rebâtie. Par ailleurs, les espaces verts ont été également négligés en faveur du béton. Les quinze ans de guerre n’auraient donc servi à rien. Si les ouvriers réfugiés syriens, rongés par l’angoisse et l’anxiété, privés des droits de l’homme et du travailleur les plus élémentaires, continuent eux de croire qu’une autre vie est possible, Ziad Kalthoum, en effectuant ce parallélisme entre les deux pays, se demande si plus tard on ratera aussi la reconstruction de la Syrie.
Dans son livre Un candide en Terre sainte (2008), le philosophe Régis Debray considérait le Liban comme le laboratoire du monde à venir. On peut aussi se demander, après avoir vu Taste of Cement, quel avenir nous attend, s’il sera gris comme le ciment, et s’il en aura ce goût amer...
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IL EST TRES TOT DE PARLER DE RECONSTRUCTION EN SYRIE LE MATCH ETANT ENCORE A SON TOUT PREMIER TOUR... LE SECOND TOUR ARRIVE ET PEUT-ETRE IL Y AURA D,AUTRES TOURS AUSSI !
09 h 27, le 12 avril 2018