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Liban - Législatives 2018 - Parlement / Bilan

Qu’ont réellement fait les députés libanais pendant neuf ans ?

Un mandat et deux prorogations pour presque rien, révèle un centre d’études.

De gauche a droite : Mme Abi Habib, MM. Atallah et Alem présentant les résultats de la recherche.

« Nos députés ont-ils rempli leur devoir ? » C’est à partir de cette question que le LCPS (Lebanese Center for Policy Studies) a effectué une étude chiffrée pour mesurer et évaluer les prestations des membres sortant du Parlement pour la période s’étendant de 2009 jusqu’à 2017.

Annoncés jeudi lors d’une conférence organisée au Mövenpick, les résultats sont « choquants » et « désolants », notamment pour ce qui est du taux de productivité des législateurs et de la pertinence des lois adoptées par rapport aux doléances des citoyens (également répertoriées dans l’étude). Réduite à son strict minimum également, la mission de contrôle de la politique du gouvernement, qui incombe aux députés, laisse tout autant à désirer. C’est ce qui ressort des chiffres dévoilés par cette étude, qui constituent une véritable mise à nu des parlementaires, de leur sérieux et de leur efficacité.

Dévoilée un mois et demi avant les législatives, le timing de la publication des résultats « est voulu », relèvent le directeur exécutif du LCPS, Sami Atallah et le président du conseil d’administration, Mohammad Alem. Selon eux, ces informations sont l’occasion pour les citoyens de faire un choix éclairé lors de la prochaine consultation électorale.

« Savez-vous quel est le plus beau métier au monde ? Celui de député au Parlement libanais », lance M. Alem à l’audience. Et pour cause, explique-t-il, « les représentants de la nation touchent des salaires consistants pour travailler uniquement six mois sur douze. De plus, dit-il, ils échappent à toute reddition de compte ».





Pour la majorité d’entre eux, leur méconnaissance des dossiers intéressant les citoyens est scandaleuse, si l’on en croit les chiffres. En effet, un grand nombre parmi les représentants de la nation ne connaissent pas les chiffres du chômage ou de la pauvreté, explique M. Atallah. « Seuls 37 députés sur 128 ont pu donner le chiffre exact du chômage », dit-il. « Seuls 5 sur 128 ont admis que le chômage était un véritable problème », ajoute-t-il. Idem pour le taux de pauvreté dans le pays, un grand nombre d’entre eux n’étant pas au courant de ce taux qu’ils croyaient beaucoup moins important. Bref, les députés semblent d’autant plus déconnectés des réalités, en tous les cas des besoins du citoyen lambda, qu’ils ne se soucient que peu de voter des lois répondant à ses doléances.

Soumis à leur tour à un questionnaire ciblé, 2 496 citoyens ont exprimé leur opinion sur des questions politiques ou relatives à des dossiers socio-économiques. L’exercice était destiné à mettre en exergue la compatibilité entre les attentes des Libanais sur ces sujets et la réplique des législateurs.

« Nous constatons que le Parlement n’a adopté que très peu de lois qui intéressent directement les citoyens et qui répondent à leurs soucis, soit 31 textes sur un ensemble de 352 adoptés entre février 2010 et 2017 », révèle M. Atallah. Et de poursuivre : « En passant en revue les procès-verbaux des séances parlementaires, on relève que les députés n’ont quasiment pas déployé d’efforts ne serait-ce que pour discuter des préoccupations majeures des citoyens, comme l’augmentation du coût de la vie, des frais d’éducation et des soins médicaux, du chômage, autant de questions figurant en tête des priorités des Libanais. »



La mascarade
Sur les neuf sessions de contrôle général de la politique du gouvernement et de ses activités, seulement cinq ont eu lieu durant ces trois mandats (dont deux prorogations). « Des débats qui, souvent, frisent le folklore, note M. Alem. Les séances de questions adressées aux ministres ne dépassent généralement pas les trois minutes par question, sachant que dans certains pays cet exercice peut aller jusqu’à trois heures. »

Il ressort également que durant les séances parlementaires, les députés lancent des accusations de corruption à droite et à gauche sans jamais présenter des documents à l’appui. « La mascarade s’arrête là », ironise à son tour le directeur du LCPS.

Si la participation des parlementaires aux sessions du Parlement reste de l’ordre de l’acceptable, soit 84 %, elle est souvent passive. Durant la période examinée, 85 députés se sont absentés sans justifier leur absence. « Les chefs des groupes parlementaires sont ceux qui participent le moins », note M. Atallah, qui rappelle que certains députés ont fait acte de présence « deux ou trois fois seulement, en contrepartie d’un salaire plein qu’ils ont touché sur neuf ans ».



Mohammad Alem soulève, pour sa part, l’absence d’entente au sein des blocs parlementaires, notamment des divergences, voire des conflits majeurs autour de certains dossiers au sein d’un même groupe. « Cette faille prouve que ces blocs se forment en général autour d’intérêts politiciens et n’ont aucune vision, encore moins un agenda politique clair sur les questions économiques, sociales ou politiques », dit-il. Il dénonce au passage le fait que la composition de gouvernement n’est qu’un « modèle réduit du Parlement puisqu’il regroupe des ministres représentant les principaux blocs parlementaires. D’où la neutralisation forcée de la tâche de contrôle de l’exécutif qui incombe aux députés ».

À partir de cette étude « qui sera prochainement mise en ligne ainsi qu’un décryptage de la composition de l’hémicycle et des partis politiques présents », selon la promesse faite par la directrice des programmes, Rania Abi Habib, le LCPS entend définir une feuille de route avec des recommandations. Celles-ci visent à pallier « les failles structurelles et légales monstres qui ont fini par se répercuter sur les prestations des parlementaires ». Les chercheurs proposent notamment d’amender la Constitution en y introduisant une clause pour que le Parlement soit en session permanente et non quelques mois durant l’année. Des réformes également doivent être introduites pour obliger les députés à assister aux réunions des commissions.

M. Alem conclut son intervention en invitant les Libanais à faire pression pour réclamer de meilleures prestations et un Parlement plus efficace. « Quant à nous, nous nous engageons à maintenir une surveillance étroite des prestations, activités et agendas des nouveaux élus », promet le président du conseil d’administration du centre.



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commentaires (12)

KENOU 3AM YEL3ABOU BHONIK CHAGHLÉ !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 44, le 26 mars 2018

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Commentaires (12)

  • KENOU 3AM YEL3ABOU BHONIK CHAGHLÉ !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 44, le 26 mars 2018

  • ""Savez-vous quel est le plus beau métier au monde ? Celui de député au Parlement libanais."" Pas d’accord avec cette citation qui laisse entendre qu’ils sont tous pourris, au risque de jeter l’enfant avec l’eau du bain. L’évaluation s’étend de 2009. Je lis bien depuis 2009. Et la publication ""est voulue"". donc à dessein. Pour écarter du débat les années de plomb pas si lointaines que ça. Je dirai même plus : ""quel est le métier le plus à risque au monde, celui d’un député au Parlement libanais !"" C’est d’une notoriété ! Que les députés s’accrochent à leurs privilège. Mais est-ce trop demander aux députés, quand le quorum n’est pas atteint, je ne sais plus pour quelle raison, pour un vote, ou l’élection d’un nouveau président, ou bien une nouveau mode de scrutin. Ce n’est pas si mal quand on n’est pas en démocratie…

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    12 h 59, le 25 mars 2018

  • Erratum : Macro-économie bien sur et non l'inverse. Parfois je me demande si cela mérite décrire sur une tablette ou un portable

    Sarkis Serge Tateossian

    21 h 59, le 24 mars 2018

  • Ce constat, sévère, notamment concernant le chiffre du chômage et autres indices et baromètre relatif à l'économie du pays n'est pas très surprenant. Notre pays n'a pas vraiment la culture du "savoir en politique" nous n'avons jamais eu que rares exceptions des spécialistes en micro-économie au pouvoir, ou des grands "orateurs" capables de fédérer toutes les tendances qui représentent le pays. Un espoir tout de même, les nouvelles générations et les jeunes y sont sensibles ... Vive le Liban

    Sarkis Serge Tateossian

    20 h 00, le 24 mars 2018

  • La formule est d'habitude : Heures de travail x salaire horaire + bonus= S S est le montant total qu'on a fait pendant notre temps au boulot. Au Liban bien sûr terre des miracles S pour nos députés, est une somme énorme malgré que les heures de travail égale 0... Bizzare! Non?

    Wlek Sanferlou

    19 h 48, le 24 mars 2018

  • C'est comme l'Italie , en Italie vous faites un mois de député et vous avez pour toute la vie une retraite......

    Eleni Caridopoulou

    19 h 05, le 24 mars 2018

  • En 9 ans nous avons rencontré tellement de problèmes qui font un vacarme que nous n'arrivons plus à nous entendre, à trouver par ou commencer pour avoir un guide des solutions. Le seul début pour commencer une route qui nous oriente vers les les solutions , c'est de voter bien pour virer ces bras cassés

    FAKHOURI

    18 h 14, le 24 mars 2018

  • Vous êtes tous injustes envers nos députés. Ils ont quand même voté une loi pour s’augmenter leurs salaires. Alors pourquoi dire qu’ils nont rien fait? Ce n’est pas juste.

    Gros Gnon

    17 h 57, le 24 mars 2018

  • Mais franchement, pourquoi diable aller aux séances du Parlement, se fatiguer inutilement les méninges à connaître les problèmes du pays...puisque le salaire est versé automatiquement...et à vie ? Sans compter tous les autres avantages annexes de cette fonction...! Au fait, les salaires de ces 128 "députés", dans quels caisses sont-ils pris ??? Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 16, le 24 mars 2018

  • Rien. Ils sont content d'avoir une plaque bleue, de toucher un salaire à vie et de se moquer du peuple qui les a élu.

    Achkar Carlos

    12 h 26, le 24 mars 2018

  • ILS CHAUFFAIENT LEURS SIEGES DANS LA GROTTE D,ALI BABA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 46, le 24 mars 2018

  • 1- "travailler uniquement six mois sur douze": reste à redéfinir le mot "travailler"!!!! Tout est relatif! 2- "un grand nombre parmi les représentants de la nation ne connaissent pas les chiffres du chômage ou de la pauvreté": une bonne partie des députés ne s'est pas présentée pour défendre le citoyen... Donc, rien de surprenant, -(!

    NAUFAL SORAYA

    09 h 11, le 24 mars 2018

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