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Liban - Législatives 2018 - Décryptage

Les slogans électoraux de 2018 : un gros flop ?

Des « talismans » à la « protection », jusqu’aux appels au « changement » : les machines électorales et les slogans sont en marche. Des experts les décortiquent et ils ne sont pas tendres...

Une affiche pour les FL. Photo Marwan Assaf

Les affiches reflètent depuis peu le foisonnement des slogans électoraux des partis qui présentent des candidats aux élections législatives de mai 2018 : du « talisman bleu » (kharzé zar’a) du courant du Futur, à « l’impulsion du changement » des Kataëb ; du « il est devenu nécessaire » (Sar Badda) des Forces libanaises (FL), au « Nous construisons et nous protégeons » du Hezbollah ; du « Courant fort pour un Liban fort » du Courant patriotique libre (CPL), au « Il est temps » (Sar Waqta) du parti Sabaa : voici un échantillon des slogans que l’on voit sur les affiches, sans compter ceux des multiples candidats qui ont lancé leurs campagnes indépendamment de leurs listes. Créés dans un esprit profondément différent des élections de 2005 et 2009, que reflètent-ils du climat actuel ?

Jean-Pierre Katrib est directeur exécutif de la boîte de communication Quantum, habituée des campagnes politiques, responsable notamment de slogans ultracélèbres de la révolution du Cèdre et autres. « Le slogan politique doit être essentiellement lié à la personnalité du candidat et à son objectif politique, explique-t-il. Il ne convient pas d’adopter un slogan simplement parce qu’il contient un jeu de mots accrocheur ou parce qu’il sonne bien. Un bon slogan politique exprime le projet du candidat et il s’éloigne de la propagande. Le message franc et direct fonctionne beaucoup mieux en politique. » Le communicant estime que beaucoup de slogans s’apparentent aujourd’hui davantage à de la propagande ou à de la poésie qu’aux idées politiques, quand ils ne sont pas simplement incohérents avec le projet politique du candidat ou du parti. Il compare cette campagne à celle de 2009, où deux grands axes politiques se confrontaient. « Aujourd’hui, la recomposition de la scène politique, les slogans souverainistes, sans avoir disparu, ne sont plus dominants, notamment dans la question des armes du Hezbollah », dit-il. Il les trouve en général « plus politiquement corrects ».


(Lire aussi : Samir Geagea définit les deux grands axes de la campagne électorale 2018)


Pour sa part, Naji Boulos, directeur général de Memac Ogilvy, professeur de publicité à l’USJ, relève le manque de créativité et d’idées neuves dans les slogans de cette année, comparé à ceux de 2009. « Ce que nous voyons est décevant, tant sur le fond que sur la forme, dit-il. Il n’y a pas de souffle nouveau. » Selon lui, l’esprit du 14 et du 8 Mars, et la lutte politique de l’époque avaient suscité plus d’engouement. « Si les slogans sont plats, c’est que toutes les parties sont dans l’expectative et que personne n’ose s’attaquer frontalement aux autres, en perspective d’alliances dans les régions », dit-il.

Jean-Pierre Katrib estime, lui, que la loi électorale y est pour quelque chose, ayant provoqué une certaine confusion auprès des forces politiques. Il remarque aussi que jusque-là, ce sont surtout les partis ou candidats qui ont lancé des campagnes et non les listes, étant donné que dans le cadre de cette loi les alliances sont basées davantage sur des intérêts que des idées.
Le verdict d’Antoine Courban, professeur d’anatomie humaine et d’épistémologie, est encore plus sévère. Pour lui, « les slogans sonnent creux », et il y voit un signe de grave problème au niveau de l’opinion publique et de sa culture, puisque ces forces politiques pensent pouvoir attirer les voix avec cela. Des slogans qu’il trouve « plus folkloriques que politiques », estimant que la bataille politique en 2009 était plus claire. Il déplore que le mouvement du 14 Mars n’ait pas mené à un changement plus réel.


(Lire aussi : Yorgui Teyrouz, l’engagement « sang compter »)


Déjà tournés en dérision
L’un des slogans qui marquent déjà cette campagne électorale est le « talisman bleu » du courant du Futur. « Ce slogan attire l’attention, à n’en pas douter, mais n’ajoute pas de pertinence à l’idée de la campagne, explique Jean-Pierre Katrib. Le talisman aurait fonctionné pour un produit, moins pour un parti, qui doit convaincre de sa capacité de protection par ses idées et son action. Le talisman vient suggérer à l’électeur qu’il doit compter sur cet objet plutôt que sur un projet crédible. » Naji Boulos se demande si un message fondé sur l’image d’un talisman, qu’il juge « enfantine », est susceptible d’attirer un électorat jeune, les huit générations qui se sont ajoutées aux votants, et pour qui le talisman ne signifie pas grand-chose.

La protection est également au cœur du slogan adopté par le Hezbollah. « J’ai décelé une contradiction dans ce slogan, estime Jean-Pierre Katrib. Comment ce parti peut-il prétendre protéger le pays, surtout quand nous parlons d’une protection sociale et politique autant que sécuritaire, alors qu’il est impliqué dans des conflits extérieurs ? »
Les slogans des FL et des Kataëb portent sur le changement, sachant que ces deux partis ne sont pas des nouveaux-venus dans la politique. Naji Boulos estime que la campagne des Kataëb se démarque quand même par sa créativité artistique, contrairement à celle des FL. « Ces deux partis cherchent à s’adresser d’une manière moderne à leurs bases, souligne Jean-Pierre Katrib. Toutefois, quand ils consacrent une grande part de leur communication à la gouvernance, ils ajoutent de la substance et du contenu, même si leurs messages accordent moins de place aux idées souverainistes. »

Pour ce qui est des slogans du CPL, ils privilégient la force, selon lui, de manière à lier cette force avec leur arrivée au pouvoir, un message appuyé par le visuel du drapeau qui tire le drapeau national. Une image que Naji Boulos trouve « sans originalité ».
Quant à la société civile, elle ne s’est pas encore imposée à travers ses campagnes, notamment sur les réseaux sociaux, note M. Boulos. « Quand on se souvient de la campagne de Beirut Madinati aux municipales de 2016, la stratégie était beaucoup plus agressive », dit-il.
Ces slogans convaincront-ils les électeurs ? Ont-ils un rôle quelconque à jouer dans les décisions de vote ? Quoi qu’il en soit, plusieurs de ces slogans sont déjà tournés en dérision dans des blagues qui circulent sur internet.


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commentaires (6)

je crois ferme que ces slogans publicitaires atteignent les libanais dans TRES grande proportion ! apres tout le niveau de...general est loin d'tre plus raffine vrai ou faux?

Gaby SIOUFI

12 h 20, le 17 mars 2018

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Commentaires (6)

  • je crois ferme que ces slogans publicitaires atteignent les libanais dans TRES grande proportion ! apres tout le niveau de...general est loin d'tre plus raffine vrai ou faux?

    Gaby SIOUFI

    12 h 20, le 17 mars 2018

  • PLUTOT : SAR BEDDA FAY2A MICH NAWMÉ YIA GHANAM !

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 02, le 15 mars 2018

  • En bref, tout sonne creux, faux, inadapté... parce que ça l'est... Il faudrait mettre en fond sonore la célèbre chanson de Dalida/Alan Delon, "Paroles, paroles"... ça, au moins serait adapté au contexte et donnerait davantage de crédibilité aux campagnes des uns ou des autres... Toutefois, les fausses promesses des candidats sont ce qui les caractérisent dans le monde entier. On ne devrait plus s'en offusquer! C'est aux électeurs, par contre, de se montrer responsables et sages dans leur choix de représentation! Déjà, on entend trop souvent des citoyens prêts à vendre leurs voix au plus offrant, et c'est cela le plus grave et qui est à analyser... Si les candidats ne changent pas, les électeurs (en grande partie) n'ont encore rien appris! C'est désespérant!!!!!

    NAUFAL SORAYA

    08 h 48, le 15 mars 2018

  • De toutes façons le changement ne viendra JAMAIS des hommes (ou femmes) politiques, quels qu’ils soient. Le changement viendra d’abord de nous mêmes. Il nous faut d’abord changer notre comportement. Le reste suivra. Tiens, commençons par trier nos ordures à la maison. Un sac pour les matières organiques compostables, un pour le verre, un pour le papier et carton, un pour les plastiques, un pour les métaux, et un pour les matières dangereuses (piles, etc.). Une fois que nous saurons faire ceci, nous aurons plus le droit de nous plaindre...

    Gros Gnon

    07 h 09, le 15 mars 2018

  • TOUS LES INCAPABLES ET IGNORANTS SE DECLARENT A LES EN ENTENDRE LES SEULS POSSIBLES SAUVEURS DU LIBAN ! C,EST UNE TRAGEDIE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    04 h 19, le 15 mars 2018

  • Allez un peu d'humour. Moi si j'étais a la place de leur conseiller en communication voilà ce que j'aurai proposer. "Badkon, kahraba ? Anna nayebkon" ! Dans lespour que l'heureux candidat une fois élu... N'oublie pas la lettre B dans "Nayeb" Helas .... L'amnésie des élus est un fait avéré ! Prendre au 2eme degré biensur Bonne chance à notre cher Liban

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 46, le 15 mars 2018

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