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Culture - Rencontre

Raphaëlle Macaron, la BD comme un rêve

Après Angoulême, où elle a pris part au festival de BD en même temps que la revue « Samandal », dont elle a été rédactrice en chef du dernier numéro, et avant l’exposition Beirut Strip Extended qui aura lieu dans le cadre du festival PULP en avril prochain, Raphaëlle Macaron continue de vivre dans sa bulle animée.

Elle a une empreinte, quelque chose dans le trait, dans l’utilisation de la couleur, le traitement des personnages, qui l’ont vite propulsée au-devant de la scène bédéiste locale et internationale.

Raphaëlle Macaron, également illustratrice et vice-présidente du collectif Samandal, est un beau mélange de sensibilité et de force, de finesse dans les procédés d’impression qu’elle utilise et de douce violence dans le trait. Entre nostalgie d’un pays et d’une ville qu’elle a quittés depuis quelques années et envies d’ailleurs, la jeune femme de 27 ans dépose dans un langage très visuel ses belles empreintes, au gré de ses inspirations. 

« J’ai toujours dessiné à main levée, confie-t-elle. La peintre Maya Eid m’a beaucoup initiée à cet art. Elle m’a carrément mise dans ce monde, m’a poussée à faire des dessins, des collages. Tout, avec elle, devenait artistique. » À 14 ans, elle publie « quelques dessins commandés pour un livre sur l’environnement. Mais ce travail ne correspond plus du tout à ce que je fais maintenant », précise-t-elle.

Née au Liban en 1990, Raphaëlle Macaron a obtenu en 2013 un master en bande dessinée de l’ALBA (Académie libanaise des beaux-arts). Depuis, elle travaille en free-lance dans l’illustration et la bande dessinée, et a enchaîné résidences et expositions collectives à Florence, Paris, Montréal, Berlin et Beyrouth. « Je tiens à cette liberté. Elle me permet de travailler sur plusieurs projets en même temps, de rencontrer les clients d’une manière plus personnelle. Je ne peux pas fonctionner avec des horaires fixes, dessiner de 9 à 5 ! »

C’est également au nom de cette liberté sacrée que la jeune femme a quitté le Liban en 2014, en même temps qu’elle préparait son master. « C’était l’option la plus simple. J’avais l’envie de travailler sur d’autres choses, le besoin de prendre du recul et de trouver une zone de calme et de concentration. » Paris sera donc son nouvel ancrage, qui lui permet d’évoluer avec cette indépendance personnelle et artistique qui lui est chères. « Après, les choses ne se sont pas passées d’une manière très organique. Je me suis complètement isolée, et j’ai créé un livre de BD de 30 pages en un mois. Je l’ai même imprimé manuellement et finalisé pour le festival d’Angoulême. Le scénario me trottait en tête depuis la mort de ma grand-mère, qui vient de Rayak, dans la Békaa. La cérémonie funéraire m’avait beaucoup marquée. » De cette douleur naîtra Souffle court, une autopublication et sa première expérience professionnelle d’auteure indépendante entourée de grands noms du domaine. « Ce projet, aussi petit soit-il, a confirmé mon envie », et certainement l’émergence de son talent.


(Pour mémoire : Les belles heures de la BD en 38 couvertures)


La vie du livre
Après une belle et douce parenthèse dans une librairie de BD où elle s’est immergée dans des pages, des illustrations, « la vie d’un livre », de l’édition à la distribution – « une des périodes les plus enrichissantes de ma vie » –,

Raphaëlle Macaron rejoint en 2004 le collectif de bande dessinée Samandal, fondé en 2007 par Lena Merhej, Hatem Imam, Fadi Baki, Omar Khoury et Tarek Nabaa, et en devient la vice-présidente deux ans plus tard. « C’est à travers eux que j’ai appris comment gérer un livre en entier ; que je me suis familiarisée avec la scène BD locale et régionale. » Pour le numéro des dix ans de Samandal, elle en deviendra la rédactrice en chef.

Ce numéro a été lancé le samedi 4 novembre dernier au Salon du livre de Beyrouth sous le titre Topie. « J’ai travaillé un an sur ce projet. Cet album collectif a regroupé 16 auteurs autour du thème de l’utopie sous ses aspects social, politique et humain, et dans différents genres narratifs qui vont de la science-fiction au documentaire. Nous avons voulu également créer un livre-objet en trois versions (Topie, intégralement en français, Topia en anglais et Toupya en arabe), une sorte d’écrin qui serait imprimé par risographie, une technique d’impression japonaise au pochoir qui, en employant plusieurs couleurs, rend le résultat des planches plus saisissant. » 


(Lire aussi : Charles Berbérian : Je ne me pose plus de question de style, de toute façon je n’en ai plus)    


Le lancement de ce numéro a été accompagné de la sortie du livre de Omar Khoury, Utopia, une collection de 42 strips qui racontent les aventures de deux petites filles qui imaginent un monde parfait. « Pour Angoulême cette année, nous avions un stand au nom de Samandal. C’était un moment important pour moi, parce qu’il s’agissait de la première fois qu’on voyait Topie dans un si gros festival. Ce qui a permis de faire un focus sur la nouvelle génération de la bande dessinée arabe et sur nos publications (autant en tant que membres de Samandal qu’auteurs indépendants).

C’était aussi l’occasion pour moi de rencontrer des éditeurs et d’identifier ceux à qui je voudrais éventuellement présenter mon nouveau projet. J’attends d’avoir fini un dossier solide (en bande dessinée, il faut avoir un scénario, un découpage et quelques planches) pour les démarcher officiellement. » Dans ses projets personnels, nombreux, il y eut également Police, une BD née en 48 heures, faite avec Vincent Longhi et imprimée en risographie ; des planches de surf pour le label de vêtements La terre est Folle ; et enfin, un premier roman graphique. « Je suis actuellement en train de finaliser mon scénario. Après viendront la phase du découpage, et puis le dessin... J’en ai encore pour un moment. Il s’agit d’une histoire qui se passe à Beyrouth. On y découvre la huitième merveille du monde, et la ville connaît un afflux touristique record. L’histoire raconte le quotidien de la propriétaire d’un hôtel plein à craquer qui, suite à plusieurs événements surnaturels, tente de sauver la saison touristique et son établissement. Il s’agissait d’abord d’une ville qui n’existait pas. Au bout d’un moment, j’ai compris que c’était absurde. C’était Beyrouth. Plus besoin de faire semblant… »

Début avril, Raphaëlle Macaron prendra part à Beirut Strip Extended dans le cadre du festival PULP qui se tiendra à la Ferme du buisson (les veilles fermes de la chocolaterie Menier) transformée en un lieu culturel animé par plusieurs rendez-vous tout au long de l’année. « C’est un monument historique. » L’événement met l’accent sur 8 auteurs libanais et sur Samandal. « J’ai donc une salle pour moi, et la salle centrale pour Samandal. Il s’agit surtout de faire entrer les visiteurs dans mon univers avec des dessins à grande échelle (murs, plafonds, etc.). Je suis présente en tant qu’auteure et membre du collectif. » Et de conclure : « Ma relation avec Beyrouth est viscérale. Une relation d’amour et de haine Dans mes dessins, il y a beaucoup de critique, beaucoup de nostalgie aussi. J’aime observer les gens. Ils sont des scénarios sur pattes. »



Pour mémoire
Être dessinateur de BD au Liban, un « challenge »

Quand la bédé suisse rencontre son double libanais    

Samandal, le temple de la BD libanaise, voit l'utopie en technicolor    

Elle a une empreinte, quelque chose dans le trait, dans l’utilisation de la couleur, le traitement des personnages, qui l’ont vite propulsée au-devant de la scène bédéiste locale et internationale. Raphaëlle Macaron, également illustratrice et vice-présidente du collectif Samandal, est un beau mélange de sensibilité et de force, de finesse dans les procédés d’impression qu’elle...

commentaires (2)

La BD au sujet de votre grand père Louis Eid et la découverte de la deuxième grotte de Jeita est superbe, et les sujets abordés par Utopia sont une illustration réfléchie des préoccupations et des aspirations des Libanais de notre époque, à lire et à relire!

Dounia Mansour Abdelnour

09 h 07, le 24 mars 2018

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Commentaires (2)

  • La BD au sujet de votre grand père Louis Eid et la découverte de la deuxième grotte de Jeita est superbe, et les sujets abordés par Utopia sont une illustration réfléchie des préoccupations et des aspirations des Libanais de notre époque, à lire et à relire!

    Dounia Mansour Abdelnour

    09 h 07, le 24 mars 2018

  • PAS DE MON GOUT !

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    08 h 09, le 24 mars 2018

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