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À La Une - terrorisme

En Tunisie, les jihadistes affaiblis mais la menace persiste

A ce jour, "les différents groupes sont très affaiblis et déstructurés", affirme Dominique Thomas, spécialiste des mouvements jihadistes et chercheur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Le chef du gouvernement Youssef Chahed Tunisian prie devant le mémorial en commémoration des attaques contre la ville de Ben Guerdane, le 7 mars 2018. AFP / FATHI NASRI

En mars 2016, des jihadistes ont tenté, sans succès, de prendre pied en Tunisie en lançant des attaques spectaculaires contre la ville de Ben Guerdane. Deux ans plus tard, ils sont affaiblis dans le pays mais la menace plane toujours.

Mercredi, le chef du gouvernement Youssef Chahed a marqué le deuxième anniversaire de ces attaques, que les autorités présentent volontiers comme "un tournant dans la guerre" contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI). Depuis cette localité située à quelques kilomètres de la frontière libyenne, M. Chahed a dit vouloir consacrer la date "comme journée nationale de la victoire contre le terrorisme". 

Dans le sillage d'une série d'attentats sanglants de l'EI en 2015, l'attaque menée le 7 mars 2016 par des dizaines de jihadistes contre des installations sécuritaires de Ben Guerdane (sud) a entraîné la mort de 13 membres des forces de l'ordre et de sept civils. Mais elle a échoué, et 55 assaillants ont été abattus dans la riposte. Depuis, la Tunisie, dont l'économie a souffert de cette insécurité, n'a pas connu une attaque d'ampleur. 

A ce jour, "les différents groupes sont très affaiblis et déstructurés", affirme à l'AFP Dominique Thomas, spécialiste des mouvements jihadistes et chercheur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

En décembre, un soldat a été tué par une mine au Mont Chaambi (centre-ouest), zone frontalière de l'Algérie et fief de la branche locale d'el-Qaëda au Maghreb islamique (Aqmi), la Phalange Okba Ibn Nafaa. En janvier, dans cette même zone, les forces tunisiennes ont tué deux combattants algériens présentés comme des cadres d'Aqmi, dont l'un était chargé de réorganiser la phalange Okba Ibn Nafaa, laissant craindre une restructuration d'Aqmi en Afrique du Nord.

(Lire aussi : « Si vous échouez, nous échouons aussi », lance Macron à Tunis)


En mode "survie"
Mais pour Kader Abderrahim, directeur de recherches à l'Institut de Prospective et sécurité en Europe (IPSE), il n'y a pas de "ré-émergence avérée". 

"Le conflit est de très basse intensité" et, sur les réseaux sociaux, "la présence médiatique d'Aqmi est très faible", notamment après qu'un responsable de la propagande a été tué fin janvier en Algérie, confirme M. Thomas. "En Tunisie, (leur) situation est encore plus précaire" qu'en Algérie où sont basés des cadres d'Aqmi, ajoute-t-il. "Okba Ibn Nafaa est isolée, ne semble pas avoir le minimum de compétences et de matériel pour communiquer, ce qui veut dire qu'elle se concentre sur sa survie". "La vraie profondeur stratégique d'Aqmi se trouve plutôt au Sahel", l'organisation y bénéficiant de zones refuges qu'elle n'a plus en Tunisie, souligne-t-il. 

Mardi, le chef d'el-Qaëda Ayman al-Zawahiri a appelé les musulmans à combattre la France au Sahel, où 4.000 soldats français sont déployés.

Les autorités tunisiennes évaluent à 100 ou 150 le nombre de combattants actifs dans Okba Ibn Nafaa, divisée en cinq sous-brigades -trois au Mont Chaambi, une dans le Kef et une à Jendouba, toutes dirigées par des Algériens.

Pour M. Thomas, "la quantification de ces groupes est très fluctuante, mais ils se comptent plutôt en dizaines" de combattants.

(Pour mémoire : En Tunisie, deux policiers poignardés devant le Parlement par un "extrémiste")


"Résilience"
Quant à l'EI, si les autorités suivent de près le retour des milliers de Tunisiens de Syrie et d'Irak, le ministère de l'Intérieur estime que sa présence se résume désormais à quelques dizaines de militants dans le pays.  Son émanation locale, Jund al-Khilafa, consiste en un groupuscule basé dans la ville défavorisée de Sidi Bouzid, selon le ministère. 

Pour M. Thomas, il s'agit plutôt de "réseaux" et l'organisation en tant que telle a "quasiment cessé d'exister". "Mais elle peut se reconstituer rapidement vu la très forte faculté de résilience de l'EI".

Un autre groupe extrémiste tunisien, Ansar Al-Charia, proche d'el-Qaëda, est mutique. Il opère probablement "de façon complètement clandestine depuis la Libye", dit M. Thomas, alors que le décès de son leader a été maintes fois annoncé. "Une attaque contre Ben Guerdane serait plus compliquée aujourd'hui", renchérit Kader Abderrahim. La frontière "a été sécurisée". 

L'EI a effectivement perdu son sanctuaire en Libye voisine, où avaient été planifiées les attaques du musée du Bardo à Tunis (mars 2015, 22 morts) et de Port el-Kantaoui (juin 2015, 38 morts).

Mais signe que les risques persistent, la présidence tunisienne a annoncé cette semaine la plus longue prolongation de l'état d'urgence -sept mois- depuis son instauration fin 2015.

Unique pays rescapé du Printemps arabe, "la Tunisie reste une cible", souligne M. Abderrahim. "Tant qu'on ne contre pas le discours politique des extrémistes, il suffit de deux, trois personnes déterminées et quelques kalachnikovs".


Pour mémoire
Ouverture du procès de l'attentat du musée du Bardo à Tunis

Deux ans après un attentat, un hôtel du littoral tunisien revit


En mars 2016, des jihadistes ont tenté, sans succès, de prendre pied en Tunisie en lançant des attaques spectaculaires contre la ville de Ben Guerdane. Deux ans plus tard, ils sont affaiblis dans le pays mais la menace plane toujours.
Mercredi, le chef du gouvernement Youssef Chahed a marqué le deuxième anniversaire de ces attaques, que les autorités présentent volontiers comme "un...

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