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Liban - Législatives 2018 - Liban-Arabie saoudite

Riyad invite Hariri à ne pas lâcher les pôles souverainistes

À son arrivée à Beyrouth, le Premier ministre a effectué une visite-surprise à Fouad Siniora.

Le Premier ministre Saad Hariri est rentré hier d’Arabie saoudite au terme d’une visite de quatre jours, au cours de laquelle il s’est notamment entretenu avec le roi Salmane et le prince héritier Mohammad ben Salmane. Une visite curative, puisqu’elle semblerait avoir permis un retour à la normale dans les relations avec le royaume après l’épisode tendu de novembre dernier, lorsque M. Hariri avait été poussé à la démission depuis Riyad, avant d’être retenu plusieurs jours contre son gré dans la capitale saoudienne.

Les signes de ce retour à la normale étaient apparus avant même le départ du Premier ministre pour l’Arabie, lors de la visite de l’émissaire saoudien Nizar Alaoula, qui s’était rendu au Grand Sérail pour lui remettre une invitation officielle à se rendre dans le royaume.

De sources bien informées gravitant dans l’orbite du courant du Futur, le séjour de M. Hariri a permis de tourner la page du litige personnel qui avait quelque peu assombri ses relations avec Riyad, si bien que ces sources font état d’un retour aux « relations fraternelles » qui unissaient les deux parties, mais aussi, par-delà, le Liban et l’Arabie.

Ce rapprochement aurait été concrétisé grâce aux efforts conjugués franco-américains, à la veille d’une visite que doit effectuer bientôt le prince héritier saoudien à Paris, où il doit rencontrer le président français Emmanuel Macron. Ce dernier avait joué un rôle crucial, rappelons-le, en novembre dernier pour obtenir le départ de M. Hariri de Riyad à destination de Paris. La sollicitude de la France et des États-Unis s’expliquerait par une volonté commune de voir la scène politique, économique et sécuritaire libanaise stabilisée, et les trois conférences internationales d’aide au Liban à Rome (pour l’armée libanaise), Paris (pour les investissements) et Bruxelles (pour les réfugiés syriens) réussir, notamment grâce à la participation des bailleurs de fonds arabes.

Certains analystes politiques, beaucoup plus pragmatiques, estiment que la démarche saoudienne serait essentiellement motivée par une volonté cosmétique de montrer patte blanche à l’égard de l’Occident, après que Riyad eut essuyé de nombreuses critiques, notamment dans la presse américaine, en raison de son comportement vis-à-vis de M. Hariri en novembre dernier.

Quoi qu’il en soit, Saad Hariri aurait obtenu à Riyad un engagement clair de la part de l’Arabie de participer activement aux trois conférences, mais aussi de soutenir à nouveau l’armée libanaise, après l’épilogue en queue de poisson du don saoudien de quatre milliards de dollars qui avait été accordé à Beyrouth sous le mandat Sleiman. Selon des sources proches du courant du Futur, il aurait ainsi obtenu des résultats positifs sur deux des principaux points évoqués durant ses entretiens avec les dirigeants saoudiens : la nécessité d’une part de consolider la stabilité et la sécurité du Liban à travers le soutien à l’armée et aux forces de sécurité, et soutenir d’autre part l’économie libanaise.


(Lire aussi : Le retour de Hariri à Riyad, symbole d’un ajustement saoudien ?)


La problématique du Hezbollah
Sur le dossier de la souveraineté qui avait été à l’origine du grief politique principal mis en avant explicitement par Riyad vis-à-vis de l’État libanais et de M. Hariri en novembre dernier, le Premier ministre aurait défendu son point de vue face aux dirigeants saoudiens. L’Arabie accusait les responsables libanais de faire preuve d’une trop grande docilité à l’égard du Hezbollah et de ses ingérences à répétition dans les affaires intérieures des pays arabes, sans aucun respect pour la « politique de distanciation », pourtant à l’origine du compromis local, régional et international qui avait débloqué l’élection présidentielle et porté Michel Aoun à la magistrature suprême et Saad Hariri à la présidence du Conseil en octobre 2016.

Des sources politiques bien informées affirment que le Premier ministre aurait exposé une nouvelle fois sa stratégie visant à ne pas affronter de face le Hezbollah et à mettre plutôt en place une politique d’endiguement de ce dernier, à travers non plus un front classique multipartite, comme cela était le cas avec le 14 Mars, mais une approche multipolaire. En d’autres termes, chaque force politique opposée à une mainmise du Hezbollah sur le pays constituerait en soi une digue contre ce dernier, toutes ses composantes éclatées formant ultimement un réseau représentatif d’un rassemblement « pour l’État » et « contre le mini-État ».  Selon ces sources, les dirigeants saoudiens auraient fait preuve de compréhension vis-à-vis de cette stratégie.

D’autres sources proches du courant du Futur affirment qu’il n’existe plus aucune différence d’approche entre Riyad et M. Hariri sur cette question, comme le prouverait notamment le fait que le dossier ait été retiré du faucon Thamer al-Sabhane et placé entre les mains de Nizar Alaoula, lequel a inauguré sa tournée au Liban par une visite au président Aoun – que son prédécesseur considérait comme « inféodé à Téhéran » – agrémentée de propos élogieux, et suivie d’une rencontre avec le président de la Chambre, Nabih Berry, également ponctuée d’un discours particulièrement positif.

Mais des sources politiques proches de l’Arabie saoudite et opposées à la ligne politique de Saad Hariri tempèrent ce point de vue. Selon celles-ci, Riyad resterait favorable à une approche plus dure vis-à-vis du Hezbollah, consistant à recréer l’alliance du 14 Mars, notamment au niveau des alliances électorales actuelles, pour créer un barrage face au progrès du parti pro-iranien, qui plus est dans sa volonté de conquérir la nouvelle Chambre des députés. Il serait même question d’une nécessité pour le courant du Futur de conclure un accord politique avec les forces souverainistes dans 60 % des régions.

Selon les sources précitées, les dirigeants saoudiens auraient expressément affirmé à M. Hariri qu’il était vital d’éviter une dispersion des pôles souverainistes pendant et à l’issue des prochaines élections, y compris au niveau de la communauté sunnite.


(Lire aussi : Les FL attendent impatiemment les résultats de la visite à Riyad)


La visite à Siniora
C’est dans ce contexte que ces sources replacent la visite saisissante que M. Hariri a effectuée hier soir, sitôt arrivé à Beyrouth, au député et ancien Premier ministre Fouad Siniora, au domicile de ce dernier, rue Bliss. Saisissante dans le sens où M. Siniora, compagnon de Rafic Hariri et chef de file de l’aile dure au sein du courant du Futur sur les questions de souveraineté, avait été quelque peu éloigné du centre de décision de la formation au lendemain de la curieuse aventure de Saad Hariri à Riyad. M. Siniora, député de Saïda, était d’ailleurs sur le point de tenir aujourd’hui une conférence de presse pour annoncer sa volonté de ne pas se porter candidat à sa propre succession dans la circonscription de Saïda-Jezzine.  Accompagné du vice-président de la Chambre Farid Makari et du ministre Ghattas Khoury, M. Hariri a demandé à M. Siniora de « maintenir sa candidature aux élections législatives à Saïda ». 

« Comme tout le monde le sait, le Premier ministre Siniora fait partie de la maison et tout le monde connaît les sacrifices qu’il a consentis à l’époque du Premier ministre Rafic Hariri. Le ciblage auquel il a été soumis pendant cette période était politique et certains ont même tenté de l’atteindre sur des questions personnelles », a affirmé M. Hariri à l’issue de la réunion. Et de poursuivre : « Pour moi, le président Siniora est un pilier essentiel et il sera toujours avec nous. Je suis venu lui demander de maintenir sa candidature. Il m’a demandé de lui donner un peu de temps avant de donner sa réponse et nous serons avec lui, quelle que soit sa décision. En tout cas, nous sommes ensemble dans la même galère, nous avons souffert ensemble et nous continuerons le chemin tracé par Rafic Hariri. Le président Siniora était avec mon père et nous continuerons ensemble. »

Interrogé sur sa visite en Arabie saoudite, M. Hariri a indiqué qu’elle était « très réussie », précisant qu’il s’était mis d’accord avec les dirigeants saoudiens sur « la participation du royaume aux conférences de Rome et de Paris ». « Ils ont confirmé leur participation active à ces conférences », a-t-il noté.   « D’aucuns étaient sceptiques sur la relation avec l’Arabie saoudite et je crois que ces soupçons, que certains ont essayé de faire planer tout au long de cette étape, ont disparu. Tout le monde verra comment le royaume soutiendra Saad Hariri et le Liban lors des conférences de Rome et de Paris », a-t-il conclu.

De son côté, Fouad Siniora a réclamé un délai de vingt-quatre heures au Premier ministre « pour réfléchir ». Il devrait toutefois se retirer quand même de la course électorale, aujourd’hui ou demain au plus tard, selon des sources bien informées. Signalons dans ce cadre que l’ancien député Oussama Saad, chef de l’Organisation populaire nassérienne (8 Mars), s’est porté candidat hier au siège sunnite de Saïda-Jezzine.



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commentaires (3)

Saad ne lâche jamais rien .

FRIK-A-FRAK

15 h 49, le 05 mars 2018

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Saad ne lâche jamais rien .

    FRIK-A-FRAK

    15 h 49, le 05 mars 2018

  • SE DISTANCIER DES FORCES LIBANAISES SERAIT UNE MEGA ERREUR PM SAAD HARIRI !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 33, le 05 mars 2018

  • "un retour à la normale dans les relations avec le royaume". A condition que Bassil ne s'en mêle pas!

    Yves Prevost

    07 h 27, le 05 mars 2018

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