Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Photo-roman

C’est la guerre à nouveau ?

Texte déversé à chaud alors qu’au cœur d’une banale fin de journée où rien ne se passe, se produisent l’épisode Berry-Bassil, les pneus brûlés et les coups de feu...

Photo GK

Lundi 29 janvier 2018. Le mauvais temps qui nous volait dans les plumes voilà deux bonnes semaines est parti jouer ailleurs. J’ai entrouvert la vitre pour saluer le soleil revenu. Le ciel est griffé de nuages boursouflés que moirent les derniers feux du jour. La lune, maintenant, pousse dans un coin de cette étendue dont le teint change imperceptiblement. Elle semble si proche qu’on craindrait la voir se perdre dans les fils électriques qui rapetissent la rue. Le vent du nord grimpe et fait danser les papiers oubliés qui s’empilent sur mon bureau. Je le laisse faire. Je regarde tout se mélanger. Notre climat est un mystère, ces failles de l’hiver dans lesquelles se glissent une cinquième saison secrète. À la station d’essence, sous l’immeuble, les clients se bousculent. Les voitures se font délester de leur boue légère et la voisine d’en face gifle à grands jets sa mosaïque malmenée par la tempête. Bien qu’on se sente fort vulnérable dans cet air cotonneux qui se glacera bientôt, personne ne songe à se protéger de quoi que ce soit, pas même du froid. C’est un jour où il n’y a rien à appréhender, ni raconter. Je dois écrire et me demande si j’y parviendrais quand tout va bien autour. Est-ce que je ne saurais plus écrire ailleurs qu’en eaux troubles ? 


L’amour en solitaire

Sur le rempart de ma fenêtre, deux pigeons aux yeux blonds construisent un nid, brindille par brindille, laborieusement et sans craindre la pluie qui viendra tout démolir. Mon cœur gazouille, je ne sais même pas pourquoi. Au calme, sous la lampe qui déchire la nuit, je démarre un texte autour de la symbolique du nid, sûrement inspiré par mes deux visiteurs à plumes. Un mot en charrie un autre alors que Juliette Armanet chante en boucle L’amour en solitaire. Il fait si bon que je savoure pour une fois l’absence de mon portable qui clignote et s’impatiente sur la charge. Au bout d’une heure, je décide quand même de vérifier l’état de ma vie numérique. À mesure que continuent à se déverser un flot de notifications et de messages, je vois deux appels en absence de ma mère que je soupçonne de vouloir savoir si j’ai enfin rempli le formulaire de ma déclaration de revenus, des coups de fil manqués de copains, et un tas de textos dont la quantité m’interloque. Une poignée de secondes plus tard, et autant de clics, je lis à propos des deux épisodes du feuilleton Berry-Bassil, en même temps que je tranquillise ma mère et mes amis virtuels. 


Jouets de rue

Sur mon écran défilent ainsi des images de certains quartiers de Beyrouth où des pneus qui barrent les routes provoquent bien plus de fumée (et d’embouteillage) que de feu. Jusque-là, je ne suis pas excessivement inquiet et mon article bifurque tranquillement vers un sujet sympathique autour du double emploi d’un pneu au Liban, à la fois objet manifeste et symbole de nos enfances légères où l’on suspendait ces ronds en caoutchouc pour en faire des balançoires. Jusque-là, les jouets de rue se suffisent d’exhumer, en silence, une brume noirâtre que font rougir de maigres flammes. Mais comme on le sait bien, afin de parfaire la jouissance et que nul ne l’ignore, il faut du son, c’est-à-dire vider des mitraillettes en les retournant vers les cieux. J’entends les premiers coups de feu. Malade d’inquiétude pour un ami qui travaille pas loin de là où ça dégénère, j’essaye de le joindre. Il ne répond pas. Je n’ose même pas imaginer l’époque des événements, dépourvus d’internet, de portables, voire de téléphone, où la seule consigne était de rester sur place. Comment circulaient nos parents ? Comment faisaient-ils leurs courses ? Comment faisaient-ils tout court ? J’annule ma session de sport, m’excuse auprès d’une galerie qui m’avait convié à un cocktail. Sur une discussion de groupe, L. a écrit « C’est la guerre à nouveau ? » Une fois de plus, mon texte change de direction et je décide de répondre à la question de L., de parler de notre accoutumance à la guerre qui ne revient pas puisqu’elle est bien là. De la guerre, cette inavouable drogue, qui restera tant que fleuriront dans nos placards, enveloppés de vieux draps, sous nos oreillers, dans nos coffres, ces armes qu’on prend pour des babioles de rue. Les coups de feu s’intensifient. Persuadé que mon geste puéril me protégera, j’accours à la fenêtre que je referme précipitamment. Je regarde la voisine d’en face qui a fini de faire reluire sa mosaïque. Accoudée à sa balustrade, elle n’a pas l’air impressionnée par le bruit des choses qui se trament. Elle en a l’habitude, elle attend que ça passe. Sa télévision est braquée sur un feuilleton turc, et son téléphone sonne sans qu’elle ne prenne la peine de décrocher. Mes deux pigeons ont décampé. Ils ont préféré finir d’installer leur nid à la fenêtre de ma voisine que plus rien ne secoue. 



Chaque lundi, « L’Orient-Le Jour » vous raconte une histoire dont le point de départ sera une photo. C’est un peu cela, un photo-roman : à partir de l’image, shootée par un photographe, on imaginera un mini-pan de roman, un conte... de fées ou de sorcières, c’est selon...


Dans la même rubrique

« Et toi, qu’est-ce que tu voudrais être quand tu seras grand ? »

« A 2M1 ! Wé Tu ? Jtm... »

« On s’en va visiter le centre-ville qui vient d’être reconstruit »

Tu as été un gentil garçon cette année ?

« Mais qu'est-ce qui t'a pris cette année ? »

Masques, atayefs et tambourins

Tu seras viril, mon fils...

Madame voudrait son pain sans gluten


Lundi 29 janvier 2018. Le mauvais temps qui nous volait dans les plumes voilà deux bonnes semaines est parti jouer ailleurs. J’ai entrouvert la vitre pour saluer le soleil revenu. Le ciel est griffé de nuages boursouflés que moirent les derniers feux du jour. La lune, maintenant, pousse dans un coin de cette étendue dont le teint change imperceptiblement. Elle semble si proche qu’on...

commentaires (1)

GUERRE CIVILE EVITEE DE JUSTESSE, LES EVENEMENTS ONT PROUVE QUE L,EMANCIPATION POLITIQUE FAIT GRAND DEFAUT AU LIBAN ET QUE LE PAYS EST TOUJOURS L,OTAGE DES CAPRICES COMMUNAUTAIRES ET SURTOUT RELIGIEUX ET DES EGOS CRIMINELS DE LA CASTE MAUDITE DES ZAIMS QUI NE RECULENT DEVANT RIEN POUR LEURS INTERETS PERSONNELS !

LA LIBRE EXPRESSION

06 h 53, le 05 février 2018

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • GUERRE CIVILE EVITEE DE JUSTESSE, LES EVENEMENTS ONT PROUVE QUE L,EMANCIPATION POLITIQUE FAIT GRAND DEFAUT AU LIBAN ET QUE LE PAYS EST TOUJOURS L,OTAGE DES CAPRICES COMMUNAUTAIRES ET SURTOUT RELIGIEUX ET DES EGOS CRIMINELS DE LA CASTE MAUDITE DES ZAIMS QUI NE RECULENT DEVANT RIEN POUR LEURS INTERETS PERSONNELS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 53, le 05 février 2018

Retour en haut