Le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a accusé mardi le ministre de l'Environnement, Tarek el-Khatib, et le gouvernement de "mentir aux Libanais", en affirmant que les déchets déversés sur la côte allant de Bourj Hammoud, à la sortie nord-est de Beyrouth, jusqu'à Zouk Mosbeh, plus au nord, venaient des décharges côtières.
"On m'a accusé de mener une campagne de désinformation et de me donner en spectacle. Visiblement, c'est la seule façon pour que vous vous mobilisiez", a déclaré M. Gemayel lors d'une conférence de presse. "Ce que vous appelez spectacle, c'est mon travail de député. Mon devoir est de contrôler l'action du pouvoir et d'alerter l'opinion publique car je le dis : vous avez menti aux Libanais", a lancé le leader des Kataëb et député du Metn.
"Lorsque le ministre (Tarek el-Khatib) nous explique que les déchets sur les plages viennent de Nahr el-Kalb ou des dépotoirs sauvages du Metn, il ne dit pas la vérité car le Haut-comité de secours a supervisé des opérations de nettoyage bien au-delà de cette région", a rétorqué M. Gemayel. "Et lorsqu'il s'insurge contre l'existence de dépotoirs sauvages dans le Metn, il invente la poudre. Il prend conscience du problème, il en a visité un, c'est bien. Mais il y en a 940 autres. Il est temps de trouver des solutions", a-t-il déclaré. "Vous n'avez pas de plan, vous ne faites que jeter les déchets dans la mer", a lancé le député du Metn.
Plus tôt dans la journée, le président de la commission parlementaire de l'Environnement, Akram Chehayeb (PSP), avait de son côté indiqué que "les déchets proviennent du cours des fleuves, dont les rives étaient jonchées d'immondices" avant la création de la décharge et lors de la fermeture de celle de Bourj Hammoud. Après une réunion de la commission, M. Chehayeb a annoncé que "dans les prochaines 72 heures, une proposition sera présentée pour la création d'un comité national chargé de la coordination dans le dossier des déchets solides". Il a aussi indiqué que la création d'un département au sein du ministère de l'Environnement, lié aux déchets ménagers, sera proposée.
Nettoyage
"Il a fallu que je m'exprime pour que le lendemain, l'Etat, dans son entièreté, se mobilise et commence à nettoyer les côtes", a également déclaré M. Gemayel lors de sa conférence de presse.
Le ramassage des déchets déversés sur la côte avait commencé dans la matinée au lendemain de la polémique qui a éclaté après la publication de photos de ces ordures recouvrant les plages à la faveur de la tempête ayant balayé le Liban la semaine dernière. Sous une pluie battante, des employés de la société Ramco ont commencé à ramasser les déchets sur six axes: Zouk, Golden Beach et la Marina d'Antélias, Nahr el-Kalb, Zalka, Jal el-Dib et la décharge de Bourj Hammoud.
C'est le Haut-Comité de secours (HCS) qui supervise le nettoyage suite à des directives données lundi soir par le Premier ministre, Saad Hariri. Le chef du HCS, le général Mohammad Kheir, a assuré que les opérations se poursuivraient malgré le mauvais temps afin que "la côte devienne encore plus belle qu'elle ne l'était". Il a dans ce contexte demandé aux propriétaires des complexes touristiques de coopérer avec eux. Dans la soirée, le HCS a indiqué que 90% des déchets ont été ramassés entre l'embouchure de Nahr el-Kalb et le complexe balnéaire de Portémilio, à Kaslik, ajoutant que le nettoyage se poursuivra mercredi matin.
Les premières photos de cette catastrophe environnementale avaient été publiées lundi matin par le collectif "Vous puez !" avec pour commentaires : "Le littoral du temps des voyous des déchets et des décharges maritimes", "La mer a rendu son gage", "Assez de destruction du Liban, de son environnement, de notre santé et de celle de nos enfants". Comme une traînée de poudre, les images se sont ensuite propagées sur les réseaux sociaux, suscitant l’indignation de milliers de personnes.
"Mer de désespoir et de mensonge"
"L'objectif de M. Khatib et du pouvoir qu'il représente est de nous convaincre que ces déchets ne viennent pas des décharges côtières. En d'autres termes, ils nous disent qu'il ne faut pas toucher à ces déchets et, quelque part, que le fait qu'il y ait des immondices sur les plages n'est pas un problème", a ajouté M. Gemayel, balayant l'argument selon lequel ces déchets datent d'il y a trois ans.
"Vous voulez nous faire croire que vous avez toujours raison. Vous nous dites que la crise des déchets, c'est de ma faute, celle des municipalités, des citoyens, de l'opposition", a accusé M. Gemayel, rappelant que son parti s'est toujours opposé aux décharges côtières. "Vous avez détruit les côtes libanaises", a-t-il lancé, accusant le pouvoir de ne prendre aucune responsabilité et appelant les Libanais à sanctionner son action politique lors des prochaines élections législatives prévues en mai.
En soirée, le ministre de la Culture, Ghattas Khoury, a répondu à Samy Gemayel. "Nous noyer dans une mer de désespoir et de mensonges ne paiera pas. Grossir les problèmes ne fait pas grossir le poids électoral", a-t-il écrit sur Twitter. Dans la matinée, le député Ibrahim Kanaan (CPL) avait lui aussi dénoncé sur Twitter l'exploitation de la crise des déchets à des fins électorales. Il a en outre demandé la création d'une commission d'enquête pour déterminer les responsables. "C'est la différence entre ceux qui agissent et ceux qui exploitent (une cause)", a-t-il ajouté.
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commentaires (8)
Cela promet des élections bien polluées.... Quand les déchets s'invitent au cœur de la république....tout devient flou. Les grecs et les romains ont inventé les latrines et au Liban nous ne sommes même pas capables de copier un incinérateur moderne pour en finir avec ces zbelli ? Parfois j'ai honte, pour ces histoires d'électricité et de déchets ...(qui n'en finissent pas) La guerre est passer par là ....(pour nous retarder) j'en convient. Mais maintenant cela fait des décennies que le pays a trouvé une stabilité relative (en tout cas une paix relative) Plus rien ne justifie ces carences et nous sommes tous (sans exception)responsables de cette situation ridicule. Serrons-nous les coudes !
Sarkis Serge Tateossian
22 h 16, le 23 janvier 2018