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Nos Lecteurs ont la Parole - par Anthony JABRE

Parce que c’est mon papa et qu’il est une star...

Il n'est pas parfait. Ça, non ! C'est un vrai père libanais. Vous savez, celui qui décrète unilatéralement quelle chaîne on regarde à la télé, qui a le don de savoir tout mieux que tout le monde (Google inclus) et qui pose des questions pourries du type « Tu préfères papa ou maman ? » Moi, je me suis toujours dit que l'objectif serait de lui ressembler le moins possible. Attention, non pas que je ne l'aime pas, mais plutôt que je suis bien plus cool que lui. Je mets quand même des Stan Smith et je mange du quinoa.
Pourtant, cool, il l'a été. Enfin, il paraît... À 20 ans, il était le chanteur vedette d'un groupe yéyé 100 % libanais, Jon Jon et les mauvais garçons. Vous ne connaissez pas ? C'est normal, à moins d'être une ancienne groupie avec une très, très bonne mémoire. On parle quand même des années 60-70 et de personnes qui sont dorénavant retraitées. En bref, c'était 5 garçons dans le vent qui ont pas mal tourné au Liban. Principaux faits d'armes : la kermesse de Champville, la première partie d'Alain Barrière au Casino du Liban, ou encore un concert à l'Unesco. Quand je dis cool, je ne dis pas non plus que c'était les Rolling Stones... C'était plutôt hommos, jellab et rock'n'roll, si vous voyez ce que je veux dire. Mais bon, voilà, c'était haut en couleur, et quand on écoute mon père en parler, on sent bien que c'était la meilleure période de sa vie. En tout cas, moi, ça ne m'aurait pas déplu de ressembler à Jon Jon. D'ailleurs, c'est de lui que ma mère est tombée amoureuse.
Pourquoi le reste de la vie n'a pas été comme ça ? « On ne pouvait pas », « Il fallait faire un métier sérieux », « Est-ce que tu as manqué de quelque chose ? »... Je ne dis pas que mon père aurait dû rester Jon Jon toute sa vie, mais de là à aller tirer la tronche en costume cravate sur le chemin du bureau ? En plus, je sentais bien qu'il essayait de trouver une échappatoire. Lorsqu'il est devenu directeur d'un hôtel, sa première initiative a été de monter un piano-bar. Il avait recruté un couple de musiciens : Reine au micro et Bernard à l'orgue. Au bout d'une semaine, Reine est devenue pilier de bar pour une bonne décennie à regarder mon père chanter tous les soirs devant un demi-public de passage. La pauvre est sûrement devenue alcoolique. Moi, je n'étais pas client. J'étais un simple otage. Enfant de 10 ans à moitié endormi sur une banquette à 2h du matin. À lui, je ne voulais pas ressembler, c'est sûr.
La vie s'en est allée ainsi. À Noël, je lui offrais des cravates et il les portait la semaine d'après au bureau en tirant la tronche. Puis un jour, j'ai aussi enfilé un costume et j'ai commencé ma vie professionnelle avec à peu près le même entrain. C'est comme ça, il fallait bien « trouver un travail sérieux ».
Alors que je roulais tranquillement sur l'autoroute de l'ennui, mon père m'a donné la plus belle des leçons. Il m'appelle, me pose la question classique, « Ça va bien au travail ? », et m'annonce qu'il a du nouveau de son coté : « Je vais chanter au Music Hall à Beyrouth ! » « Quoi ? Au Music Hall ? Le spot le plus recommandé sur Trip Advisor, celui pour lequel j'ai dû vendre les cravates Lanvin de jeddo pour entrer ? ». « Oui. » En un clin d'œil, je me suis retrouvé chez H&M pour le voir acheter un jean slim, une cravate slim, une veste et une chemise slim fit : « Je vais rendre un hommage à Johnny. »
Puis, le grand jour est arrivé. Je suis au MusicHall, posté au bar, prêt à m'enfuir dès les premiers jets de tomates. Le rideau s'ouvre, projecteur, il est là, avec sa guitare et un orchestre d'une douzaine de musiciens. Hyper classe ! Il chante Que je t'aime et j'entends la foule reprendre en chœur avec lui. Il déchire la salle et mon cœur avec. Il s'en va sous des applaudissements nourris. Une star est (re)née!
Il a 65 ans. Il s'éclate comme jamais et il me dit « Anthony, le plus important dans la vie, c'est de s'éclater. » Il a raison, je n'ai jamais été autant fier de lui et j'espère qu'un jour je lui ressemblerai. Parce que c'est mon papa et qu'il est une star. Vous pouvez le voir les jeudis, vendredis et samedis un peu après 23h. Il se couche après moi. En fait, il est plus cool que moi !

 

Il n'est pas parfait. Ça, non ! C'est un vrai père libanais. Vous savez, celui qui décrète unilatéralement quelle chaîne on regarde à la télé, qui a le don de savoir tout mieux que tout le monde (Google inclus) et qui pose des questions pourries du type « Tu préfères papa ou maman ? » Moi, je me suis toujours dit que l'objectif serait de lui ressembler le moins possible....

commentaires (2)

HISTOIRE OU BLAGUE ? PLUTOT LA SECONDE QUE LA PREMIERE !

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 02, le 29 décembre 2017

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • HISTOIRE OU BLAGUE ? PLUTOT LA SECONDE QUE LA PREMIERE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 02, le 29 décembre 2017

  • Franchement genial ce papa cool....il n'y a pa d'age pour les braves.....

    Houri Ziad

    12 h 14, le 29 décembre 2017

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