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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Les chrétiens sont-ils prêts à revenir en Irak ?

Malgré la fin du califat, toutes les conditions ne sont pas encore réunies pour la réconciliation des communautés en Irak.

Une messe à Qaraqosh. Photo AFP

Alors que Bagdad a célébré il y a quelques jours sa victoire contre l'État islamique (EI), après avoir récupéré les territoires soumis au joug du « califat », la question du retour des populations déplacées se pose aujourd'hui avec acuité, notamment pour les chrétiens d'Irak. C'est dans ce contexte que Mgr Bachar Warda, évêque d'Erbil, s'est récemment rendu à Washington. Le représentant de l'Église catholique chaldéenne dans la région autonome du Kurdistan irakien a une nouvelle fois plaidé la cause des chrétiens d'Orient, victimes de persécutions par les jihadistes de l'EI lors de leurs conquêtes en Irak. « La victoire contre le groupe État islamique en Irak devrait permettre d'accélérer en 2018 le retour des déplacés chrétiens persécutés par les jihadistes, à condition d'accroître l'aide pour reconstruire leurs villages », déclare l'homme d'Église. Depuis plusieurs années, il envoie des messages de paix et appelle les fidèles à rester dans la région et à cohabiter avec les communautés musulmanes plutôt que de partir. « Tout ce que je fais est un message pour leur dire de rester ! Je crois, je suis sûr même, qu'il y a un avenir ici pour les chrétiens d'Irak et que cet avenir sera meilleur qu'aujourd'hui », déclarait-il en 2015. Le message de l'Église est clair : il faut que les réfugiés, où qu'ils soient, puissent retourner chez eux. « J'espère que les chaldéens et les autres réfugiés vont retourner chez eux. Même si certains ne le veulent pas, nous faisons tout notre possible pour qu'ils le fassent car c'est notre devoir de le faire », précise à L'Orient-Le Jour Mgr Michel Kassarji, évêque chaldéen de Beyrouth.

Les chrétiens sont présents depuis des siècles en Irak. La grande majorité de ces fidèles relève de l'Église chaldéenne (catholique), l'une des onze Églises orientales de différents rites (syriaque, byzantin, arménien, latin...) présentes dans le pays. Le nombre total des chrétiens sur ce territoire atteint le nombre d'un million et demi à la fin des années 1990 et représentaient 10 à 15 % de la population irakienne. Mais leur situation s'aggrave depuis l'intervention américaine de 2003 et l'écroulement du régime de Saddam Hussein. Les chrétiens étant par défaut associés à l'occupant américain et à l'Occident par la population musulmane, des tensions naissent entre les deux communautés.

À ce moment-là, en l'absence « d'État irakien », les actes de pression et de discrimination se multiplient et la vie des chrétiens se détériore. Les sentiments d'insécurité, l'essor des discours religieux et la faiblesse de la protection envers les minorités provoquent de nombreux exils forcés. « Le problème des chrétiens dans ce pays, c'est que c'est une population qui a perdu espoir dans le modèle irakien », affirme à L'OLJ Martin Lafon, chargé de mission pour l'Irak pour l'association Œuvre d'Orient. « Les chrétiens sont tirés vers un sentiment d'insécurité en l'absence d'État et de police qui pouvait assurer la sécurité pour tous (...) La sécurité était représentée par des groupes » privatisés « et des milices que les chrétiens n'ont pas », poursuit-il.

 

(Lire aussi : Samer, entre départ impossible et séjour insoutenable)

 

« Ils pensent que c'est un pays chrétien »
Les chrétiens ont fui l'insécurité et l'instabilité créée depuis 2003, puis l'arrivée de l'EI dans leurs régions dès l'été 2014. L'organisation terroriste persécute ceux qui choisissent de rester. Symbole de celle-ci, la lettre « noun » (initiale de « Nasrani » qui, en arabe, dérive de « Nazareth ») était peinte par les jihadistes sur les portes des maisons chrétiennes. Un emblème qui a été utilisé sur les réseaux sociaux comme une marque de soutien pour les chrétiens d'Irak face aux répressions des jihadistes. À partir de là, les exils forcés des chrétiens deviennent quasi automatiques. Ceux-ci ont le choix : soit ils partent en laissant tout derrière eux, soit ils se convertissent de force et vivent sous le règne de la terreur et de la discrimination.

En 2014, 125 000 fidèles ont fui l'avancée des jihadistes dans ce territoire pour se réfugier dans la région autonome du Kurdistan irakien. Là-bas, les civils montrant une carte d'identité où il est inscrit « chrétien(ne) » étaient les bienvenus. Les réfugiés, où qu'ils aillent, sont placés sous l'aile de l'Église qui les accueille en mettant en place des centres et des infrastructures pour héberger les familles et les enfants qui s'y rendent. Mais, après la fuite, la question d'un éventuel retour est posée.

Pour certains de ces fidèles, le retour n'est pas envisageable. La volonté de rompre avec les mentalités et les problèmes d'insécurité de l'Irak les force à prendre leurs distances. « La question du retour n'est pas une question d'argent, c'est une question psychologique. L'idée de rentrer dans un lieu non sécurisé et incertain les pousse à hésiter de rentrer. Ils ne sont pas sûrs que si jamais ils rentrent là-bas, ce qu'ils ont vécu ne va pas se répéter », affirme à L'OLJ Marie Lamaa, bénévole au centre des réfugiés chaldéens de Sabtieh, près de Beyrouth. « Une dame avec qui j'ai discuté (au centre d'accueil) était enseignante à Bagdad dans une école religieuse et son mari est encore en Irak. Ils peuvent tous deux avoir un salaire, et ils pourraient vivre là-bas. Mais ce qu'ils ont vécu fait qu'ils ne veulent plus rentrer », précise-t-elle. Ces familles, avec leurs possibilités, tentent éventuellement un nouveau départ vers l'Europe, le Canada ou l'Australie.

D'autres, au contraire, optent pour la solution du retour. Certains ne le font pas par envie, mais tout simplement parce qu'ils ne trouvent pas mieux dans les pays où ils sont accueillis. « Il y a quelques familles au Liban qui sont retournées en Irak. Quand les Irakiens viennent ici (au Liban), ils pensent que c'est un pays chrétien et donc qu'ils seront accueillis à bras ouverts, que l'aide sera quotidienne, que les soins médicaux sont gratuits... mais ce n'est pas le cas. Donc après 5-6 ans d'attente... ils retournent chez eux », précise à L'OLJ Mgr Michel Kassarji. « Ils n'ont eu l'eldorado ni ici ni là-bas », ajoute-t-il.

 

 (Pour mémoire : « Les chrétiens d’Irak ont le droit de vivre en paix. Mais partir est désormais la seule issue »)

 

 

« Reconstruction de la personne humaine »
Plusieurs familles ont pu retourner dans leurs cités en constatant avec tristesse l'étendue des saccages causés par les jihadistes contre les monuments, icônes et symboles. Entre 2 000 et 3 000 familles ont réintégré Qaraqosh depuis sa reprise en octobre 2016. Dans le même temps, une cinquantaine de familles a pu regagner Mossoul et sa périphérie.

Mais le retour des chrétiens ne peut se faire qu'à certaines conditions politiques. Le patriarche de l'Église catholique chaldéenne, Louis Raphaël 1er Sako, a fait, tout comme l'évêque d'Erbil, appel à l'aide internationale au niveau matériel et du changement politique et social. « La reconstruction de la pierre n'est pas suffisante sans la reconstruction de la personne humaine », déclare-t-il lors d'une conférence de presse à l'Institut du monde arabe à la mi-novembre. « Ce dont nous avons besoin, c'est de l'assistance internationale pour la sécurité, la stabilité et aussi d'aider l'Irak à se mettre debout, d'une manière saine et non pas sectaire » ajoute-t-il. Pour réaliser cela, l'homme d'Église pense qu'« il faut changer la Constitution (irakienne de 2005) ». Entre 300 000 et 400 000 chrétiens sont encore présents en Irak. Ils ne représentent désormais que 1 % de la population, contre 15 % il y a 20 ans.

 

 

 

Pour mémoire 

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Alors que Bagdad a célébré il y a quelques jours sa victoire contre l'État islamique (EI), après avoir récupéré les territoires soumis au joug du « califat », la question du retour des populations déplacées se pose aujourd'hui avec acuité, notamment pour les chrétiens d'Irak. C'est dans ce contexte que Mgr Bachar Warda, évêque d'Erbil, s'est récemment rendu à Washington. Le...

commentaires (2)

RIEN QUE POSER CETTE QUESTION... C,EST REVER EN PLEIN JOUR ! LES CHRETIENS QUI ONT QUITTE LE SIECLE PASSE LA TURQUIE, LA SYRIE, L,IRAK, LA JORDANIE, L,EGYPTE ET LE LIBAN... FUYANT L,INTOLERANCE ET LES HAINES ANTI CHRETIENNES... SONT-ILS REVENUS DANS LEURS PATRIES RESPECTIVES ? NON ! POURQUOI ? SIMPLEMENT CAR L,INTOLERANCE ET LES HAINES CONTINUENT !!!!!!!!!!

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 28, le 19 décembre 2017

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Commentaires (2)

  • RIEN QUE POSER CETTE QUESTION... C,EST REVER EN PLEIN JOUR ! LES CHRETIENS QUI ONT QUITTE LE SIECLE PASSE LA TURQUIE, LA SYRIE, L,IRAK, LA JORDANIE, L,EGYPTE ET LE LIBAN... FUYANT L,INTOLERANCE ET LES HAINES ANTI CHRETIENNES... SONT-ILS REVENUS DANS LEURS PATRIES RESPECTIVES ? NON ! POURQUOI ? SIMPLEMENT CAR L,INTOLERANCE ET LES HAINES CONTINUENT !!!!!!!!!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 28, le 19 décembre 2017

  • La situation des chrétiens est plus que jamais incertaine voir fragilisée pour de très longues années en Irak. La plus part des chrétiens d'Irak, sont des populations autochtones, qui désormais se sentent en terre étrangère. C'était le but recherché par les islamistes .... L'orient doit faire un travail de rétrospection et de remise en cause de ses principes ....en toute honnêteté et franchise loin des chaines et des dogmes religieux ou traditionalistes. L'espoir fait vivre ...espérons!

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 53, le 19 décembre 2017

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